Nous sômmes en une époque marquée par le rationnalisme et ce rationnalisme touche à leur insu nombre de ceux qui se prétendent croyants. Le rationnalisme de ces "croyants" les conduisent à n'utiliser que la raison pour envisager et leur foi et la pratique de celle-ci. Toute forme d'intériorisation s'en trouve dès lors reléguée aux oubliettes et dès que l'on en effleure les effluves , on les rejette immédiatement car évidemment elle demeure inconnue pour la raison
J'ai donc souhaite ce post exclusivement consacré à la science spirituelle nommée en islam at tassawuf , le soufisme , afin d'une part d'aider celles et ceux d'entre les yabiladinautes qui se posent des questions à propos du soufisme et qui trouveront là de très nombreux éléments et également contrer les manipulations de certains groupes fallacieux de la mouvance salafiyya qui naquirent aux confins des 19 ème et 20 èmes siècles et qui rationnalisèrent l'islam en lui enlevant ( ou en tentant de lui enlever ) son âme , à savoir sa veine spirituelle et contemplative.
Mes posts qui suivront donc seront des textes prouvant l'authenticité du soufisme avec des témoignages des plus grands oulamas de l'islam qui tout en étant des savants en sciences religieuses sont également des pélerins dans la voie spirituelle du soufisme , des biographies etc... Merci de votre attention wa salamu 'alaykum wa rahmatullahi wa barrakatuh.
Modifié 2 fois. Dernière modification le 22/05/05 20:41 par webmaster.
Voici un premier texte conçernant le Soufisme en ses pemières lueurs. Il répondra sans doute à ceux qui s'interrogent quant à son avénement et la place qu'il occupe en Islam.
L’avènement du soufisme
Le Docteur Ahmad `Allûsh écrit : « De nombreuses personnes s’interrogent sur les raisons qui font que l’appel au tasawwuf (soufisme) n’existait pas au sein des premières générations de fidèles et qu’il est apparu uniquement après les générations des Compagnons et des Successeurs.
Répondons à ces interrogations. La spécificité de ces premières générations fait qu’il n’y avait aucun besoin d’appeler au soufisme. En effet, grâce à leur lien direct ou quasi-direct avec le Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, les fidèles de ces générations ont vécu dans la piété et la dévotion, ils ont combattu les passions de leur ego et se sont dépensés dans l’adoration de Dieu. Ils multipliaient leurs efforts dans l’obéissance à Dieu et chacun espérait être celui qui suivait le mieux la guidance du noble Prophète. Par conséquent, il n’y avait nullement besoin de leur enseigner une discipline qu’ils mettaient déjà en pratique par eux-mêmes. De manière similaire, l’Arabe qui a hérité l’éloquence du discours génération après génération, au point de faire de la poésie sans jamais avoir appris les règles de la grammaire ou de la métrique, peut très bien se passer de l’apprentissage de l’éloquence ou de la grammaire. Pourtant, ces mêmes disciplines semblent indispensables lorsque la maîtrise de la langue diminue et que la qualité de l’expression devient médiocre. Aussi l’enseignement de telles disciplines littéraires prend-il tout son sens pour des personnes étrangères désireuses de découvrir et d’apprendre la langue ou lorsque ces disciplines deviennent vitales pour la société, à l’instar d’autres sciences qui naissent et se développent au fil du temps, à un moment opportun pour leur formalisation. Bien que les Compagnons et les Successeurs n’étaient pas appelés « soufis », il n’en est pas moins vrai qu’ils mettaient en pratique le soufisme car, qu’est-ce que le soufisme sinon le fait de vivre pour Dieu et non pour soi, de faire preuve d’ascétisme et de constance dans l’adoration de Dieu, de diriger en permanence son âme et son cœur vers Dieu, ainsi que d’acquérir toutes les qualités des Compagnons et des Successeurs en matière d’élévation aux plus hauts degrés de la spiritualité ? Ces fidèles ne se sont pas contentés de respecter les fondements de la foi ou d’appliquer les piliers de l’islam, mais ils ont rajouté à cela un attachement à la spiritualité et au raffinement du goût. Outre les actes obligatoires, ils ont repris les œuvres surérogatoires que le Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, aimait accomplir et ils se sont écartés non seulement de l’illicite mais de tout ce qui est déconseillé (makrûh). C’est pour cela que Dieu les illumina, la sagesse jaillit de leur cœur et les secrets divins se sont généreusement manifestés pour eux. Tel était l’état spirituel des Compagnons, des Successeurs et des Successeurs des Successeurs. Ces trois premières générations de l’islam furent incontestablement les plus lumineuses et absolument les meilleures. Aussi, il a été rapporté que le Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, a dit : « La meilleure génération est la mienne, puis celle qui la suit, puis celle qui la suit. » Au fil du temps, de nombreux peuples ont embrassé l’islam, et les sciences islamiques se sont enrichies et diversifiées si bien que les savants se spécialisaient dans certaines disciplines. Les gens de science ont alors compilé leur savoir, chacun dans le domaine de son expertise. Ainsi, après la formalisation de la grammaire par les toutes premières générations, d’autres disciplines se sont développées, comme la jurisprudence, la théologie, les sciences du Hadîth, les fondements de la religion, l’exégèse, la logique, la science de la terminologie des hadiths, la science des fondements, l’héritage. Après cette période, la spiritualité a connu un déclin progressif. Les gens commençaient à oublier l’importance capitale de se diriger vers Dieu en humbles serviteurs, avec des cœurs éveillés et pleins d’ardeur. C’est pourquoi, de leur côté, les ascètes ont veillé à enregistrer la discipline du soufisme et à montrer sa noblesse et son importance pour toutes les autres disciplines et sciences. Contrairement à ce que pensent certains orientalistes, ce développement écrit du soufisme n’était pas une forme de protestation contre ceux qui ont compilé les autres disciplines. Bien au contraire, il était complémentaire aux autres branches de la religion et visait à pallier à une déficience, afin de développer toutes les facettes de la religion et répondre à tous les besoins. Cette complémentarité est une entraide indispensable pour préparer l’appel à la piété et à la bienfaisance. »
Les premiers Imâms du soufisme ont bâti les fondements de leur voie (tarîqah) en puisant dans les valeurs authentiques dont témoigne l’Histoire islamique, transmises par les savants érudits dignes de confiance. Quant au repérage historique du soufisme, il apparaît dans la fatwâ (verdict religieux) de l’Imâm, le Hâfidh, Muhammad Siddîq Al-Ghumârî, qu’Allâh lui fasse miséricorde. On l’interrogea sur le fondateur du soufisme et on se demanda si le soufisme était issu d’une révélation divine. Il répondit en ses termes : « Quant au premier fondateur de la voie (tarîqah), sache que la voie a été fondée par la révélation divine qui établit l’ensemble du Message du Prophète Muhammad. Il ne fait pas l’ombre d’un doute qu’elle constitue le degré de l’excellence qui est l’un des trois piliers de la religion enseignés, un à un, par le Messager d’Allâh, paix et bénédiction d’Allâh sur lui, dans le hadith : « Cet homme, dit le Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, c’est Gabriel ; il est venu enseigner aux hommes leur religion », à savoir, l’islam, la foi, et l’excellence. L’islam est l’obéissance et le culte rendu à Allâh, la foi est une lumière et des dogmes authentiques, l’excellence est un degré fondé sur l’observance et la contemplation : adorer Allâh comme si tu le voyais, car bien que tu ne le voies pas, Lui, sûrement, te voit. » [1]
Sheikh Muhammad Al-Ghumârî poursuivit cette épître en disant : « Le hadith établit trois piliers et quiconque néglige ce degré de l’excellence qui fonde la voie soufie, alors sa religion est incomplète car il a délaissé l’un de ses piliers. La finalité même à laquelle aspire la voie soufie, c’est le degré de l’excellence, une fois que l’islam et la foi sont établies de façon correcte. » [2]
Ibn Khaldûn dit dans sa Muqaddimah : « Cette discipline [le soufisme] fait partie des disciplines islamiques tardivement formalisées dans la religion. Son origine remonte en fait aux pieux prédécesseurs de la Communauté et à ses maîtres parmi les Compagnons et ceux qui les ont suivi sur la voie de la vérité et de la guidance. Elle consiste à se consacrer à l’adoration d’Allâh, à se diriger vers Allâh à l’exclusion de tout apparat de la vie mondaine, à s’exercer à l’ascétisme et au renoncement aux bienfaits qui attirent les humains, comme l’argent et la renommée, à cheminer vers le Créateur en se désintéressant de ce que détiennent les créatures, à incliner vers la retraite solitaire pour l’adoration, ce qui était commun à l’époque des Compagnons et des prédécesseurs de la Communauté. Mais lorsque l’attachement à la vie terrestre devint monnaie courante à partir du deuxième siècle de l’Hégire, et que les gens ont pris goût à ses ornements, le titre de « soufi » fut attribué à ceux qui, au contraire, se dépensaient dans l’adoration de Dieu. » Ce qui nous importe le plus ici, c’est le dernière partie de cette citation d’Ibn Khaldûn où il affirme que l’apparition du soufisme et des soufis fut la conséquence de la séduction qu’exerçait la vie terrestre sur les gens au deuxième siècle. Par conséquent, ceux qui multipliaient les œuvres de culte ont été caractérisés par un nom qui les distingua des gens que l’éphémère vie terrestre avait rendu insouciants et négligents. Abû `Abd Allâh Muhammad Siddîq Al-Ghumârî affirme : « Ce qu’a dit Ibn Khaldûn au sujet de l’histoire de l’apparition du mot "soufisme", est confirmé par les propos d’Al-Kindî, qui vécut au quatrième siècle de l’Hégire. Dans son livre Wulât Misr fî Hawâdith Sanat Mi’atayn, Al-Kindî écrit : « Apparut à Alexandrie un groupe de gens appelés « soufis » recommandant le bien. » Il en va de même pour ce qu’Al-Mas`ûdî a mentionné dans Murûj Adh-Dhahab lorsqu’il relata un récit selon Yahya Ibn Aktham : « Alors qu’Al-Ma’mûn était assis, son huissier `Alî Ibn Sâlih rentra et dit : « Ô Commandeur des Croyants, un homme attend devant la porte, vêtu d’habits blancs grossiers, il souhaite s’entretenir avec toi ; j’ai compris alors que c’était un Soufi. » » » Ces deux récits confirment les propos d’Ibn Khaldûn au sujet de l’histoire de l’avènement du soufisme. Il est dit dans Kashf Adh-Dhunûn que le premier qui fut appelé "Soufi" était Abû Hâshim As-Sûfî, décédé en 150 A.H.. L’auteur de Kashf Adh-Dhunûn a rapporté au sujet de la discipline du soufisme certains propos de l’Imâm Al-Qushayrî : « Sachez que parmi les Musulmans qui ont vécu après le Messager d’Allâh, paix et bénédiction d’Allâh sur lui, les meilleurs d’entre eux n’ont pas reçu de noms se référant à une discipline donnée. Ils étaient simplement désignés comme « la Compagnie du Messager », paix et bénédiction de Dieu sur lui, car c’est le rang le plus haut. On les appela les Compagnons. Puis les gens ont divergé et les mérites ont varié. On appela alors l’élite - profondément attachée à la religion - « ascètes » (zuhhâd) et « dévots » (`ubbâd). Puis les innovations apparurent et les groupes se sont opposés, chaque groupe prétendant compter des ascètes dans ses rangs... L’élite des Sunnites qui observait Dieu - Exalté Soit-Il - et préservait son cœur des signes de la négligence, se distingua par le mot « soufisme ». Ce titre devint célèbre pour ces maîtres avant l’an 200 A.H. » A partir de ces citations, il semble clair que le soufisme n’est pas une approche récente et innovée, mais, au contraire, il est puisé dans la vie même du Messager d’Allâh, paix et bénédiction d’Allâh sur lui, ainsi que dans la vie de ses nobles Compagnons. Par ailleurs, le soufisme n’a aucune source d’inspiration étrangère à l’islam, contrairement à ce que prétendent les ennemis de l’islam parmi les orientalistes et leurs disciples, qui ont inventé des appellations et ont appelé « soufisme » le monachisme bouddhiste, le sacerdoce chrétien et le charlatanisme indien en parlant de soufisme bouddhiste, indien, chrétien et perse... Ils veulent d’une part défigurer le mot soufisme et, d’autre part, accuser le soufisme de remonter à ces anciennes religions et autres philosophies déviantes. Mais le croyant ne doit pas se laisser emporter par leurs courants de pensée et ne doit pas tomber dans leurs ruses vicieuses. Il doit faire preuve de discernement, de quête de la vérité, et doit finir par constater que le soufisme est la mise en pratique de l’islam, que le soufisme est exclusivement islamique.
Traduit de l’arabe du livre de Sheikh `Abd Al-Qâdir `Îsâ, Haqâ’iq `an At-Tasawwuf, disponible en ligne sur le site Shazly.com. [1] Abû Hurayrah, qu’Allâh l’agrée, rapporte : "Alors que le Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, se tenait un jour en public, un homme vint le trouver et lui dit : "Qu’est-ce que la foi ?" - "C’est, répondit-il, croire en Allâh, en Son Livre, en Ses Anges, en Sa rencontre, en Ses Prophètes et à la Résurrection." - "Ô Envoyé d’Allâh, et qu’est-ce que l’islam ?", reprit l’homme. - "L’islam, dit le Prophète, c’est le fait d’adorer Allâh, de ne point lui donner d’associés, de pratiquer la prière prescrite, de payer l’aumône légale, de jeûner pendant le Ramadân." - "Qu’est-ce que la bienfaisance dans les actes ?", ajouta l’homme. - "C’est, répliqua Muhammad, adorer Allâh comme si tu le voyais. Car bien que tu ne le voies pas, Lui, sûrement, te voit." - "Quand aura lieu l’Heure Suprême ?", reprit l’homme. "Celui qui est interrogé sur ce point n’en sait pas plus que celui qui interroge. Mais je peux te dire que les signes suivants annonceront sa venue : quand la servante donnera naissance à sa maîtresse ; quand les nus et les nu-pieds seront à la tête des gens ; et quand les obscurs pasteurs de chameaux se vautreront dans leurs palais. Cette Heure est une des cinq choses qu’Allâh Seul connaît." Ensuite le Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, récita ce verset : « La connaissance de l’Heure est auprès d’Allâh ; et c’est Lui qui fait tomber la pluie salvatrice ; et Il sait ce qu’il y a dans les matrices. Et nul ne sait ce qu’il acquerra demain, et personne ne sait dans quelle terre il mourra. Certes Allâh est Omniscient et Parfaitement Connaisseur. » L’homme s’éloigna alors et comme le Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, ordonnait de le faire revenir, on ne trouva pas la moindre trace de l’homme. "Cet homme, dit le Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, c’est Gabriel ; il est venu enseigner aux hommes leur religion."
[2] Conférer Al-Intisâr Li-Tarîq As-Sûfiyyah (Défense de la voie des Soufis), p. 6, du savant du Hadîth Muhammad Siddîq Al-Ghumârî.
Le Sheikh de l’Islam, le juge Zakariyyâ Al-Ansâri, que Dieu lui fasse miséricorde, dit : « Le soufisme (tasawwuf) est une science qui permet de connaître les états de purification des âmes, le raffinement des caractères et l’anoblissement de l’apparence et du for intérieur, afin d’atteindre le bonheur éternel. » [1]
Sheikh Ahmad Zarrûq, que Dieu lui fasse miséricorde, dit : « Le soufisme est une science visant à corriger les cœurs et à les attacher exclusivement à Dieu, au même titre que la jurisprudence a pour but de corriger les actes, maintenir l’ordre et mettre en évidence la raison d’être des lois. [...] De manière analogue, la médecine soigne les corps, la grammaire rectifie la langue et ainsi de suite. » [2]
L’Imâm Al-Junayd - que Dieu lui fasse miséricorde - dit : « Le soufisme consiste à s’approprier tout caractère noble et à se défaire de tout caractère vil. » [3]
On a également dit : « Le soufisme est entièrement fait de nobles caractères. Celui qui te surpasse en nobles caractères te surpasse en soufisme. » [4]
Abû Al-Hasan Ash-Shâdhilî - que Dieu lui fasse miséricorde - dit : « Le soufisme est un entraînement spirituel pour adorer Dieu comme il se doit et pour se soumettre à la Loi divine. » [5]
Ibn `Ajîbah, que Dieu lui fasse miséricorde, dit : « Le soufisme est une science qui montre comment cheminer vers Sa Majesté le Roi des rois, comment purifier l’âme du vice et l’anoblir par la vertu. Son début est le savoir, son milieu est fait d’œuvres pies et sa fin est un don divin (mawhibah). » [6]
L’auteur du Kashf Adh-Dhunûn écrit : « Le soufisme est une discipline qui montre comment ceux qui aspirent à la perfection parmi les humains s’élèvent dans les sentiers du bonheur. »
Il dit en outre [7] :
La discipline du soufisme est une discipline connue uniquement par un frère avisé réputé pour sa véracité. Ne la connaît pas celui qui ne l’a point observé ; et comment observerait un aveugle la lumière du soleil !
Sheikh Zarrûq dit dans Qawâ`id At-Tasawwuf : « Le soufisme a été défini, analysé et interprété de plus de deux mille manières, ayant toutes pour dénominateur commun le cheminement sincère vers Dieu, le reste étant des facettes de ce fondement. » [8]
Le pilier du soufisme est la purification du cœur des conceptions matérialistes. Sa base est la relation du Serviteur avec son Seigneur, le Plus Glorieux. Le Soufi est celui qui purifie son cœur pour Dieu, et qui purifie ses actes et relations pour Lui. Il s’ensuit que Dieu l’honore et l’élève.
Traduit de l’arabe du livre de Sheikh `Abd Al-Qâdir `Îsâ, Haqâ’iq `an At-Tasawwuf, disponible en ligne sur le site Shazly.com. [1] Conférer `Alâ Hâmish Ar-Risâlah Al-Qushayriyyah, p. 7. Sheikh Zakariyyâ Al-Ansâri est décédé en 929 A.H.
[2] Conférer Qawâ`id At-Tasawwuf, p. 6. Abû Al-`Abbâs Ahmad, dit Zarrûq Al-Fâsî, est né en 846 A.H. à Fès et décédé en 899 A.H. à Tripoli.
[3] Conférer An-Nusrah An-Nabawiyyah, p. 22, de Sheikh Mustafâ Al-Madanî. L’Imâm Al-Junayd est décédé en 297 A.H.
[4] ibid.
[5] Conférer Nûr At-Tahqîq, p. 93, de Sheikh Hâmid Saqr. L’Imâm Abû Al-Hasan est décédé en 656 A.H. en Egypte, dans une ville côtière de la Mer Rouge, sur son chemin pour le pèlerinage. Il eut pour disciple Abû Al-`Abbâs Al-Mursî, lui-même Sheikh du célèbre Imâm Ahmad Ibn `Atâ’ Allâh As-Sakandarî, l’auteur des Hikam et de Latâ’if Al-Minan. Sheikh Al-`Izz Ibn Abd As-Salâm assistait à l’assemblée de Sheikh Abû Al-Hasan et avait une grande estime pour lui.
[6] Conférer Mi`râj At-Tashawwuf ilâ Haqâ’iq At-Tasawwuf, de Sheikh Ahmad Ibn `Ajîbah Al-Hasanî.
[7] Conférer Kashf Adh-Dhunûn, volume 1, p. 413-414, de Sheikh Hâjjî Khalîfah.
Vérités sur le soufisme Témoignages des Savants Muhammad Abû Zahrah
26. Muhammad Abû Zahrah
Dans un entretien donné à Nadwat Liwâ’ Al-Islâm, le savant érudit, Muhammad Abû Zahrah, dit à propos du soufisme :
"Le soufisme, dans son apparence, comprend trois vérités :
La première consiste d’une part en la lutte contre les passions et les désirs et d’autre part en le contrôle de soi. Les soufis suivaient ainsi le conseil du Commandeur des Croyants, `Umar Ibn Al-Khattâb, - qu’Allâh l’agrée : « Ô gens, retenez ces âmes de leurs désirs alléchants mais funestes. » Ceci signifie que l’être humain trouve du plaisir dans la réalisation de ses passions mais que leurs conséquences sont fâcheuses.
La deuxième vérité que renferme le phénomène soufi est la relation spirituelle et la sensibilisation de l’être et de l’âme.
La troisième est qu’il requiert, dans les modalités qu’on lui observe, une personne qui suit et une autre que l’on suit, un maître et un disciple, une personne qui oriente et une autre orientée ; il requiert un attrait de l’âme et une orientation de celle-ci.
Ces caractéristiques apparentes - indépendamment du fait que l’islam les a instituées ou non -, ces caractéristiques établies peuvent-elles être empruntées en vue de la réforme ou bien sont-elles purement nuisibles ?
Pour ce qui est d’affirmer qu’elles sont purement nuisibles, je ne pense pas que l’on puisse être d’accord avec cela car le soufisme est une réalité tangible et, comme toute chose, il peut être nuisible et profitable, loué et critiqué. Il nous suffit de dire que même la prière a fait l’objet de louanges et de critiques. Allâh le Très-Haut dit en effet : « Malheur donc aux orants qui retardent négligemment leur prière » [1]. Il dit par ailleurs, décrivant les croyants « qui accomplissent la prière, s’acquittent de l’aumône légale et croient avec certitude en l’au-delà » [2]. Il en est de même du soufisme, au sujet duquel le Professeur Fawdah dit : « Le soufisme a montré récemment des mérites et des traces évidentes. Ainsi en est-il des musulmans d’Afrique occidentale, centrale et australe dont l’adhésion à l’islam n’est que l’un des fruits du soufisme. »
Lorsque l’Imâm As-Sunûsî Al-Kabîr voulut réformer les cœurs des musulmans, il emprunta d’abord une méthodologie soufie, et quelle méthodologie ! Il se dota de disciples, puis il voulut faire de ces disciples des hommes d’affaires de la première importance. À cette fin, il fonda les zaouias. La toute première fut fondée dans une montagne près de a Mecque, puis il s’installa avec ses zaouias dans le désert. Ces zaouias étaient autant d’oasis prospères au milieu du désert. Grâce au labeur de leurs habitants, à leur énergie et à l’orientation qu’il leur prodigua, l’eau jaillit et il y eut des cultures et des récoltes. Il les orienta, leur enseigna l’art de la guerre et le tir, si bien qu’ils devinrent le cauchemar des Italiens pendant plus de vingt ans, alors que l’Empire ottoman avait été incapable d’aider le peuple de Libye. La résistance sénousie [3] se poursuivit à partir de ces zaouias jusqu’à ce qu’Allâh humilie l’État italien. Et voilà que le Sénousisme ressuscita de nouveau ; nous aurions aimé qu’il retrouve sa vocation initiale, à savoir une voie soufie forte et active [4].
Je ne souhaite pas aborder la genèse du soufisme au sein de l’islam et avant l’islam. Cependant, je ne puis nier que `Umar Ibn Al-Khattâb était un soufi, alors que Muhammad Ibn `Abd Allâh - paix et bénédictions sur lui - dit de lui : « S’il y avait dans ma communauté des gens inspirés, alors ce serait `Umar Ibn Al-Khattâb. » [5] `Umar, celui-là même que le Messager d’Allâh - paix et bénédictions sur lui - tenait, parmi ses Compagnons, pour l’un des plus proches d’Allâh, si bien que lorsqu’il s’en alla accomplir le pèlerinage mineur, le Prophète lui dit : « Ne nous oublie pas dans tes invocations, mon frère. » [6]
Je ne puis nier non plus que Abû Bakr était un soufi, lui qui affrontait les difficultés tout en se maîtrisant soi-même, lui dont on rapporta une paroles attribuée au Prophète - paix et bénédictions sur lui -, et sur laquelle il existe une divergence quant à celui qui l’a prononcée : « Nous voilà revenus du jihâd mineur [7] vers le jihâd majeur [8] » [9] ; Abû Bakr qui disait : « Fuis les honneurs, les honneurs te suivront. »
Il y eut et il y aura toujours des éducateurs et des Sheikhs ayant des disciples et des adeptes, et c’est grâce à ceux-là que nous espérons que le soufisme reviendra comme à ses débuts.
Avons-nous actuellement besoin de ce soufisme réformateur et fructueux ?
Je réponds : Si nos prédécesseurs n’en avaient pas besoin et que le soufi œuvrait à l’époque pour Allâh, pour lui-même et pour son disciple, nous avons de nos jours grandement besoin d’un soufi qui œuvre selon le soufisme véritable, car notre jeunesse est désormais séduite par les passions, soumise à leur empire : elle est subjuguée par les passions attisées dans les cinémas, étalées dans les revues frivoles, et sur les chaînes de radios futiles. Lorsque les passions et les désirs gouvernent une génération, les prêches, les écrits, les sermons et la sagesse des savants, ainsi que tous les vecteurs de la guidance, deviennent inopérants. Il suffit, en guise d’illustration, de constater que les revues religieuses sont distribuées vingt ou quarante fois moins que les revues futiles.
Ainsi donc avons-nous besoin d’une autre voie pour la réforme, cette voie consistant à reconquérir les esprits des jeunes gens, sur le mode du maître et du disciple, de manière à ce qu’il y ait dans chaque village, dans chaque quartier urbain, dans chaque milieu scientifique, social ou politique, des gens qui jouent le rôle du maître soufi vis-à-vis de son disciple.
La relation qui existe entre le disciple et le maître, et entre les divers degrés de ce disicple, est la seule susceptible d’éduquer et d’orienter. Ash-Shâtibî dit dans son ouvrage Al-Muwâfaqât : « Il existe entre le maître et l’élève un lien spirituel tel qu’il est marqué par sa pensée et par les connaissances qu’il lui inculque. » Nous avons besoin de ces gens capables d’attirer la jeunesse, de la détourner des passions libertines et de l’orienter.
Il y avait ici, voilà une dizaine d’années, un homme qui allait vers les jeunes. Il essaya de les réformer à la manière d’un soufi vis-à-vis de ses disciples. Il réussit relativement bien dans cette initiative. S’il ne s’était pas occupé de politique, son affaire n’aurait point échoué.
Par conséquent, il est à mon sens indispensable que nous nous orientions vers le soufisme en tant que remède ultime pour prémunir les jeunes contre la corruption, et je ne pense pas qu’il y ait un remède plus efficace."
Le fin mot au sujet du soufisme dans Nadwat Liwâ’ Al-Islâm est : "Dans les faits, le soufisme a été bénéfique bien qu’une part de mal s’y soit mêlée. S’il se débarrasse de ce mal, et se dirige vers les thématiques spirituelles, il constituera la voie de la réforme pour la société musulmane. La jeunesse musulmane s’est laissée séduire par diverses passions conduisant à la déviance et il n’est point possible de la ramener à la rectitude musulmane sauf par un attrait semblable à ce qui existe entre le maître soufi et son disciple. Le soufisme remplira alors le meilleur rôle qui soit dans la réforme de la jeunesse." [10]
Traduit de l’arabe du livre de Sheikh `Abd Al-Qâdir `Îsâ, Haqâ’iq `an At-Tasawwuf, disponible en ligne sur le site Shazly.com. [1] Sourate 107, Al-Mâ`ûn, L’Entraide, versets 4 et 5. NdT
[2] Sourate 31, Luqmân, verset 4. NdT
[3] Le mouvement sénousi ou Sénousisme est le mouvement de réforme d’inspiration soufie lancé par l’Imâm As-Sunûsî. Pour plus de précisions sur cette confrérie, le lecteur pourra se reporter à l’article suivant : "La Tarîqah Sunûsiyyah". NdT
[4] Pour plus de précisions sur l’influence du Sénousisme dans la résistance à l’impérialisme italien, le lectuer pourra se reporter aux articles suivants : "Le Martyr Sheikh `Umar Al-Mukhtâr" et "La colonisation de la Lybie". NdT
[5] « Il y a dans ma communauté des gens inspirés, et `Umar en fait partie. », hadîth rapporté par Al-Bukhârî dans le Livre des Mérites d’après Abû Hurayrah. Muslim rapporte également dans son Sahîh : « Il y avait dans les communautés qui vous ont précédés des gens inspirés ; s’il devait y en avoir un dans ma communauté, ce serait `Umar. », hadîth rapporté d’après `Â’ishah - que Dieu l’agrée - dans “Les Mérites des Compagnons”.
[6] Hadîth rapporté par Abû Dâwûd dans le chapitre des invocations, d’après `Umar Ibn Al-Khattâb. At-Tirmidhî le rapporte également dans le Livre des Invocations, le jugeant bon et authentique, avec l’énoncé suivant : « Mon frère, réserve-nous une part de tes invocations et ne nous oublie pas. ».
[7] Le jihâd mineur : le combat armé.
[8] Le jihâd majeur : l’effort sur soi.
[9] En réalité, il s’agit bien d’un hadîth du Messager d’Allâh - paix et bénédictions sur lui - rapporté par Ad-Daylamî d’après Jâbir Ibn `Abd Allâh - qu’Allâh l’agrée. Conférer Kashf Al-Khafâ’ d’Al-`Ajlûnî, volume 1, page 424.
[10] D’après la revue Liwâ’ Al-Islâm, n° 12, Sha`bân 1379 A.H., 1960 E.C. Nadwat Liwâ’ Al-Islâm ; Le Soufisme en islam, pages 758 à 768.
Les opinions se sont multipliées au sujet de l’étymologie du mot Tasawwuf. Certains ont dit : « Il provient du mot sûfah (laine), l’état du Soufi avec Dieu - que Son Nom soit Exalté - étant comme une laine posée, en raison de sa totale soumission à Dieu. » [1]
D’autres ont dit : « Il fait référence au mot Sifah (attribut, qualité), car l’essence du Tasawwuf c’est de faire siens les caractères louables et de s’écarter des caractères vils. » [2]
D’autres encore ont affirmé que : « Il dérive de la pureté, c’est pourquoi Abû Al-Fath Al- Bustî, que Dieu lui fasse miséricorde, a dit [3] :
Les gens ont divergé au sujet du Soufi, certains ont pris la laine comme origine de son nom Et je n’attribue ce nom qu’à celui qui s’est purifié, si bien qu’il gagna une sincère affection et fut appelé Soufi.
D’autres ont écrit : « Il a pour origine As-Suffah, car le soufi est à l’image des gens de la Suffah que Dieu a décrit : « Fais preuve de patience [en restant] avec ceux qui invoquent leur Seigneur matin et soir, désirant Sa Face. Et que tes yeux ne se détachent point d’eux, en cherchant (le faux) brillant de la vie sur terre. Et n’obéis pas à celui dont Nous avons rendu le coeur inattentif à Notre Rappel, qui poursuit sa passion et dont le comportement est outrancier ». [4]
As-Suffah désigne les premières générations des hommes du Tasawwuf dont l’adoration sincère de Dieu donna un exemple lumineux pour les soufis qui l’ont suivi ultérieurement.
L’Imâm Al-Qushayri, lui, soutient que le terme Tasawwuf renvoie au mot Safwah, c’est-à-dire l’élite élue.
D’autres disent que le mot Tasawwuf vient du mot Saff (rang), comme si les hommes du Tasawwuf formaient, grâce à leurs cœurs, le premier rang parmi les attachés à Dieu en permanence et ceux qui se devancent énergiquement dans les actes d’obéissance à Allah.
D’autres enfin ont pensé que : « le mot Tasawwuf fait référence au port de la laine épaisse, car les soufis choisissaient d’en faire leurs habits en signe d’austérité et d’ascétisme. »
En tous cas, le Tasawwuf est tellement connu que chercher sa racine dans la langue n’est pas indispensable pour en saisir l’essence. Certains critiquent le « soufisme » en prétendant que ce terme ne fut jamais employé du temps des Compagnons du Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, et des Successeurs. Leur critique n’est pas fondée en ce sens que de nombreux termes et appellations, comme An-Nahw (la grammaire), Al-Fiqh (la jurisprudence islamique) et Al-Mantiq (la logique), ont été introduits après la génération des Compagnons. L’usage de ces termes nouveaux n’a jamais été désapprouvé.
De toute façon, ce qui nous importe le plus ce n’est pas les expressions ou la forme des mots, mais plutôt les vérités et les principes qu’ils véhiculent. Lorsque nous appelons au soufisme, nous appelons à l’anoblissement des âmes, la purification des cœurs, le raffinement des caractères et l’aspiration au rang de la bienfaisance, (cf. hadîth Jibrîl). Nous donnons à ces nobles fins le nom de Tasawwuf. Ceux qui le souhaitent pourront l’appeler « aspect spirituel de l’Islam », ou « l’aspiration à la bienfaisance » ou « le développement des nobles caractères » ou encore un autre nom qui reflète l’essence du Tasawwuf. Les savants ont appelés Tasawwuf les vérités qu’ils ont apprises grâce à nos nobles prédécesseurs (As-Salaf As-Sâlih). Ils ont transmis, génération après génération, les vérités du Tasawwuf si bien qu’aujourd’hui, le mot Tasawwuf est devenu une expression consacrée désignant le cœur spirituel de l’Islam.
[1] Iqâdh Al-Himam fî Sharh Al-Hikam,p.6, par Sheikh Ibn `Ajîbah, décédé en 1266 A.H.
Des domaines cardinaux de la science du tasawwuf Le soufisme en tant que complément du fiqh
PAR LE SHAYKH SA'ID HAWA de syrie
D’habitude, les ouvrages de fiqh débutent par des études sur la purification rituelle (At-Tahârah) ; mais ils traitent rarement des sens cordiaux qui doivent accompagner cet acte. Ensuite, ils traitent de la prière : ses conditions, ses piliers, ses obligations, ses actes surérogatoires, les règles de bienséance qui la concernent, les choses détestables susceptibles de l’entacher, et les choses qui l’invalident. Mais, ils ne traitent guère des significations intérieures qui doivent l’accompagner : la componction, les voies qui y mènent et les facteurs qui la favorisent. Or, il s’agit là d’une science à part entière comme en témoignent les textes. Il s’agit même de la première science à être retirée de la terre, comme en atteste le hadîth.
Quelle est donc cette science qui complète la science du fiqh dans ces domaines ? Nul doute qu’il s’agit de la science du tasawwuf. C’est la science qui s’intéresse habituellement à ces aspects. C’est elle qui complète la science du fiqh dans les domaines intérieurs, comme par exemple la science de la sincérité et la voie qui y mène. C’est même cette science qui développe la disposition de l’homme à s’attacher aux jugements du fiqh car l’engagement de l’homme ne devient complet que lorsque son cheminement spirituel s’achève. Partant de là, les Imâms du cheminement spirituel abordent les notions de l’extinction de soi (al-fanâ’) dans les œuvres de Dieu, de l’extinction dans Ses Attributs, de l’extinction dans Son Être - autant de sujets que nous examinerons - et enfin de l’extinction dans les lois (ahkâm).
Le fruit normal de la connaissance gustative d’Allâh - Exalté soit-Il - est l’attachement complet aux lois. Ainsi comprenons-nous l’égarement de certains faux prétendants au tasawwuf, lorsqu’ils considèrent que le cheminement vers Allâh va de paire avec le désengagement de Ses lois. Comment pourrait-il en être ainsi alors qu’Allâh - Exalté soit-Il - dit à Son Messager - paix et bénédictions sur lui : "Puis Nous t’avons mis sur la voie de l’Ordre. Suis-la donc et ne suis pas les passions de ceux qui ne savent pas." [1] ? C’est la raison pour laquelle Al-Junayd dit, à propos de gens ayant considéré que parvenir à Allâh les autoriserait à se désengager des jugements de la sharî`ah : "Certes, ils sont parvenus, mais à l’Enfer." De même, dans le passé, les juristes disaient : "Quiconque s’initie au fiqh sans s’initier au tasawwuf tombe dans la perversion. Et quiconque s’initie au tasawwuf sans s’initier au fiqh tombe dans l’hérésie. Quiconque allie les deux atteint la vérité." Le tasawwuf est donc indispensable pour compléter le fiqh, et le fiqh est indispensable pour gouverner le tasawwuf et pour orienter et diriger les œuvres. Quiconque passe à côté de l’un de ces aspects aura manqué la moitié de l’affaire...
Le tasawwuf et le fiqh sont deux sciences complémentaires, lorsqu’on les oppose telle est véritablement l’erreur, l’égarement, ou encore la déviance. Ce que l’on entend par opposition ici, c’est le fait que le soufi parte loin du fiqh, alors que le fiqh est son gouvernail, ou que le juriste s’écarte de l’application car telle est la corruption du coeur. Le juriste se doit de s’initier au tasawwuf de même que le soufi se doit de s’initier au fiqh, l’objectif étant que le savoir du juriste comprenne ce qui touche aux lois et également ce qui touche à la voie de la mise en oeuvre et de l’accomplissement, et que le savoir du soufi comprenne les lois qui lui sont nécessaires, et que tout ceci soit accompagné par une œuvre correcte à la lumière d’une science authentique.
C’est pourquoi les grands Imâms du cheminement spirituel, comme le Sheikh Ar-Rifâ`î, disent : "La finalité des savants et des soufis est la même." Nous tenons ce propos ici parce que certains ignorants se réclamant du tasawwuf lancent à la figure de tout un chacun la phrase : "Quiconque n’a pas un maître, le diable est son maître." Ce propos est tenu par un soufi ignorant appelant à son maître ignorant, comme il est tenu par un soufi ignorant appelant à son savantissime maître, et à tort lorsque le propos n’est pas placé à bon escient. Celui qui n’a pas de maître est l’individu ignorant qui ne s’instruit pas et refuse toute instruction. Un tel personnage a pour maître le diable. Quant à celui qui avance à la lumière de la science, ses guides sont la science et la loi.
Parmi les règles citées par Sheikh Zarrûq dans son livre Qawâ`id At-Tasawwuf (Les règles du tasawwuf) figure le besoin d’un maître pour l’aspirant. Il dit à ce sujet : "La piété ne nécessite pas un maître car elle est claire." Il dit également : "Le livre suffit à la promotion du doué mais ce dernier n’est pas à l’abri de sa propre bêtise." L’essentiel est donc la capacité de l’individu à apprendre, suivie du cheminement à la lumière de la science... Tel est le minimum qu’Allâh exige de Ses serviteurs. Ceci peut se vérifier chez un individu capable d’apprendre et de comprendre par des lectures personnelles dans les ouvrages reconnus et authentifiés, tout comme il peut puiser auprès d’un savant pratiquant, fût-il communément qualifié de soufi ou non, et nous y reviendrons. Nous souhaitions simplement le rappeler et le répéter plus d’une fois. Revenons maintenant à notre propos. Le tasawwuf et le fiqh sont deux sciences complémentaires. Elles sont toutes les deux nécessaires à chacun, en notant bien que les besoins des uns et des autres varient. L’approfondissement de ces sciences ou l’une d’elle est une obligation de suffisance communautaire (fard kifâyah) et est souhaitable pour tout musulman. Ainsi avons-nous défini, dans ces quelques lignes, l’un des champs principaux de la science du tasawwuf.
Traduit de l’arabe de Tarbiyatunâ Ar-Rûhiyyah (Notre éducation spirituelle) pp. 56-57, de Sheikh Sa`îd Hawwâ, Dâr As-Salâm, 5ème édition, 1997, Le Caire. ISBN : 977-5286-20-6. [1] Sourate 45, Al-Jâthiyah, L’agenouillée, verset 18.
Vérités sur le soufisme Témoignages des Savants L’Imâm An-Nawawî
11. L’Imâm An-Nawawî, que Dieu lui fasse miséricorde
L’Imâm An-Nawawî, que Dieu lui fasse miséricorde, dit dans son épître Al-Maqâsid :
« Les fondements de la Voie du Tasawwuf sont au nombre de cinq :
La crainte révérencielle envers Dieu, et ce, en public comme en privé.
Suivre la Sunnah dans les œuvres et les paroles.
S’écarter des futilités des gens et ne pas avoir recours à eux.
Être satisfait de Dieu, qu’Il te donne peu ou prou.
Avoir toujours recours à Dieu dans les moments heureux comme dans l’adversité. » [1]
Traduit de l’arabe du livre de Sheikh `Abd Al-Qâdir `Îsâ, Haqâ’iq `an At-Tasawwuf, disponible en ligne sur le site Shazly.com. [1] Al-Maqâsid fî At-Tawhîd wa Al-`Ibâdah wa Usûl At-Tasawwuf de l’Imâm An-Nawawî, p. 20. L’Imâm An-Nawawî décéda en 676 A.H., à Nawâ, un village en Syrie.
voici les biographies de grands oulamas qui étaient aussi des soufis réputés
Sheikh Muhammad Zakî Ibrâhîm Al-Husaynî Un noble savant d’Al-Azhar, un Muhaddith, un soufi et un appeleur à Dieu
Sheikh Muhammad Zakî Ibrâhîm (1906 - 1998)
Naissance et lignée
Il s’agit du juriste, du savant du hadîth, le Soufi, le savant d’Al-Azhar, Sheikh Muhammad Ibn Zakî Ibn Ibrahîm, célèbre sous le nom Zakiyy Ad-Dîn Abû Al-Barakât. Sa lignée remonte aussi bien du côté paternel que maternel à la branche florissante de la descendance du seigneur des martyrs, l’Imâm Al-Husayn Ibn `Alî Ibn Abî Tâlîb, qu’Allâh les agrée tous deux.
Il naquit au Caire, au quartier de Bulâq Abû Al-`Ulâ. Selon les papiers officiels il serait né le 22/08/1916. Toutefois, les proches du Sheikh affirment que la date d’inscription officielle, effectuée sans beaucoup de rigueur à l’époque, ne correspond pas à sa vraie date de naissance qui serait probablement aux alentours de 1906.
Son père est le savant d’Al-Azhar Sheikh Ibrâhîm Al-Khalîl Ibn `Alî Ash-Shadhlî Al-Husaynî, l’auteur du livre Ma`âlim Al-Mashrû` wa Al-Mamnû` min mumârasat At-Tasawwuf Al-Mu`âsir, traitant des règles à observer et la rigueur requise par les prétendants au Tasawwuf sunnite. Son grand-père maternel est Sheikh Mahmûd Abû `Alyân, un homme de science et de piété, disciple des nobles Sheikh Hasan Al-`Adawî Al-Hamzâwî et Sheikh `Ulaysh, le maître des juristes malékites égyptiens de son époque. Dr. Abd Al-Mun`im Khafâji fit son éloge et aborda sa biographie dans ses écrits traitant du Tasawwuf.
Etudes à l’Université d’Al-Azhar
Sheikh Muhammad grandit dans un milieu azharite teinté par la science abondante, l’attachement au Coran et la Sunnah et la pureté spirituelle. Son premier professeur fut son père qui se chargea de son éducation depuis sa plus douce enfance. Il apprit le noble Coran par Sheikh Jâd Allâh `Atiyyah, dans la mosquée du Sultan Abû Al-`Alâ’, et Sheikh Ahmad Ash-Sharîf dans la mosquée de Sayyidî Ma`rûf. Il termina la mémorisation du Coran à l’âge de neuf ans et partit à l’Ecole Primaire de Darb An-Nash-shârîne, puis l’Ecole de Nahdat Bulâq Al-Kubrâ. Il suivit le cycle le secondaire à l’université islamique millénaire, Al-Azhar, et obtint entre 1926 et 1930 le plus haut diplôme délivré par Al-Azhar à cette époque, le diplôme d’Al-`Âlamiyyah.
Il dit au sujet de l’examen d’obtention d’Al-`Âlamiyyah : " Le jour de l’examen, nous (i.e. jury et’élève) avions coutume d’accomplir la prière du fajr dans la mosquée de l’Imâm Al-Husayn. Puis nous assistions au cercle de science de Sheikh As-Sâmallûtî après la prière du fajr. Y assistaient les savants qui étaient eux-mêmes des élèves du Sheikh [As-Sâmallûtî]. Puis nous partions à Al-Azhar Ash-Sharîf pour la prière du Duhâ. Ensuite, les différents jurys se dirigeaient vers diverses chambres du Ruwâq Al-`Abbâsî à l’intérieur d’Al-Azhar. Chaque jury examinait dans une chambre. L’élève rentrait, muni de ses papiers et des livres sur lesquels portent l’examen. Le président des jurys à l’époque était Sheikh Abd Al-Majîd Al-Labbânî, que Dieu lui fasse miséricorde. Le jury m’a interrogé jusqu’à l’appel de la prière du `Asr. C’est alors que l’examen fut scellé par la prière shaféite sur le Prophète : " ô Allâh prie, la meilleure prière, sur la plus heureuse de tes créatures, notre maître Muhammad et sur sa famille...etc... ". L’examen était scellé par cette formule pour signifier le succès de l’élève et son obtention du diplôme d’Al`Âlamiyyah d’Al-Azhar. Je me rappelle qu’ils m’ont interrogé dans la science de l’Eloquence sur "la divergence entre As-Sa`d et As-Sayyid dans la métaphore", As-Sa`d At-Taftâzânî et As-Sayyid Abd Al-Qâhir Al-Jurjânî ; en grammaire je fus interrogé sur le chapitre de Al-Mubtada’ wa Al-Khabar...".
La culture générale du Sheikh
Sheikh Muhammad a appris la langue anglaise durant le cycle primaire. Il apprit par ailleurs le français par son professeur Dâwûd Sulaymân, une personnalité éminente de la ville de Asyût, et l’allemand par le professeur Râghib Walî qui était un instituteur à l’Ecole Allemande au Caire. Il a traduit en arabe quelques vers du poète Allemand Heinrich Heine. En outre, il apprit le persan par le Sheikh iranien Muhammad Al-A`dhumî, un membre de l’Association de la Fraternité Islamique d’Al-Azhar.
Nous avons également de lui certaines traductions personnelles de poèmes écrits par Muhammad Iqbâl.
Un écrivain accusa Sheikh Muhammad Zakî d’être un savant Azharite, fort de son turban et sa cape traditionnelle, qui ne connaît aucune science non-islamique, coupé du monde extérieur, enfermé dans le labyrinthe des sciences islamiques. C’est alors que Sheikh Muhammad lui répondit en ces termes : " Un auteur m’a écrit. Il m’accusa et estima que je m’emprisonne dans l’antre du Tasawwuf (Soufisme), que je me cloisonne dans le monde étroit de l’attachement retardé à la religion, que je vis en complet déphasage par rapport au présent, prisonnier des siècles de l’immobilisme passés alors que nous vivons une époque de progrès et de civilisation que le monde n’a jamais connu auparavant etc... Ce que j’aimerais que ce frère sache, ainsi que ses semblables, c’est que, je suis certes un homme portant un turban et une cape traditionnelle, mais je ne cesse de me cultiver, en puisant dans les cultures d’Orient ou d’Occident, à la recherche de la sagesse, en quête de la vérité, chaque fois que ma santé et mon temps me le permettent. De même que je lis l’Histoire de l’Islam, la Philosophie, l’évolution des écoles, l’avènement des groupes et des tendances, je suis les soufis et les salafis, j’observe l’évolution de l’histoire des musulmans, je suis également les hommes de la littérature arabe, ses conteurs, ses critiques... ". Puis il énuméra un certain nombre d’auteurs anglais, allemands et français qu’il lit, comme Shakespear, Hegel, Goethe, Nietzsche, Sartre, Bertrand Russel, Ronsard, Rimbaud, Beaudelaire... Le Sheikh insistait sur l’importance de connaître les gens, leur pensée, leur culture, leur littérature, leurs maux, pour les appeler à Dieu.
La narration du Hadîth
Outre l’apprentissage de la Jurisprudence, l’Exégèse et les autres sciences islamiques à l’Université d’Al-Azhar, Sheikh Muhammad Zaki Ibrâhîm accorda la plus grande importance à l’acquisition de la science du Hadîth, tant sur le plan de la narration et de la mémorisation, que sur le plan de la compréhension et l’analyse, en puisant dans le savoir des experts à une époque où la narration du Hadîth se fait rare, au point que les narrateurs et mémorisateurs du Hadîth se comptent presque sur les doigts des mains. Un certain nombre d’élèves et de savants ont reçu de sa part une Ijâzah (qui équivaut à un certificat témoignant de la maîtrise et de la compétence) de ce qu’il a appris en Hadîth, en Jurisprudence, en Fondements et en langue Arabe.
Il énuméra dans cette Ijâzah les savants qui lui ont enseigné diverses sciences et qui lui dont donné des Ijâzah :
" Muhammad Habîbullâh ash-Shinqîtî, sayyidî `Alawî Ibn `Abbâs Al-Mâliki Al-Hasani, sayyidî Ahmad As-Siddîq Al-Ghumârî, son frère As-Sayyid `Abd Allâh Ibn As-Siddîq Al-Ghumârî, sayyidî Muhammad Zâhid Al-Kawtharî, l’adjoint de Sheikh Al-Islam en Turquie avant le coup d’état (i.e. contre le Califat Ottoman), sayyidî Ahmad Ibn Abd Ar-Rahmân Al-Banna, sayyidî Sheikh al-Mu`ammar As-Sayyid Muhammad `abd Allâh Al-`Arabi Al-`Âqûrî le Libyen l’Egyptien, sayyidî Sheikh Ibrahim Al-Ghalâyînî de Damas, sayyidî Sheikh Hasan Habankah Al-Maydânî le Syrien, sayyidî Sheikh Al-Biblâwî l’Egyptien, sayyidî Sheikh Hasanayn Makhlûf le Mufti Egyptien, Sheikh Husayni Abû Hâshim Al-Azharî l’Egyptien, Sheikh Al-Mubashir At-Tirâwî le Mufti des Balkans et d’Asie centrale avant le système communiste, Sheikh Yûsuf Ad-dejwî l’Egyptien, sayyidî Sheikh Muhammad Bekhît Al-Mutî`i le Mufti Egyptien, sayyidî Sheikh Muhammad Al-Hâfidh At-Tijâni, Sheikh Ahmad Abd Al-Wahhâb Ad-Dûmî, Sheikh Al-Khidr Husayn Al-Maghrebî le savant d’Al-Azhar, l’Emir Abd Al-Karîm Al-Khattâbî le mujâhid du Maroc, As-Sayyid Al-Yamanî An-Nâsirî Ash-Shadhli Al-Maghrebi le Mujâhid, Sheikh `Abd Al-Wahhâb Abd Al-Latîf Al-Azharî qui est parmi les savants du Hadîth en Egypte, et mes autres sheikhs que j’ai déjà cité que Dieu les agrée, aussi mon père As-Sayyid Ibrâhîm Al-Khalîl Ibn `Alî Ash-Shadhlî, par leurs chaînes de narrations écrites et établies, selon leurs sheikhs, en Tafsîr (Exégèse), Hadîth, Fiqh (jurisprudence), Usûl (Fondements), Mantiq (Logique), Sîrah (vie du Prophète), Mustalah (Terminologie), `Ilm Ar-Rijâl (science traitant des narrateurs et leur fiabilité), Tawhîd (Monothéisme et Unicité), `Ulûm Al-Qur’ân (sciences du Coran), `Aqâ’id (Credo), Furû` Al-Logha Al-`Arabiyyah (branches de la langue arabe), Ath-Thaqâfah Al-`Âmmah (culture générale), At-Tasawwuf As-Sahîh (le Soufisme Authentique), en tout particulièrement les livres d’Al-Qushayrî, ceux d’Al-Ghazâlî, et As-Suhrawardî et d’autres que j’ai déjà cités au passé ".
Des centaines de personnes versées dans l’acquisition de la science du Hadîth espéraient avoir de lui une Ijâzah ; entre autres, les professeurs d’Al-Azhar et les sheikhs du Hadîth en Egypte, des savants et étudiants en Arabie Saoudite, des professeurs de l’Université Âl Al-Bayt en Jordanie, l’Université Al-Ahqâf au Yémen et d’autres universités islamiques encore.
Témoignages des savants à son sujet
De nombreux savants d’Egypte et du monde islamique ont écrit la biographie du Sheikh Muhammad Zakî Ibrâhîm et ont fait son éloge. Citons, l’Imâm Abd Al-Halîm Mahmûd Al-Husaynî, recteur d’Al-Azhar entre 1973 et 1978, qui le mentionna dans son livre Al-Madrasah Ash-Shâdhliyyah (l’Ecole [soufie] Shadhliyya). Dans son livre Abû Madian Al-Ghawth, l’Imâm `Abd Al-Halîm Mahmûd a inclus une épître de Sheikh Muhammad Zakî ainsi que son commentaire d’un des poèmes de Abû Madian. On a pu lire le titre de sieur connaisseur de Dieu attribué à Sheikh Muhammad Zakî dans certains écrits de l’Imâm Abd Al-Halîm Mahmûd.
De même, sa biographie fut écrite par Sheikh Al-Husaynî Abû Hâshim et Dr. Ahmad `Omar Hâshim dans leur livre co-rédigé intitulé Al-Muhaddithîn fi Misr (les Savants du Hadîth en Egypte). Ils lui ont consacré une agréable biographie recouvrant un certain nombre de ses sheikhs, ses écrits ainsi que sa méthodologie dans l’écriture et la recherche de science.
Le célèbre savant marocain, Sheikh `Abd Allâh Ibn As-Siddîq Al-Ghumârî fit son éloge dans son livre Sabîl At-Tawfîq (la Voie du Succès) et à la fin de son ouvrage Bid`at’ut-Tafâsîr. Les deux hommes étaient unis par une relation chaleureuse. Sheikh Muhammad Zakî fut parmi les gens qui sont restés fidèles à la fraternité qui le liait avec Sheikh Abd Allâh Ibn As-Siddîq quand celui-ci fut emprisonné dans la prison militaire onze ans. Sheikh `Abd Allâh Al-Ghumârî fut aussi l’un des fondateurs de l’organisation islamique Al-`Ashîrah AL-Muhammadiyyah. Il était en outre un membre de son Conseil de Fatwa, un membre de l’assemblée de ses savants et un écrivain dans le magazine Al-Muslim.
Par ailleurs, le Sheikh et célèbre appeleur à Dieu, As-Sayyid Abû Al-Hasan An-Nadwî Al-Hasanî parla de lui en termes élogieux et mentionna ses efforts dans l’appel à Dieu dans divers passages de son livre Mémoires d’un visiteur de l’Orient. Pendant cette visite, l’Imâm Abû Al-Hasan An-Nadwî visita Al-`Ashîrah Al-Muhammadiyyah et assista au sermon du vendredi donné par Sheikh Muhammad Zakî. Les deux hommes ont ensuite fait un tour ensemble à la campagne dans certaines provinces d’Egypte.
Il fut également cité par son éminence Sheikh Ahmad Hasan Al-Bâqûrî dans son livre Qutûf où il cita un grand nombre de pieux soufis et leur jihad pour répandre l’appel à Dieu et pour la réforme, comme les Marghanîs, les Idrîsis, les Sunûsîs. Sheikh Muhammad, l’Imâm d’Al-`Ashîrah Al-Muhammadiyyah, fut cité comme un modèle contemporain du savant soufi, du mudjahid et du gnostique. Sheikh Al-Bâqûrî et Sheikh Muhammad Zaqî furent liés dans un long effort pour réformer les lois régissant les confréries soufies.
Malgré tous les débats (à travers les magazines Al-Muslim, Liwâ’ Al-Islâm et Al-Akhbâr) qui ont duré des mois entre Sheikh Muhammad Zakî et l’appeleur à Dieu Sheikh Muhammad Al-Ghazâlî As-Saqqâ, que Dieu leur fasse miséricorde, les deux hommes étaient liés par un grand respect mutuel et une chaleureuse fraternité. Sheikh Muhammad Al-Ghazâlî témoigna du rang de Sheikh Muhammad Zakî dans des divers articles et dans son livre Al-Jânib Al-`Âtifî fi Al-Islâm (la dimension sentimentale en Islam). Ils ont participé à de nombreuses conférénces ensemble, organisées par diverses associations islamiques, notamment Ash-Shubbân Al-Muslimîn Al-`Âlamiyyah.
Dans son livre At-Tasawwuf Al-Islâmî, Dr. Abd Al-Mun`im Khafâjî en parlant des sheikhs du Tasawwuf à travers l’Histoire Islamique, cita Sheikh Muhammad Zakî, après avoir cité son grand-père maternel, Sheikh Mahmûd Abû `Alyân. Il y cita quelques idées de Sheikh Muhammad Zakî pour réformer le Tasawwuf et le faire revivre sous sa forme authentique et lumineuse, à travers l’établissement d’une Université Soufie et une Librairie Soufie.
D’autres savants encore ont fait son éloge, comme l’érudit du Hijâz sheikh As-Sayyid `Alawî Ibn `Abbâs Al-Mâlikî, Sheikh Muhammad Al-Hâfidh At-Tîjânî, Sheikh Ahmad Radwân Al-Baghdâdî. Parmi les savants qui ont été témoins des efforts de Sheikh Muhammad Zakî dans l’appel à Dieu et qui ont également participé à ses côtés au travail de la da`wah, citons Sheikh Muhammad `Alawî Al-Mâlikî, l’appeleur à Dieu Sheikh Ibrâhîm Ad-Dusuqî qui fut le Ministre des Affaires Islamiques en Egypte, le ministre soufi Dr. Hasan `Abbâs Zakî, le sheikh Kowaitien As-Sayyid Yûsuf Hâshim Ar-Rifâ`î Al-Husaynî, As-Sayyid `Alî Al-Hashimî et de nombreux autres.
Postes et fonctions
Après avoir obtenu le diplôme Al-`Âlamiyyah par l’Université d’Al-Azhar, sheikh Muhammad ne put trouver un travail adéquat à l’époque et se contenta d’aller enseigner dans une école gouvernementale dans la Province de Banî Sweif où il passa quelques années. Puis il retourna au Caire pour enseigner également. Il ne cessa de monter dans la hiérarchie du système éducatif jusqu’au jour où il devint directeur du Secrétariat Général de l’Enseignement Libre, appelé aujourd’hui l’Enseignement Privé.
Il occupa aussi le poste de professeur dans les Instituts Supérieurs, l’Institut des Etudes Islamiques, l’Institut pour former les appeleurs à Dieu, et fut un intervenant dans des différentes facultés d’Al-Azhar. Il occupa d’autres postes, avant de se consacrer entièrement à la direction et l’élaboration de la méthodologie de l’association islamique Al-`Ashîrah Al-Muhammadiyyah.
La plume du Sheikh et la presse
Dès la fin des années 1920, Sheikh Muhammad écrivit dans divers journaux officielles et magazines islamiques ou généraux. De nombreux de ses articles furent publiés dans les magazines suivants : Al-Azhar, Minbar Al-Islam (le Minbar de l’Islam) , Liwâ’ Al-Islâm (l’Etendard de l’Islam), `Aqîdatî (Ma Foi), Al-Islâm (l’Islam), Al-Muslim (Le Musulman), Al-Kholâsah (la Quintessence), Al-`Amal (le Travail), Ar-Risâlah Al-Islâmiyyah (la Lettre Islamique), At-Tasawwuf Al-Islâmî (le soufisme islamique), ainsi que le journal hebdomadaire des Frères Musulmans, la Politique Hebdomadaire, Al-Fajr (l’aube), Apollo, et des journaux officiels comme Al-Ahrâm, Al-Akhbâr et Al-Jumhûriyyah.
Sheikh Muhammad participa à la direction éditoriale des magazines At-Ta`âruf, liée à l’organisation Ar-Ruwwâd Al-Awâ’il (les Premiers Leaders) fondée par le sheikh lui-même, ainsi que les magazines Al-Kholâsah (la Quintessence) fondé par le secrétaire général de la Réforme, le professeur Sayyid Mustafa. Il fonda en 1950 son magazine Al-Muslim qu’il présida jusqu’à sa mort en 1998. Il en a défini la méthodologie et l’a supervisé. Les articles de Sheikh Muhammad était varié ; ils touchaient tour à tour les sphères des sciences islamiques, le domaine social, le côté historique, la littérature, la politique...
Ses ouvrages
Sheikh Muhammad Zakî a laissé après lui un riche patrimoine ; plus de cent livres et épitres traitant des sciences islamiques ainsi que des centaines d’études, de fatwas, d’artciles, de sermons, de cours (écrits ou oraux).
Parmi ses livres publiés, citons :
Abjadiyyat At-Tasawwuf Al-Islâmî, l’Alphabet du soufisme, traitant des questions les sujets types abordés au sujet du soufisme, entre ses défenseurs et ses détracteurs.
Usûl Al-Wusûl, Fondements de l’Aboutissement, réunissant les fondements du soufisme authentique puisés dans le Coran et la Sunnah.
Al-Khitâb, l’Epitre, il s’agit d’une épître synthétique en soufisme adressée de la part de Sheikh Muhammad à l’un de ses disciples.
Fawâtih Al-Mafâtih, l’Ouverture des Clefs, qui traite de l’invocation, ses conditions, les bonnes manières à observer et son statut légal.
Ahl Al-Quibla Kulluhum Muwahhidûn, les gens de la quibla sont tous Monothéistes, où le sheikh soutient que les gens dela quibla sont tous monothéistes, toutes leurs mosquées sont des mosquées du Tawhîd, quand bien même il y aurait au sein de la communauté des pécheurs.
Al-Arba`ûn Hadîthan Al-Hâsimah rad`an li’t-Tawâ’if Al-Mukaffirah Al-Âthimah, les 40 hadîths décisifs pour réprimander les groupes déviants qui recourent au takfîr de façon immodérée.
Hukm Al-`amal bi Al-Hadîth Ad-Da`îf, le statut legal du recours au hadiths faible. Il y aborde la légitimité de considérer les hadîths faibles dans le domaine des vertus avec les conditions fixées par les savants du Hadîth.
les tombes des Gens de la Maison au Caire : il étudie sous l’angle historique et réunit les preuves témoignant de la présence de la tête de l’Imâm des martyrs Al-Husayn Ibn `Alî dans sa tombe en Egypte ainsi que la présence du corps de la noble dame purifiée As-Sayyidah Zaynab et d’autres figures des Gens de la Maison au Caire.
la Question d’Al-Mahdî où il affirme que la venu d’Al-Mahdî est une vérité, mais le temps de son apparition n’est pas encore venu par les preuves du Hadîth et par des preuves rationnelles.
Diwân Al-Baqâyâ : un recueil de poésie soufie et sociale d’une grande élégance.
Diwân Al-Mathânî : recueil de poésie englobant des enseignements, des sages pensée, de l’éthique du musulman et une spiritualité soufie.
Ummahât As-Salawât An-Nâfilah où il aborde les prières surérogatoires, les questions juridiques qui s’y rapportent à travers le Livre et la Sunnah.
La nuit du 15 Sha`bân : les preuves probantes pour la passer dans la dévotion et le rappel de ses vertus.
`Ismat An-Nabiyy : l’Infaillibilité du Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui. Réfutation des allégations de ceux qui renient l’infaillibilité du Prophète, accompagnée d’une étude de ses miracles, paix et bénédiction de Dieu sur lui.
Barakât Al-Qur’ân `ala Al-Ahyâ’ wa Al-Mawtâ : un ouvrage qui expose à travers la Sunnah les bénédictions du Coran pour les vivants et pour les morts.
Ma`âlim Al-Mujtama` An-Nisâ’î qui traite de questions relatives à la femme musulmane dans un style accessible et riche.
Fiqh As-Salawât wa Al-Madâ’ih An-Nabawiyyah : une étude relative à la compréhension profonde de la sîrah (la vie du Noble Prophète), où il traite des salutations adressées au Prophète, son éloge dans la poésie et la prose. Cette étude fut soumise à Al-Azhar dans le Sommet pour le Fiqh et la Sîrah. Ses efforts pour appeler à Dieu
Sheikh Muhammad Zakî fut un noble exemple de l’appeleur à Dieu, dépensant sa vie et ses efforts pour appeler au chemin droit avec science et sagesse et ce, malgré la maladie qu’il a obligé de rester chez lui pendant près de 20 ans. Il a fondé officiellement l’Association islamique Al-`Ashirah Al-Muhammadiyyah en 1930 pour qu’elle soit un vecteur d’un appel islamique soufi pour la Réforme, visant à œuvrer à l’échelle de l’individu et la société. Il disait : "la société est une répétition d’individus : si l’individu s’attache à la droiture, la société connaîtra la droiture". Il fut le secrétaire et le directeur de l’Association " Ash-Shubbân Al-Muslimîn " (Les Jeunes Musulmans) ainsi que le Sommet Coranique.
Il fut également un membre du Conseil Supérieur de la Da`wa à Al-Azhar et un membre fondateur de plusieurs associations islamiques. L’histoire a enregistré les conférences qu’il a données, pendant les années soixante-dix, pour l’application de la Shari`ah (législation) Islamique en Egypte. A Participé à ces conférences, le Sheikh d’Al-Azhar à l’époque, Sheikh Abd Al-Halîm Mahmûd Al-Husaynî, qui fut également le directeur adjoint de la `Ashîrah Al-Muhammadiyyah. Ces conférences et sommets étaient présidées par son éminence Sheikh Muhammad Hasanayn Makhlûf, Grand Mufti d’Egypte à l’époque. Sheikh Muhammad fut, dans cette perspective, un membre de l’assemblée de savants chargée d’élaborer et rédiger un code juridico-légal puisé dans le Fiqh (jurisprudence islamique). Il fondé aussi le Bureau des Bien-Guidés vers l’Islam (Maktab Ri`âyat Al-Muhtadîn ilâ Al-Islâm) à Al-Azhar, sous la direction de Sheikh Abd Al-Halîm Mahmûd, dans le but d’accompagner ceux que Dieu a guidé vers l’islam.
Dans les débats scientifiques
Il participa à de nombreux débats scientifiques et fraternels avec des savants parmi ses contemporains. Sheikh Muhammad avait une argumentation solide, un style élégant et il observait en permanence la courtoisie requise dans le débat entre savants. On lui demanda de publier une réplique qu’il avait rédigé en réponse à une personne qui décéda avant la parution de sa réplique, mais il refuse et dit : " la sacralité de la mort m’empêche de la publier. Même si elle contient la vérité, elle nuira à sa personne ". Ses débats les plus célèbres sont ceux avec le remarquable appeleur à Dieu, Sheikh Muhammad Al-Ghazâlî, autour du thème "l’adoration de Dieu par désir ou par crainte ". Ses débats se prolongèrent pendant six mois sur les pages des journaux Al-Akhbâr, Al-Muslim et Liwâ’ Al-Islâm. Ont pris part dans ce débat le journaliste Ahmad Sâlim, Sheikh Abd Al-Halîm Mahmûd, Sehikh Muhammad Khalîl Al-Harrâs, Sheikh Muhammad Abd Al-Hâdî Al-`Ejeil.
Il a également donné des répliques scientifiques en réponse à d’autres savants. Il a critiqué le livre de Sheikh Abd Al-Jalîl `Îsâ, intitulé Ijtihâd Ar-Rasûl et répondit par son livre valeureux l’Infaillibilité du Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, lequel livre fut également la première réponse à ce que Ahmad Subhî Mansûr avait publié à ce sujet. Suite à la réplique aux transgressions d’Ahmad Mansûr, ce dernier fut exclu de l’Université d’Al-Azhar.
On lui proposa la direction des confréries soufies après le décès de Sheikh As-Sâwî, mais il déclina la proposition et refusa d’être associé aux faux prétendants du Tasawwuf qui polluent les rangs de certaines confréries soufies, ceux-là mêmes qui ont délaissé les nobles valeurs de cette discipline qui vise à purifier l’âme et le cœur, pour se contenter de jouer la flûte ou le tambour...
Son décès
La mosquée fut le foyer de Sheikh Muhammad, son école, son centre d’enseignement, le lieu où son âme et son corps trouvaient repos et paix. C’est souvent là que venaient le voir les savants, les présidents ou les princes. Il dépensa sa vie pour appeler à Dieu, avec guidance, science, sagesse et dévouement. Son âme retourna à Dieu vers l’aube du mercredi 07/10/1998. Que Dieu lui fasse Miséricorde et qu’Il éclaire sa tombe.
cette présentation s’appuie sur une biographie écrite en arabe par Muhyiddîn Husayn Yûsuf Al-Isnawî, un élève du Sheikh, publiée sur la page de Muhammad An-Nâdî et sur le site de l’encyclopédie Al-Moslem. Des extraits de la poèsie du Sheikh sont disponibles sur cette page.
L’Imâm `Abd Al-Halîm Mahmûd Un Grand Imâm d’Al-Azhar Ash-Sharîf
Sheikh `Abd Al-Halîm Mahmûd (1910-1978)
Un enfant précoce et un étudiant brillant
Sheikh `Abd Al-Halîm Mahmûd naquit en 1910 au village As-Salâm, près de la ville de Belbeis, dans la Province de Sharqiyyah, au sein d’une famille pieuse de la classe moyenne en Egypte. Ses parents descendent directement du petit fils du Prophète — paix et bénédictions sur lui — Al-Husayn Ibn `Alî Ibn Abî Tâlib - que Dieu les agrée tous deux ainsi que toute la famille du prophète. Son père, Sheikh Mahmûd `Alî Ahmad Al-Husaynî fut un savant d’Al-Azhar et le juge du village.
Sheikh `Abd Al-Halîm Mahmûd apprit le Coran dans l’école coranique du village. Alors qu’il était très jeune, il finit la mémorisation du Coran. A cause de son jeune âge, il ne put intégrer un Institut Religieux d’Al-Azhar l’année où il finit l’apprentissage du Coran.
En 1923, il alla avec son père vers le Caire afin de suivre les cours du cycle primaire d’Al-Azhar. Deux ans plus tard, il quitta le Caire pour continuer son éducation à l’Institut Religieux d’Al-Azhar qui venait d’ouvrir ses portes dans la ville d’Az-Zaqâzîq, la capitale de sa province natale.
De nombreuses voies d’éducation s’ouvraient au jeune Sheikh `Abd Al-Halîm. A cette époque, de nombreuses écoles pour la formation des enseignants ouvrirent leurs portes. Elles bénéficiaient d’une bonne cote du fait que leurs diplômés étaient bien rémunérés. Cependant, le père du jeune Sheikh `Abd Al-Halîm insista pour que son fils, poursuive son éducation à Al-Azhar. Sheikh `Abd Al-Halîm trouva un compromis satisfaisant, mais très contraignant, en suivant trois systèmes d’éducation simultanément.
La persévérance de Sheikh `Abd Al-Halîm porta ses fruits. Au début du cycle secondaire, son savoir était largement supérieur à celui de ses collègues. C’est pourquoi, en classe de seconde, il couvrit en une année tout le programme du secondaire et obtint le baccalauréat d’Al-Azhar. Par conséquent, l’enseignement supérieur d’Al-Azhar ouvrit grandes ses portes pour accueillir l’étudiant brillant et précoce que fut Sheikh `Abd Al-Halîm.
Le Sheikh commença son cycle universitaire à Al-Azhar en 1928 à une époque où l’éducation supérieure de l’Université n’était pas divisée en Facultés. Il avait beaucoup de respect pour ses professeurs. Parmi les savants qui l’ont marqué, il cite Sheikh Mahmûd Shaltût, Sheikh Hâmid Meheisen, Sheikh Az-Zankalôni, Sheikh Muhammad `Abd Allah Daraz, Sheikh Muhammad Mustafâ Al-Marâghî et Sheikh Mustafâ `Abd Ar-Râziq.
A l’époque où Sheikh `Abd Al-Halîm était étudiant, il participa aux activités de deux associations islamiques de prédication : l’Association des Jeunes Musulmans (Jam`iyyat Ash-Shubbân al-Muslimîn) et l’Association de la Guidance Islamique (Jam`iyyat al-Hidaya al-Islamiyyah) dont le président était le savant connu Sheikh Muhammad Al-Khidr Husayn.
Son parcours en France
En 1932, Sheikh `Abd Al-Halîm termina ses études à Al-Azhar. Accompagné de sa femme, il partit étudier en France à la Sorbonne. A Paris, Sheikh `Abd Al-Halîm resta le savant attaché à ses principes et fidèle à la ligne droite qu’il avait suivie. En 1937, il finit ses études à la Sorbonne et en 1938 Al-Azhar le choisit pour figurer dans la délégation de savants préparant une thèse en France. La chose qui marqua Sheikh `Abd Al-Halîm, et contre laquelle il lutta en France, fut les préjugés de nombreux orientalistes et leur parti pris contre l’islam.
Sheikh `Abd Al-Halîm termina en 1940 sa thèse traitant du soufisme et de la vie de Al-Hârith Ibn Asad Al-Muhâsibi. Son encadrant, l’orientaliste Massignon, le laissa naviguer seul dans la dernière phase de sa thèse où il lutta contre les préjugés des orientalistes Allemands. Quand la Seconde Guerre mondiale éclata, Sheikh `Abd Al-Halîm dut retourner en Egypte en empruntant la voie du Cap de Bonne Espérance.
Sa carrière en Egypte
Sheikh `Abd Al-Halîm commença sa carrière professionnelle en tant que professeur à la Faculté de Langue Arabe d’Al-Azhar. Il travailla en 1951 à la Faculté des Fondements des Sciences Religieuses (Usûl Ad-Dîn) dont il devint le doyen en 1964.
En 1969, il fut nommé secrétaire général de l’Académie des Recherches Islamiques (Majma` al-Buhûth al-Islamiyyah). En 1970, il fut nommé vice-Imâm d’Al-Azhar. En 1971, il occupa le poste du ministre d’Al-Awqâf (ministre du culte et des affaires islamiques). En 1973, il fut nommé Grand Imâm d’Al-Azhar et devint ainsi la plus grande autorité religieuse d’Egypte.
Au début des années 1960, une vague anti-Azharite s’éleva dans les médias en Egypte. Cette vague calomnieuse contre Al-Azhar et ses savants fut entretenue par des figures puissantes du gouvernement. En guise de réponse, Sheikh `Abd Al-Halîm cessa de porter des vêtements occidentaux et repris son costume traditionnel d’Al-Azhar. Il demanda aux savants d’Al-Azhar d’en faire autant. Durant cette période, des vagues de critiques déferlaient dans les journaux à tendance socialiste dressés contre les savants d’Al-Azhar. Sheikh `Abd Al-Halîm ne fut pas épargné dans ces articles diffamatoires.
De plus, Sheikh `Abd Al-Halîm, une des plus grandes figures parmi les savants musulmans de son temps, fournit tous ses efforts pour conserver l’indépendance d’Al-Azhar loin de toute sphère d’influence. En 1974, un projet de loi visa à rétrograder les savants d’Al-Azhar. Le Sheikh menaça de démissionner de son poste de Grand Imâm. En raison de son extrême popularité parmi les savants et les étudiants d’Al-Azhar et dans les milieux islamiques, on le persuada de garder le poste de Grand Imâm et la loi ne fut pas votée.
Il essaya de modifier la loi de 1961 concernant Al-Azhar, laquelle ôtait au Grand Imâm une part importante de ses responsabilités et pouvoirs et mettait en péril l’indépendance d’Al-Azhar vis-à-vis du pouvoir politique. Les efforts de Sheikh `Abd Al-Halîm portèrent leurs fruits : il obtint une reformulation de la loi en question. Cette réussite provoqua un fort enthousiasme dans les milieux azharites.
En 1975, suite à l’assassinat du ministre d’Al-Awqâf, Sheikh Adh-Dhahabî, la police égyptienne sévit contre un groupe extrémiste appelé At-Takfîr wa al-Hijrah. Au cours du procès des membres de ce groupe, les juges demandèrent à Sheikh `Abd Al-Halîm de donner son opinion et lui suggérèrent de prononcer une fatwa déclarant l’apostasie du groupe. Le Sheikh refusa qu’on lui dicte ses fatwas. Et afin de donner un jugement équitable, il refusa de formuler une opinion avant d’étudier leurs idées et de les analyser à la lumière des enseignements islamiques. La fermeté de sa position déchaîna les médias contre lui et contre Al-Azhar de façon générale.
Dans un autre registre, des membres du personnel de la compagnie aérienne Egypt-Air refusèrent de travailler tant que le vin était servi sur leurs avions. Mais leurs supérieurs n’acceptèrent pas de mettre fin à cette pratique. Ces membres du personnel se retournèrent alors vers le Grand Imâm pour obtenir son soutien. Il rappela aux dirigeants de la compagnie le Hadîth du prophète selon lequel « Nulle obéissance n’est due à une créature impliquant la désobéissance au Créateur ». L’intervention de Sheikh `Abd Al-Halîm eut un impact sur les dirigeants de la compagnie qui acceptèrent de répondre à la requête du personnel.
Au milieu des années 70, des membres du gouvernement tentèrent de faire passer une loi, non conforme à la loi islamique (Shari`ah), au sujet du divorce. Sheikh `Abd Al-Halîm s’opposa fermement à cette loi. Il a fallu attendre sa mort pour que cette loi soit débattue...
Au début des années 70, les idéaux communistes se répandirent dans certains milieux intellectuels et estudiantins. Afin de les mettre en garde contre les failles et les déviances du communisme, Sheikh `Abd Al-Halîm encadra la publication de nombreux ouvrages analysant et critiquant le communisme à la lumière des enseignements islamiques.
Il fut le pionnier de l’unification des efforts des prédicateurs musulmans. Afin d’établir une ligne de conduite harmonieuse et mature, il dirigea un comité, sans antécédent, de la Da`wah Islamique, réunissant des savants d’Al-Azhar, des dirigeants de groupes islamiques et des ordres soufis. Il tissa également des liens entre Al-Azhar et des organisations de Da`wah dans d’autres pays.
Pendant qu’il occupait le poste de Grand Imâm, il ordonna la construction d’un grand nombre d’Instituts Religieux d’Al-Azhar.
Sheikh `Abd Al-Halîm fut le premier savant azharite à appeler publiquement à l’application de l’ensemble de la Shari`ah Islamique (loi islamique) dans le pays. Lorsque certains membres du gouvernement lui signifièrent qu’il fallait beaucoup de temps pour détailler toutes les lois de la Shari`ah, il mit en place des comités de spécialistes où des savants d’Al-Azhar avaient pour mission d’étudier dans le détail l’application de la loi islamique dans tous les domaines et leur substitution aux lois non islamiques. Sheikh `Abd Al-Halîm encadra ces comités, même lorsque sa santé se détériora et qu’il fut transporté à l’hôpital.
Ouvrages
Sheikh `Abd Al-Halîm était un écrivain talentueux. Il écrivit plus de 60 livres. Il était connu pour son caractère posé, généreux et tendre. Ses élèves retiennent sa modestie et son savoir abondant. Sa sensibilité soufie se dégage de ses ouvrages. A l’image de l’Imâm Al-Hârith Al-Muhâsabi qui fait l’objet de sa thèse en France, il était le reflet du noble visage du soufisme, celui qu’incarnaient les pieux de l’Islam, à savoir un soufisme basé sur le respect et l’application des enseignements coraniques et les traditions du Prophète - paix et bénédictions sur lui. Parmi ses ouvrages nous pouvons citer :
Muhammad le Messager d’Allah Somme de Fatwas Les preuves du statut de Prophète L’Islam et le Communisme Notre Jihâd Sacré Abû Al-Hasan Ash-Shadhlî Dhû’n-Nûn Al-Misrî Notre maître Zayn Al-`Âbidîn As-Sayyid Ahmad Al-Badawî Le sieur connaisseur de Dieu, Sahl At-Tostarî
Il édita et annota un certain nombre d’ouvrages anciens, dont Ar-Ri`âyah li Huqûqi’llâh, "L’Observance des Droits de Dieu" de l’Imâm Al-Muhâsibî et Latâ’if Al-Minan, "Manne Des Bienfaits" de l’Imâm Ahmad Ibn `Atâ’illâh d’Alexandrie, l’auteur des célèbres Hikam.
Disciple de la confrérie soufie shadhilie à laquelle il dédia l’un de ses ouvrages, l’Imâm `Abd Al-Halîm Mahmûd participa plus généralement à une réelle revivification du patrimoine soufi tant par ses discours que par ses ouvrages. Son travail n’est pas celui d’un historien ou d’un académicien qui analyse la discipline du soufisme et les récits de ses hommes, mais il s’agit de l’expression d’un cœur qui a goûté à cette discipline et qui projette à travers son expérience spirituelle et son savoir l’essence de cette composante de l’islam qui traite des œuvres du cœur. Outre l’hommage qui est rendu à des figures clefs de la spiritualité islamique, ses écrits visent à guérir les cœurs et encouragent les aspirants à marcher sur les pas de leurs pieux prédécesseurs, car les bienfaits de Dieu ne tarissent jamais ; seulement chacun reçoit à la hauteur de la sincérité de son effort.
Au vu de ses écrits et de sa vie, l’Imâm `Abd Al-Halîm Mahmûd fut surnommé à juste titre « Le père du soufisme dans l’ère contemporaine ».
En 1978, un voile de deuil couvrit l’Egypte. L’âme de Sheikh `Abd Al-Halîm Mahmûd retourna auprès de son Créateur. La tristesse de la société égyptienne fut proportionnelle à la popularité de ce Grand Imâm d’Al-Azhar et ses obsèques furent suivies par un grand nombre de musulmans.
Il naquit le samedi 22 shawwâl 1298 A.H. ( le 16 septembre 1881) à Sebta, une ville algérienne affiliée à Tilmsân. Décédé en 1961, Damas, Syrie Sheikh Mohammad Al-Hâmishî est né dans une famille pieuse de la descendance du Noble Messager d’Allâh, via son petits-fils l’Imâm Al-Hasan Ibn `Alî Ibn Abî Tâlib, qu’Allâh soit Satisfait d’eux. Son père fut un savant de la ville, et y occupa le poste de juge. Il décéda en laissant des enfants jeunes, dont l’aîné était Sheikh Mohammad. Ce dernier passa des années en compagnie des savants, recherchant la science avec assiduité auprès d’eux.
Il combattit l’occupation française puis quitta l’Algérie avec son Sheikh Mohammad Ibn Yallis et immigra vers les pays du Châm (Syrie, Liban..) en fuiyant l’injustice de la colonisation qui interdisait au peuple algérien d’assister aux cours des savants, ou de se rassembler pour s’enseigner la religion. Il quitta donc son pays le 20 Ramadan 1329 A.H. (le 14 septembre 1911 E.C.), transita par Tangers, puis Marseille, avant d’atteindre les pays du Châm. Il passa avec son Sheikh quelques jours à Damas, puis il furent contraints de se séparer. A l’époque, les autorités turques étaient influentes et interdisaient aux émigrés maghrebins de se rassembler.
Les savants qui lui ont enseigné
Ainsi, dut-il partir en Turquie, alors que son Sheikh Mohammad Ibn Yallis resta à Damas.
Sheikh Mohammad Ibn Yallis Après deux ans de séparation, Sheikh Mohammad Al-Hâshimî put retourner à Damas, où il retrouva son Sheikh. Il l’accompagna pendant de longues années. Au pays du Châm, il poursuivit l’acquisition des sciences des sciences religieuses et devint l’un des disciples des plus distingués des savants du Châm comme le grand muhaddith, Sheikh Badr Ad-Dîn Al-Hasanî , Sheikh Amîn Sowayd, Sheikh Ja`far Al-Kittânî, Sheikh Nadjîb Kîwân, Sheikh Tawfîq Al-Ayyûbî, Sheikh Mahmûd Al-`Attâr, qui lui enseigna la science des fondements de la jurisprudence, et Sheikh Mohammad Ibn Yûsuf, connu sous le nom d’Al-Kâfî, qui lui enseigna la jurisprudence de l’école malékite.
Il reçut plusieurs ijâzah [1] de la part de ses enseignants dans les sciences fondamentales. Pour ce qui est de la purification des coeurs et du soufisme, il reçut une autorisation de son Sheikh Mohammad Ibn Yallis pour enseigner le wird général.
Son caractère
Il fut, qu’Allâh lui fasse miséricorde, un digne héritier du Messager d’Allâh, paix et benediction d’Allâh sur lui, dans ses paroles, états, nobles caractères et oeuvres. Il fut très célèbre pour son humilité ou il surpassa tous ses contemporains. Il traitait les gens de la manière dont il aime être traité. Un homme rentra sur lui et embrassa sa main. C’est alors que Sheikh Mohammad Al-Hâshimî essaya d’embrasser la main du visiteur. L’homme sursauta et dit : « A Dieu ne plaise ! Je ne suis nullement digne de cela ! C’est à moi d’embrasser votre pied ! ». Sheikh Mohammad lui dit : « Si tu embrasses mon pied, j’embrasserai le tien ». Il aimait être en personne au service de ses frères et disciples.
Lorsqu’un visiteur arrivait ou qu’un étudiant venait passer la nuit chez lui, il leur servait la nourriture et portait à eux les draps et les couvertures, malgré la faiblesse de son corps. Combien de fois nous frappâmes à sa porte à minuit, et il ouvrit, vêtu des habits avec lesquels il reçoit les invités, tel un soldat éveille, et jamais nous le vîmes vêtu des habits dans lesquels il dort. Il était patient et ne se fâchait que pour Allâh. Un jour, un homme de Damas vint chez lui et commença à l’agresser, en se moquant de lui et lui adressant les pires insultes. Mais le Sheikh, qu’Allâh l’agrée, n’eut de réponse que : ’ Allâh Yejazîk bi Khayr, qu’Allâh t’accorde une bonne rétribution, tu me révèles mes défauts, et j’essaierai de m’en défaire et de faire miennes les nobles manières’. En entendant cela, l’homme se jetta sur lui, embrassa ses mains et ses pieds et lui demanda pardon.
Il fut généreux, et ne renvoyait jamais les mains vides un homme dans le besoin. Notamment dans les saisons de générosité et de charité, des foules affluaient chez lui, et se rassemblaient autour de la nourriture qu’il leur servait, avec le sourire aux lèvres, le visage heureux. Sa générosité le porta à construire deux compartiments dans sa maison dans le quartier des émigrés à Damas : un compartiment pour sa famille, l’autre pour ses disciples et étudiants. Sa douceur et sa clémence ouvrit le coeur des gens pour la pénitence, et combien de pécheurs se sont repentis grâce à Allâh en le côtoyant. Après avoir fini un cours, il croisa dans la rue un homme ivre. Sheikh Mohammad essuya la poussière qui était sur le visage de l’homme, lui prodigua quelques conseils et invoqua Allâh pour lui. Le lendemain, l’homme était le premier à assister le cours du Sheikh, il se repentit et s’agrippa à la droiture. Il était constamment occupé par les soucis de la communaute musulmane et s’attristait profondément lorsqu’un malheur s’abattait sur les musulmans.
Sheikh Mohammad Al-Hâshimî
Son oeuvre
Membre de l’assemblée des savants qui se tient à l’illsutre mosquée des Omeyyades (Al-Masjid Al-Umawi), il discutait avec les autres savants les problèmes de la ummah, mettant en garde contre la division des musulmans. Il écrivit à cet égard un épître où il rappellait les raisons de la division et ses effets néfastes, et la nécessité de se réunir sous la Parole d’Allâh et de s’agripper à la Sunnah de Son Messager, épître intitulé : Al-Qawl Al-Fasl Al-Qawîm fi Bayân Al-Murâd min Wasiyyat Al-Hakîm.
Il haïssait la colonisation sous toutes ses formes et agissait énergiquement pour lutter contre ses dangers. Lorsque le gouvernement appela le peuple à former une résistance populaire, et dispensa une formation au maniement des armes pour les volontaires, Sheikh Mohammad s’empressa de s’inscrire, malgré sa veilleisse et la faiblesse de son corps. Il donna un exemple honorable de la foi solide, du Jihâd dans le sentier d’Allâh, rappelant ainsi les guides spirituels qui ont lutté contre la colonisation comme As-Sunûsi et Abd Al-Qâdir Al-Jazâ’iri.
Il fut aimé pour ses nobles caracteres et sa modestie et les gens affluaient vers lui pour apprendre la purification des coeurs et le soufisme authentique si bien que l’ont dit : ’La célébrité de Sheikh Al-Hâshimî n’est pas due à sa science, même s’il était un savant, ni aux prodiges (karamât), même si les siens étaient nombreux, mais il fut surtout célèbre pour ses nobles caractères, sa modestie et son observance d’Allâh. Son assemblée était un lieu de science, de paix et de tranquillité. Il disait : lorsque les pieux sont mentionnés, la miséricorde descend. Il s’est dépensé dans la voie d’Allâh, enseignant aux musulmans la religion et les mettant en garde contre l’égarement et la déviance.
Les cours qu’il dispensait duraient du matin au soir. Il y accordait une place fondamentale au Tawhid qui est le pilier de la religion, et mettait en garde contre les croyances déviantes, en rappelant la droiture et la croyance de Ahl As-Sounnah wa Al-Jamâ`ah, et le devoir de retourner à Allâh et de s’attacher exclusivement à Lui. Ses activités dans la da`wah : Sa maison acceuillit des savants et visteurs assoiffés de science. Il les accueillait avec un coeur ouvert et beaucoup de joie, et il organisait des scéances d’enseignement et de Dhikr dans les mosquées et les maisons. Jusqu’à la fin de ses jours, il parcourut les mosquées de Damas, rassemblant les gens pour l’apprentissage des sciences islamiques, le dhkir (rememoration d’Allâh), et les louanges du Messager d’Allâh - paix et bénédictions d’Allâh sur lui. Il forma un grand nombre de savants et d’étudiants en sciences islamiques, ayant puisé dans son savoir, son goût raffiné et ses conseils pleins de sagesse. Il écrivit de nombreux ouvrages et épîtres dont :
Miftâh Al-Jannah Sharh `Aqidat Ahl As-Sunnah La Clef du Paradis - Explication de la Croyance des gens de la Sounnah Ar-Risâlah Al-Mawsoumah bi `Aqîdat Ahl As-Sunnah ma`a Nadhmihâ Al-Bahth Al-Jâmi` wa Al-Barq Al-Lâmi` wa Al-Ghayth Al-Hâmi` fi mâ yata`allaq bi assan`ah wa As-Sâni` Ar-Risâlah Al-Mawsoumah bi Sabîl As-Sa`âdah fi Ma`nâ Kalimatay Ash-Shahâdah ma`a Nadhmihâ Ad-Durrah Al-Bahiyyah Al-Hall As-Sadîd limâ istashkalahou Al-Murîd min Djawâz Al-Akhdh `an Murshidîn Al-Qawl Al-Fasl Al-Qawîm fi Al-Murâdi bi Wasiyyat Al-Hakîm Sharh Shataranj Al-`Arifîn li Ash-Shaykh Mohyddîn Ibn `Arabî Al-Adjwibah Al-`Ashrah Sharh Nadhm `Aqîdat Ahl As-Sunnah
Un grand nombre de savants et de disciples ont appris le tasawwuf (soufisme) en sa compagnie. Parmi ses disciples, nous comptons Sheikh `Abd Al-Qâdir `Isâ, auteur de Haqâ’iq `an At-Tasawwuf (Vérités sur le Soufisme). Ainsi, Sheikh Mohammad passa sa vie dans le jihâd et l’enseignement, éduquant les âmes, raffinnant les coeurs désireux de connaître leur Seigneur. Il s’est aligné sur la Sharî`ah enseignée par le Messager d’Allâh dans ses paroles et ses oeuvres et son testament fut : "Agrippez-vous au Coran et à la Sunnah".
Ce savant et éducateur retourna à Allâh en 1961. On pria sur lui à la mosquée Omeyyade, puis les habitants de Damas le portèrent à sa tombe, dans Maqâbir Ad-Dahhâh. Si son corps quitta ce monde, son savoir, ses vertus et ses enseignements sont encore vivants à travers les musulmans qui l’ont accompagné.
Cette biographie est basée sur les propos de Sheikh `Abd Al-Qâdir `Îsâ, l’un des disciples de Sheikh Mohammad Al-Hâshimî dans son livre Vérités Au Sujet du Soufisme. [1] Le terme ijâzah désigne l’autorisation délivrée par un savant à son élève attestant de son savoir et l’habilitant à enseigner.
Sheikh Mahmûd Ar-Rankûsî Un noble éducateur soufi et un savant du Hadîth Shaykh Mahmûd Ba'yûn Ar-Rankûsi
Né en 1910, village de Rankûs, Syrie Décédé en 1985
Jeunesse et études religieuses
Sheikh Mahmûd Ba`yûn Ar-Rankûsî naquit en 1329 A.H. (1910 E.C.) à Rankûs, un village syrien au nord ouest de Damas. Sa lignée remonte à Al-Ansâr, ceux qui ont soutenu et accueilli le prophète - paix et bénédictions sur lui - et les fidèles après leur immigration de la Mecque à la Médine.
Il raconta que l’un de ses pieux ancêtres était non voyant et avait le don de reconnaître tout au toucher c’est pourquoi on l’appela Ba`yûn, i.e. celui qui a des yeux.
La mère de Sheikh Mahmûd quitta le monde alors qu’il n’avait que deux ans. Son père, Sheikh Qâsim Ba`yûn, un homme connu pour sa droiture, prit beaucoup de soin de son fils. Sheikh Mahmûd partit à l’école coranique de son village et mémorisa le Noble Coran à l’âge de cinq ans.
Un jour, son père entendit parler de Sheikh Badr Ad-Dîn Al-Hasanî, le grand Muhaddith de Syrie enseignant à Dâr Al-Hadîth à Damas. Sheikh Qâsim souhaitait aller à Damas pour puiser dans la science de Sheikh Badr Ad-Dîn. Il en discuta avec son fils Mahmûd, âgé alors de 12 ans, qui lui suggéra d’aller à sa place. Lorsque son père lui en demanda la raison, Sheikh Mahmûd lui dit qu’il était jeune et qu’il aurait plus de facilités dans la mémorisation du savoir. La réponse plut au père qui emmena son fils étudier sous Sheikh Badr Ad-Dîn à Dâr Al-Hadîth. Depuis ce jour, Sheikh Mahmûd vécut et étudia à Dâr Al-Hadîth sous la direction de Sheikh Badr’ud-Dîn dont la maison communiquait avec Dâr Al-Hadîth par l’intermédiaire d’une porte.
Bien que le niveau des études islamiques fut très élevé à l’époque, certaines questions religieuses enseignées par Sheikh Badr Ad-Dîn furent d’une telle complexité que seul Sheikh Mahmûd parvenait à les assimiler.
Après la mort de Sheikh Badr Ad-Dîn, il resta à Dâr Al-Hadîth et constribua à sa rénovation et son agrandissement. Il devint également le disciple le plus proche de Sheikh Abû Al-Khayr Al-Maydânî qui lui transmis la sensibilité soufie de l’ordre Naqshabandî. Sheikh Mahmûd devint alors l’une des figures les plus importantes de cette confrèrie.
Sheikh Mahmûd vit en dormant le Prophète - paix et bénédictions sur lui - qui lui donna la langue, symbole de la transmission des traditions du prophète Muhammad - paix et bénédictions sur lui. Lorsqu’il narrait les hadîths il se dégageait de sa voix la splendeur, le noble caractère et la sagesse du Prophète bien-aimé. De nombreux savants devinrent ses disciples pour apprendre les sciences du Hâdith et du Noble Coran, ainsi que la sensibilité de l’ordre soufi des Naqshabandîs.
Témoignage de l’un de ses disciples
Orfan Rabbat un des disciples de Sheikh Mahmûd Ar-Rankûsî écrit : " Grâce à Dieu, le monde musulman abonde en savants connus pour leur piété et droiture et donnant d’excellents modèles à leurs disciples. J’en ai connu un certain nombre et j’éprouve à leur égard un profond respect. Lorsque je pense à Sheikh Mahmûd, je vois des caractéristiques qui font de lui un homme très distingué.
Plus je le connaissais, mieux j’apprenais l’islam et je vis comment chacune de ses actions découlait du Coran et de la Sunnah. [...] Cet exemple de "Sunnah vivante" avait une particularité saisissante : il en émanait une telle simplicité et une telle beauté qui se traduisait chez moi jour après jour par une sérénité et une paix. L’application de Sheikh Mahmûd de la Sunnah en reflétait la beauté et la profondeur mieux que n’importe que l’ouvrage aurait pu le faire. De plus, j’avais l’habitude de lui poser des questions concernant des sujets épineux et controversés et à son écoute, chaque fois, je ressentais cette profonde paix en moi et me disais que si le Prophète - paix et bénédictions sur lui - était parmi nous, il aurait certainement donné la même réponse que celle avancée par Sheikh Mahmûd.
Je me suis plusieurs fois interrogé au sujet de mon enthousiasme lorsque je parle de Sheikh Mahmûd. J’ai constaté que cet enthousiasme était dû au fait que les paroles de Sheikh Mahmûd et son application de la Sunnah étaient toujours en parfaite harmonie avec ce que j’avais appris du Coran et de la Sunnah. [...] Après avoir connu l’homme qu’il était, je vis que la beauté et l’application véritable de la Sunnah montrent avec certitude son authenticité. Le Prophète - paix et bénédictions sur lui - dit : "Celui qui me voit dans un rêve, il m’a réellement vu car le diable ne prend jamais mon image." En d’autres termes, lorsqu’un homme voit le Prophète dans un rêve, il sait avec certitude qu’il a vu la vérité et je sens que lorsque l’on voit la Sunnah appliquée comme il se doit dans la vie de tous les jours, nous voyons avec cette même certitude qu’elle est authentique.
Ceux qui ont connu de tels modèles vivants de la Sunnah ont certainement vu ces caractéristiques. C’est pourquoi nous remercions Dieu pour avoir rendu sa vraie religion claire et apaisante pour ceux qui l’abordent avec un coeur pur. Je prie Dieu d’agréer ce témoignage comme une louange à Lui et à Sa Miséricorde infinie, avant d’être un témoignage pour Sheikh Mahmûd. Amîn."
Nous invitons nos lecteurs à écouter des cours de Sheikh Mahmûd en Fiqh et en Tafsîr (Exégèse).
Source anglaise : le site du projet Al-Muhaddith .
Poursuivons à présent sur les traces historiques du Soufisme
Le terme sûfî ne figure pas dans les sources scripturaires (Coran, Hadîth). La raison nous en est donnée par un maître du XIe siècle du vivant du Prophète et de ses Compagnons, « le soufisme était une réalité sans nom alors qu’il est maintenant un nom sans réalité », affirmait-il. C’est lorsque la lumière de la prophétie s’est éloignée que les saints musulmans, héritiers des prophètes, ont dû jouer un rôle de guide de plus en plus apparent dans la société.
Notre terme "soufisme" traduit celui, arabe, de tasawwuf, qui signifie littéralement « le fait de se vêtir de laine (sûf) ». Telle aurait été l’habitude, en effet, des premiers ascètes et, avant eux, des prophètes. D’autres étymologies du mot sûfi - qui désigne tantôt l’homme pleinement "réalisé", tantôt le simple adepte du tasawwuf - ont été suggérées. Les maîtres avancent souvent une explication spiritualiste : le soufi est celui que Dieu a purifié (sûfiya) des passions de son ego (nafs), celui donc qu’Il a élu (istafâ, de la même racine), et nous percevons déjà l’équation qui sera établie implicitement entre soufisme et sainteté en islam. Parallèlement aux similitudes phonétiques, la science du symbolisme des nombres donne au mot sûfî la même valeur numérique que al-Hikma al-ilahiyya, « la Sagesse divine ». Sous ce rapport, le soufi est donc celui qui possède cette sagesse ou, en d’autres termes, a accès à la connaissance de Dieu, la gnose (al- ma’rifa).
Les auteurs invoquent une autre interprétation du mot sûfi, qui revêt un caractère historique, ou plutôt métahistorique. Elle fait venir le mot sûfi des ahl al- suffa, « les Gens du Banc » qui vivaient dans un dépouillement total dans la mosquée du Prophète à Médine, et auxquels celui-ci aurait prodigué un enseignement particulier. Avec eux comme avec d’autres Compagnons, le Prophète fonde le modèle de la relation de maître à disciple (suhba) en islam. Le lien immatériel qui existe entre le Yéménite Uways al-Qaranî et le Prophète, sans qu’ils ne se soient jamais rencontrés, ouvre le champ à un mode d’initiation spécifique, dit uwaysî. Par la suite en effet, des mystiques affirmeront avoir été initiés par un maître défunt - parfois depuis plusieurs siècles -, lequel se manifeste sous la forme d’une entité spirituelle (rûhâniyya). Selon les maîtres, les quatre premiers califes « bien dirigés », proches du Prophète, furent des Pôles ayant détenu à la fois le califat exotérique et ésotérique ; Abû Bakr et ’Alî, principalement, sont reconnus comme deux grandes figures spirituelles ayant transmis aux générations postérieures l’influx initiatique (baraka) du Prophète.
Intériorisation de la foi
La spiritualité islamique initiale est marquée par les sourates apocalyptiques du Coran qui, par leur rappel lancinant de l’évanescence de ce monde et du Jugement dernier déterminent une attitude de détachement (zuhd) et, corrélativement, d’épuration de l’âme par l’acquisition des vertus spirituelles. Cette attitude répond à un idéal largement partagé pendant les deux premiers siècles de l’Hégire, et ce qui se vit alors est davantage une intériorisation de la foi qu’une démarche proprement ésotérique. Hasan al-Basrî (mort en 728), de Bassora, illustre bien cette harmonie par la complétude de sa démarche, tournée à la fois vers les sciences extérieures et le renoncement intérieur. Le centre de Kufa, également en Irak, montre plus d’intérêt pour la spéculation doctrinale, sans doute sous l’influence du chiisme naissant. C’est là en tout cas que l’on trouve pour la première fois l’épithète sûfî appliquée à un certain Abû Hâshim (mort vers 777).
Malâma et tasawwuf
Le IXe siècle, correspondant au troisième de l’Hégire, représente une étape majeure dans l’histoire du soufisme. Durant cette période en effet, les mystiques musulmans explorent les différentes voies de la spiritualité en islam. Deux modalités majeures se dégagent, qui suivent à l’origine une répartition géographique. La voie du « blâme »(malâma) pratiquée par l’école du Khorassan (nord-est de l’Iran et Afghanistan actuels) contraste fortement avec celle, irakienne, du tasawwuf. La première prône le refus de toute complaisance pour l’ego et la dissimulation des états spirituels ; elle se traduit par la quête de l’anonymat ou, à l’inverse, de la mauvaise réputation : dans un cas, l’ego doit être oublié, dans l’autre humilié. Le tasawwuf, au contraire, a une vision moins pessimiste de l’âme et du monde : il faut les dépasser - et non s’y arrêter par le refus que le malâmatî leur oppose - en s’ouvrant à la grâce divine et à l’extase, en se concentrant sur la connaissance de Dieu. Cette distinction s’estompe dès le siècle suivant au profit du tasawwuf, qui s’impose dès lors comme terme générique pour désigner la spiritualité islamique ; toutefois celui-ci aura subi l’influence de la malâma, et certains courants en son sein mettront l’accent sur la sincérité spirituelle et la défiance à l’égard des miracles sensibles.
Parallèlement ont lieu des expériences pionnières plus individuelles ; s’en dégagent des tempéraments spirituels dont on relève la permanence au long des siècles. Râbi’a al-’Adawiyya (m. 801), par exemple, exalte l’amour entre Dieu et Sa créature, tandis que Dhû l-Nûn al-Misrî (m. 860) établit les fondements de la Voie initiatique et développe la gnoséologie ; Abû Yazid Bistâmî (m. 877) typifie le caractère « ivre »du soufisme, alors que Junayd en incarne le versant « lucide », etc. Au cours de cette phase d’investigation, certains mystiques perdent pied, car initialement aucune entrave ne leur vient des milieux exotériques ; totalement immergés en Dieu, ils n’observent plus la distance entre leur ego et le « Je »divin, et en arrivent à proférer des propos extatiques (shatahât) qui heurtent la conscience du croyant ordinaire. Les docteurs de la Loi conçoivent, et dans une certaine mesure acceptent, que des mystiques puissent être visités par l’extase ; mais ils leur demandent d’en contrôler le débordement, de ne pas évoquer ouvertement leurs expériences devant les profanes. Shiblî, qui pratique intentionnellement le paradoxe pour ébranler l’approche trop douillette qu’ont ses contemporains des réalités métaphysiques, échappe à la vindicte des juristes en feignant la folie, mais ce n’est pas le cas de son maître Hallâj.
Formulation de la doctrine ésotérique
D’autres soufis éprouvent le besoin de formuler la doctrine ésotérique, à un moment où les diverses sciences religieuses, elles aussi, prennent corps. Hakim Tirmidhî (m. 932) par ses élaborations sur la sainteté, Sahl Tustarî (m. 896) par l’ébauche du thème de la « Lumière muhammadienne », Kharrâz (m. 899) puis Junayd par leur intériorisation du dogme exotérique du tawhîd, tous ces maîtres érigent le soufisme en discipline initiatique réservée à l’élite spirituelle (al-khâssa), opposée au commun des croyants (’âmma). Les soufis se désignent dès lors comme « l’Ordre » ou « la Tribu » des initiés (al-Tâ’ifa, al-Qawm).
Évaluant leurs expériences à l’aune des sources scripturaires, ils forgent une terminologie qui puise l’essentiel de sa matière dans le Coran. Mais ce lexique ainsi que le langage allusif (ishâra) qu’ils adoptent sont hermétiques à dessein, afin que les « secrets » ne tombent pas dans l’oreille des profanes. Bientôt, ce sont leurs propres paroles qui nécessitent une exégèse (ta’wîl), comme eux-mêmes la pratiquent sur le Coran. Dès le VIlle siècle en effet, est née la discipline du commentaire anagogique du Livre, sous l’impulsion de Ja’far al-Sâdiq (m. 765) notamment. Si celui- ci représente pour les chiites le sixième imam, les sunnites le vénèrent également en tant que descendant du Prophète et voient en lui une grande figure spirituelle. Chiisme et sunnisme ne sont pas encore bien différenciés à cette époque et le huitième imam, ’Alî Ridâ (m. 818), aura à son tour des soufis pour disciples ; c’est pourquoi il figure dans les chaînes initiatiques des ordres.
Au sein du sunnisme, le divorce semble donc consommé entre la science exotérique et la science ésotérique, alors qu’elles n’étaient qu’une du vivant du Prophète. Ibn Khaldûn, qui fait ce constat rétrospectivement au XlVe siècle, repère cette scission dans le mot arabe fiqh ; il remarque que pour les exotéristes celui-ci se réduit au sens de « jurisprudence islamique », tandis que pour les soufis, il désigne, conformément à son étymologie, « l’intellection » de Dieu et des réalités spirituelles.
Le procès et l’exécution de Hallâj (m. 922) sonnent le glas de cette période d’exploration tous azimuts ; les soufis se montrent plus prudents, et surtout ils comprennent qu’il faut expliquer aux autres musulmans en quoi le soufisme est le coeur de l’islam. Junayd de Bagdad (m. 911) devient désormais une référence majeure, par l’intelligence et la maîtrise qu’il a de son expérience de l’Unicité divine, toujours contenue dans le cadre de la Révélation ; cela lui vaut le surnom de « Seigneur de l’Ordre des soufis » (sayyid al-Tâ’ifa).
Le soufisme comme discipline islamique
Au cours de la deuxième moitié du Xe siècle et durant le XIe sont rédigés plusieurs manuels qui vont jouer un rôle providentiel dans la reconnaissance du soufisme. Ils sont précieux d’abord parce que leurs auteurs y collectent l’enseignement oral des premiers maîtres, mais leur but avoué est de prouver l’orthodoxie foncière du soufisme et de l’ériger en discipline islamique accomplie. Puisque toute science possède une terminologie, ils explicitent celle du tasawwuf.
Pour combattre la philosophie hellénistique (falsafa), à laquelle on reproche de privilégier la raison par rapport à la Révélation, ainsi que le chiisme dans ses formes extrémistes, une sorte d’alliance se fait jour entre le soufisme et les deux principaux courants théologiques de l’islam sunnite, par ailleurs opposés sur bien des points : les écoles asharite et hanbalite. La première prédomine rapidement et, conjuguée au rite juridique shafiite répandu au Moyen-Orient, elle donne naissance à une grande lignée de soufis et de savants affiliés au tasawwuf qui donneront définitivement droit de cité à celui-ci au sein de la culture islamique. Abû Hâmid al-Ghazâli (m. 1111) en est la figure la plus connue, mais bien d’autres seraient à citer. Il montre notamment que, l’exploration du versant caché de l’islam ne saurait conduire à des aberrations doctrinales telles que les formulent les Ismaéliens, mais amène au contraire à découvrir la richesse intérieure du dogme sunnite. Son oeuvre est fortement redevable des efforts accomplis avant lui en ce sens, mais son parcours personnel aura valeur d’exemple : devenu l’un des plus grands savants de Bagdad, il traverse une profonde crise intérieure ; après avoir quitté toutes ses fonctions, il voyage durant plusieurs années et trouve dans le soufisme la délivrance.
L’émergence des ordres initiatiques
Les XIle et XIlle siècles voient apparaître deux phénomènes concomitants que l’on a trop souvent opposés : l’émergence des ordres initiatiques (tarîqa ; pl. turuq), et celle d’un soufisme à forte teinte ésotérique. Les ordres qui se fondent à cette époque (principalement en Irak, en Égypte et en Asie centrale) sont en fait des projections particulières, dans le temps et dans l’espace, de la Voie reliant l’islam exotérique à sa réalité intérieure : la Tarîqa. La relation de maître à disciple revêt une grande importance dès les débuts du soufisme, mais les démarches demeurent généralement individuelles et il est rare qu’un aspirant reste toujours auprès du même cheikh. Aux IXe et Xe siècles, quelques communautés voient le jour en Irak et dans le Khorassan ; toutefois, on n’y trouve pas encore les composantes d’une tarîqa, telles que la vénération d’un maître éponyme et l’accent porté sur la chaîne initiatique remontant au Prophète. Pour de multiples raisons que nous ne pouvons évoquer ici, cette relation initiatique basée sur le compagnonnage se systématise et se structure progressivement à partir du XIle siècle. Le soufisme, qui attire alors un nombre sans cesse croissant de personnes, revêt un aspect communautaire de plus en plus prononcé ; d’où notre vision horizontale des « confréries », laquelle ne saurait pourtant éclipser ce qu’est vraiment une tarîqa : un lien vertical unissant le disciple au maître et, au-delà, au Prophète.
Les maîtres des ordres soufis ne distillent pas le même enseignement à tous ceux qui les côtoient. En effet, il existe plusieurs modalités de rattachement à une voie, et donc plusieurs vitesses dans le processus d’initiation. Certains ne viennent y chercher qu’un influx spirituel (baraka) et multiplient fréquemment ces sources de bénédiction en collectionnant les affiliations. D’autres, par contre, s’impliquent totalement dans leur relation initiatique, et reçoivent de leur maître une éducation spirituelle complète (tarbiya). Ces disciples proches du cheikh bénéficient évidemment d’un enseignement spécifique ayant une teneur ésotérique plus prononcée. La plupart des maîtres de tarîqa sont également des savants en sciences religieuses, et s’ils voient dans leur auditoire des personnes inaptes à comprendre et donc à accepter leurs paroles, ils pratiquent aussitôt la "discipline de l’arcane" en abordant un sujet d’ordre exotérique. Malgré ces précautions, les juristes leur reprochent souvent d’avoir créé une seconde Loi réservée à l’élite ; s’il est vrai que certains cheikhs donnent des prescriptions spéciales à leurs disciples, observe Ibn Khaldûn, celles-ci s’insèrent toujours, en définitive, dans le cadre des cinq piliers de l’islam.
Parallèlement à la constitution des familles spirituelles, le soufisme se dote durant cette période d’un corps de doctrines plus élaboré qu’auparavant. En fait, ces doctrines sont déjà en germe dans l’enseignement des maîtres des IXe et Xe siècles, tels que Sahl Tustarî et Hakîm Tirmidhî ; désormais, elles sont formulées de façon systématique et largement divulguées, ce qui ne manque pas de heurter maints savants. À partir du XlVe siècle, on les voit fréquemment opposer ce soufisme « moderne », taxé de « philosophique » ou « théosophique » (falsafî) à celui des anciens, fondé sur l’acquisition des vertus spirituelles (akhlâqî). La philosophie illuminative de Suhrawardî al-Maqtûl (m. 1191) constitue à cet égard un exemple extrême : elle doit bien trop à Platon et à l’Iran préislamique pour être intégrée dans le soufisme sunnite, et le pouvoir ayyoubide, qui par ailleurs encourage celui-ci, fait exécuter le mystique persan.
D’autres maîtres développent des doctrines audacieuses, mais qui restent dans le giron du sunnisme et de ce fait auront une grande postérité. Elles expliquent le monde manifesté comme une théophanie (tajallf) sans cesse renouvelée de l’unique Être (wujûd) divin. Bien qu’adoptée par d’autres soufis, tels que Rûzbehân et Ibn al-Fârid, la thèse du tajallî connaît son développement ultime dans l’enseigne-ment de Muhyî al-Dîn Ibn ’Arabî (m. 1240). Ce « Grand Maître » (al- Shaykh al-Akbar) de la spiritualité islamique marquera toute l’évolution postérieure du soufisme, mais il est à noter que la doctrine de « l’unicité de l’Être » (wahdat al-wujûd), qui lui est imputée, a été énoncée formellement par des disciples ultérieurs.
À l’instar des exotéristes, mais pour des raisons différentes, des soufis ont également réprouvé une telle formulation de l’ésotérisme ; à leurs yeux, les ouvrages d’Ibn ’Arabî et de son école mettent dangereusement à la portée du croyant ordinaire un enseignement qui ne lui est pas adapté et peut nuire à sa bonne compréhension du dogme de l’islam. Certains maîtres, comme Simnânî (m. 1336), ont préféré s’en tenir à « l’unicité de la contemplation » (wahdat al-shuhûd), héritière de l’expérience de « l’extinction en Dieu » (fanâ’). La distinction entre les deux modes de réalisation de l’Unicité n’a pourtant qu’une valeur toute relative, ce que montreront les cheikhs de la Shâdhiliyya et le naqshbandî Ahmad Sirhindî (m. 1624).
Soufisme confrérique et théosophisme
L’apparition des voies initiatiques et la formulation ésotérique du soufisme ne sauraient être dissociées car elles participent l’une et l’autre d’un même mouvement d’extériorisation. Les deux phénomènes s’accompagnent d’ailleurs d’une influence accrue des cheikhs dans les domaines social et politique, où les saints de la hiérarchie ésotérique assument un rôle de plus en plus manifeste. C’est autour de la personne du Prophète que se fait cette double évolution. Au cours des premiers siècles, les soufis ont été absorbés par l’expérience de l’Unicité divine ; avec l’élaboration des doctrines sur la sainteté (walâya), ils revendiquent désormais leur héritage muhammadien en déployant une prophétologie à caractère ésotérique : si le simple croyant ne voit en Muhammad que la figure de l’intercesseur, le gnostique s’attache à sa fonction cosmique d’« isthme » (barzakh) ou intermédiaire entre Dieu et les hommes. Ainsi l’explicitation des doctrines de la « Réalité muhammadienne » et de « l’Homme parfait », aux XIIIe et XIVe siècles, coïncide-t-elle dans le temps avec l’émergence de formes dévotionnelles centrées sur le Prophète, telles que la célébration de l’anniversaire de sa naissance (Mawlid).
L’exemple d’Ibn Sab’în (m. 1269) montre qu’on ne peut opposer un soufisme confrérique dit "populaire" à un théosophisme élitiste. En effet, ce maître développe une métaphysique très abrupte puisque niant toute consistance ontologique aux créatures ; elle sera d’ailleurs récusée par la plupart des soufis. Pourtant, Ibn Sab’în fonde une voie et se dote d’une chaîne initiatique, très particulière il est vrai puisqu’elle remonte à Platon et Aristote. Au demeurant, durant la période médiévale tardive, les ordres soufis se montrent de plus en plus perméables aux doctrines d’Ibn ’Arabî et de son école, et les propres détracteurs du maître reprennent fréquemment à leur compte certains points de son enseignement. Son rayonnement s’exerce jusque sur la scène politique, puisque la dynastie ottomane prend officiellement fait et cause pour l’homme et son oeuvre.
Sur le plan structurel, les tarîqas-mères qui ont vu le jour aux XlIe et XIlle siècles donnent rapidement naissance à diverses branches ; le plus souvent, celles-ci deviennent autonomes par rapport à leur voie d’origine. L’ordre soufi est un organisme vivant, qui évolue au cours des siècles : périodiquement, des personnalités spirituelles éprouvent le besoin d’adapter au nouvel environnement les modalités initiatiques et rituelles de leur ordre, sans pour autant modifier les fondements doctrinaux de celui-ci. À l’époque ottomane, le grand nombre des adeptes nécessite une organisation hiérarchique, avec délégation de l’autorité à des représentants du maître (khalîfa, muqaddam).
Réforme intérieure du soufisme
À partir du XVIlle siècle, le soufisme est confronté à des défis venant tant de l’intérieur que de l’extérieur. Des pratiques déviantes se sont introduites au sein de certains ordres, qui ne font que refléter la baisse générale du niveau culturel. L’appauvrissement qui caractérise ces ordres se traduit par exemple par le recours systématique à la transmission héréditaire de la fonction de cheikh. Le soufisme tardif se borne-t-il donc à gérer le sacré ? L’extension quantitative des ordres a peut-être entraîné une déperdition sur le plan initiatique, car elle a rendu difficile la relation étroite de maître à disciple ; mais il va de soi que celle-ci s’est maintenue avec toutes ses exigences dans des cercles restreints.
Parallèlement, l’apparition du wahhabisme, mouvement puritain et littéraliste né en Arabie au XVIlle siècle, a pour effet de raviver les polémiques portant sur l’enseignement ésotérique des soufis. Par réaction, la production doctrinale des maîtres accentue son caractère apologétique. Les attaques des détracteurs du soufisme portent d’autant plus qu’elles font souvent l’amalgame entre la spiritualité authentique et les comportements aberrants des pseudo-soufis que les maîtres ont toujours stigmatisés. Les prises de conscience sont donc nombreuses, à travers le monde musulman, pour réformer de l’intérieur le tasawwuf, pour lui redonner sa dimension principielle de « Voie muhammadienne » se situant au-delà des particularismes confrériques ; mais il n’y a en cela rien de fondamentalement nouveau, puisqu’en islam tout courant religieux se doit de lutter contre la dégénérescence du temps afin de restaurer sa pure origine prophétique.
Il faut également faire face à la montée de l’influence européenne dans le monde musulman, ce qui explique l’aspect militant ou missionnaire qui se manifeste dans certains ordres. Rien de neuf, là encore, car les soufis ont toujours pratiqué le jihâd dès lors que le territoire de l’islam était menacé. Durant les premiers siècles, ils ont combattu dans l’institution militaire qu’était initialement le ribât, avant que celui-ci n’abrite leurs exercices spirituels : les soufis n’ont jamais dissocié la « petite guerre sainte » (al-jihâd al-asghar) contre l’ennemi extérieur de la « grande guerre sainte » (al- jihâd al-akbar) contre l’ego et ses passions.
Si d’anciens ordres se restructurent aux XVIlle et XIXe siècles tandis que d’autres apparaissent, on ne peut voir là que des mutations formelles. Pour l’essentiel, c’est-à-dire sur le plan de la doctrine, on ne constate aucune rupture avec le soufisme médiéval ou post-médiéval. Ainsi, les ordres ont toujours pour assise métaphysique métaphysique la doctrine de « l’unicité de l’Être ». Dans le domaine initiatique, il ne s’agit pas de faire oeuvre d’originalité, mais de vivifier la Tradition. La rénovation spirituelle cyclique est inscrite dans cette parole du Prophète, dont les soufis font grand usage : « Dieu envoie à cette Communauté, au tournant de chaque siècle, un homme chargé de rénover la religion ». D’où les reformulations périodiques d’une même doctrine énoncées au fil des siècles ; d’où aussi l’émergence de maîtres contemporains, qui rappellent à ceux qui les côtoient les grandes figures du soufisme classique (citons le cheikh algérien Ahmad ’Alawî, mort en 1934, dont l’influence en Occident est encore profonde). Les uns et les autres sont l’expression d’une même réalité intemporelle, vu qu’ils puisent tous à la source muhammadienne. Selon les auteurs soufis, les saints s’occultent davantage durant les époques obscures, mais ils n’en continuent pas moins d’exercer leur fonction ésotérique dans le monde. n
Eric GEOFFROY ( en Islam Hajj yûnûs )
Maître de conférence au Département d’Etudes Arabes et Islamiques
Ibnou Sirin a dit:
"Cette science est une religion, sachez donc de qui vous prenez votre religion."
voir sahih Mouslim
Le messager"sallah allah alayhi wa sallam" a dit:" Il y aura toujours un groupe de ma communauté qui mettra en pratique ce qu'ALLAH a prescrit.
Ils ne seront pas atteint par le mal de ceux qui les abandonneront ou les contrediront jusqu'à ce que vienne la promesse d'ALLAH et les trouve distingués des gens ".
nous ne saurons absolument rien du soufisme car ton groupe est hypocrites. je m'y suis inscrit et comme ses messages sont filtrés ( bonjour le consensus ! ) jamais mes messages ne sont apparus !!! alors gardes donc ton site pour toi et tes compères et quant à moi avec l'aide du Très-Haut je continuerai d'aggrandir ce post pour que soient démenties toutes vos allégations. Et c'est à Allah qu'appartient le succès en toutes choses et c'est à Lui qu'il reviend de proclamer en toute justice Sa Vérité et Il le fait par ceux qui " marchent humblement sur terre et qui s'adressent aux ignorants en disant salam " ( coran ) WA MIN ALLAH AT TAWFIQ !