Tout commence par un bel après-midi de fin d’été au royaume chérifien. Samedi 1er septembre, rapporte Le Soir Echos, M. et Mme Ajouhi décident de partir avec leurs deux enfants âgés de trois et six ans au Tahiti Beach Club, situé sur le boulevard de la Corniche, à Casablanca. L’ambiance est à la bonne humeur, les enfants impatients de jouer dans l'une des nombreuses piscines que compte le club. A leur arrivée, la désillusion est brutale : Mme Ajouhi se voit refuser l’accès du club par la sécurité. Si aucune explication précise n’est fournie au départ, le couple ne tarde pas à comprendre la raison de cette interdiction formelle : le voile que la jeune femme porte sur la tête.
Le Tahiti Beach Club interdit formellement le port du voile
Le personnel de sécurité ne sachant pas trop que répondre, M. Ajouhi demande à voir la direction de l’établissement. «J’ai été reçu par la gérante de l’établissement [Tahiti Beach Club (TBC), ndlr] dans son bureau. Cette dernière m’a affirmé que le voile est formellement interdit au club et que c’est le règlement depuis longtemps», raconte M. Ajouhi. Il ajoute : «quand j’ai demandé pourquoi cette fixation sur le voile, on m’a répondu : c’est comme ça !». Pendant ce temps, Mme Ajouhi, qui attend à l’entrée avec ses deux enfants, est interpelé par l'un des membres du personnel de sécurité : «quand mon mari est descendu parler avec les responsables, le vigile m’a dit que je pouvais facilement entrer, à condition d’enlever le voile. J’ai dit non !», s’exclame-t-elle.
Le couple aurait pu en rester là, mais non. Décidé à obtenir gain de cause face à un discours qu’il juge irrecevable, M. Ajouhi appelle son avocat et fait dépêcher sur place un huissier de justice. Celui-ci rédige, sur l’heure, un constat. Le plaignant profite également de la présence de l’huissier pour informer la gérante du club de son intention de porter plainte contre l’établissement pour «discrimination». Si avéré, cet acte anticonstitutionnel est passible d’une amende «de 1200 à 50000 dirhams» et d’un emprisonnement pouvant «aller d’un mois à deux ans de prison», rappelle un magistrat interrogé, par le Soir Echos, qui a souhaité conserver l'anonymat.
D’autres cas de «discrimination»
En dépit de la gravité de l'accusation, la gérance de l’établissement considère cet incident comme des plus banals. «Il s’agit d’un cas tout à fait normal pour nous car nous avons l’habitude de ce genre de situation», souligne la gérante du club, au Soir. Elle ajoute : «nous ne faisons qu’appliquer un règlement qui date de longtemps. Toutefois, il ne s’agit nullement d’une affaire de voile.»
Curieux, pourtant, car en évoquant le sujet au sein de la rédaction de Yabiladi, ce matin-même, il s’avère que deux de nos journalistes voilées se sont également vues refuser l’accès au TBC sans raison valable. Pour plus d'explications sur une interdiction concernant les femmes voilées, mais pour laquelle «il ne s'agirait pas d'une affaire de voile», nous avons essayé de joindre la gérante du Tahiti Beach, toute la matinée, en vain.
L'explication ne peut tenir à des raisons d’hygiène puisque comme Mme Ajouhi a expliqué : «je comprends que le voile ne soit pas approprié pour la baignade, chose que je ne comptais pas faire. Et je l’ai dit au vigile : j’étais là pour les enfants, c’est tout !» Toujours sous le coup de l’émotion, elle considère cette interdiction comme «un manque de respect total envers sa personne, mais aussi envers toutes celles qui ont choisi de porter le voile.»
Par delà les litiges juridiques qu’il occasionne, le port du hijab est entrain de devenir une véritable problématique sociétale dans notre pays. Déjà, en février, l'affaire de Nadia Lyoubi, journaliste voilée à 2M, à n'être apparue devant la caméra qu'une seule fois, avait fait grand bruit. Le cas de discriminations au travail de jeunes femmes voilées est avéré par de nombreux témoignages.