Le gouvernement Benkirane vient de retirer l’accréditation au correspondant de l’AFP au Maroc, Omar Brouksy. La cause : un reportage du journaliste, diffusé jeudi, sur les élections partielles à Tanger qui apparemment n’était pas du goût des autorités. Elles lui reprochent notamment de véhiculer «des allégations mêlant l'institution monarchique à cette compétition électorale qui s'est déroulée dans un climat empreint de transparence, portant ainsi préjudice à sa position de neutralité et à son rôle d'arbitre se situant au-dessus de toute concurrence électorale entre les formations politiques, indique un communiqué du gouvernement», lit-on dans le texte relayé par la MAP.
«Ces allégations, poursuit le communiqué, portent aussi préjudice au statut constitutionnel de l'institution monarchique et sont en contradiction totale avec la neutralité absolue de SM le Roi et de la famille royale par rapport aux élections».
«Je ne comprends pas les raisons de cette décision»
Contacté par Yabiladi.com, Omar Brouksy dit ne pas «comprendre les raisons de cette décision du gouvernement. De plusle communiqué n’est pas clair. Ils auraient pu trouver un prétexte solide pour justifier le retrait de mon accréditation. Dans mon reportage j’ai parlé d’un duel opposant à Tanger le PJD au PAM. Ensuite, j’ai défini, au lecteur occidental, les deux formations tout en précisant que le PAM est un parti fondé en 2008 «par Fouad Ali El Himma, un proche du roi Mohammed VI». C’est tout.». Et de promettre qu’il va «continuer d’exercer au sein de l’équipe de l’AFP».
A la question de savoir s’il est dans le collimateur des autorités depuis les incidents du 22 août dernier, Omar Brouksy avoue qu’il «ne sait pas». Pour mémoire, ce jour-là le journaliste de l’AFP a été la victime, aux côtés d’autres journalistes et photographes travaillant pour des supports marocains, d’une agression de la police alors qu’il couvrait une manifestation devant le parlement à Rabat d’une dizaine d’opposants à la cérémonie d’allégeance. Pour circonscrire au plus vite l’onde de choc, le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement a été contraint de présenter des excuses à la direction générale de l’AFP à Paris et non à Omar Brouksy.
La réaction modérée de l’AFP
L’agence française a réagi, ce matin, au retrait de l’accréditation de Omar Bouksy. Dans une dépêche de l’AFP, le directeur de l’information, sur un ton très modéré dit espérer que les autorités marocaines reviendront sur cette décision. Le reportage incriminé n'avait pas d'autre but que d'informer, de contextualiser une situation, sans intention de nuire à qui que ce soit». Et d’ajouter que le bureau de l'AFP à Rabat avait «toute la confiance de la direction de l'agence».
Le précédent de Claude Juvénal en 2000
Entre le bureau de l’AFP à Rabat et les autorités marocaines, les relations ne sont guère au beau fixe. Et c’est un euphémisme. En 2000, le gouvernement dit d’«alternance» dirigé par le socialiste Abderrhaman El Youssoufi a expulsé le journaliste français Claude Juvénal, qui officiait comme directeur de l’agence au Maroc, pour s’être «écarté de l'éthique et de la déontologie de la profession en prenant des initiatives à caractère hostile au Maroc et à ses institutions». Douze ans plus tard, l’histoire est en train de se répéter.