Dès l’entame du Ramadan au Maroc, tous les regards se tournent vers la Mosquée Hassan II, sur la corniche casablancaise. Une destination spirituelle qui bat tous les records d’affluence durant ce mois sacré, notamment en cette 27ème nuit, communément considérée comme «leylatoul qadr», la Nuit du destin. Chaque année, ils sont environ 300 000 personnes à s’aligner, durant cette nuit, derrière Omar Al Kazabri, ce jeune imam dont la psalmodie coranique secoue le cœur et attire du monde. Cette année encore, le scénario fut le même. La mosquée de la capitale a été envahie bien avant l’appel à la prière d’Al Ichaa et le début des Tarawih, ces prières surérogatoires qui rythment les soirées du Ramadan.
«Je suis de Fès, mais à chaque fois que je viens à Casa, je préfère venir prier ici. C’est dans cette mosquée que je me sens mieux», fait savoir Hamza, 22 ans. Pour cet étudiant en architecture, deux raisons justifient la préférence pour ce lieu : «Le fiqh Al Kazabri et la mosquée elle-même», classée parmi les quatre plus grandes mosquées dans le monde après Masjid al-Haram, Masjid al-Nabawi (Arabie saoudite) et la Mosquée Istiqlal (Indonésie).
Des étrangers aussi
Le «phénomène Al Kazabri», et cette mosquée de renommée internationale, n’attirent pas que les Casaouis et des Marocains de l’intérieur. En témoigne la présence de cette dame de 62 ans, venue du Sénégal. Ndeye Khady Diop, qui rappelle avoir «suivi l’inauguration de cette mosquée à la télé sénégalaise», se dit «très contente d’être venue prier ici pour la première fois». La vielle dame est au Maroc depuis quelques temps pour rendre visite à son fils, Mamadou, un ingénieur de 36 ans qui l’a accompagnée à la mosquée.
Cette espagnole par contre, vit au Maroc depuis une dizaine d’années. Mais, dit-elle, «c’est la première fois que je vois un tel attroupement de personnes. C’est impressionnant de voir autant de monde se déplacer pour la foi», ajoute la quinquagénaire, accompagnée de sa famille. Tous sont là pour admirer ce spectacle spirituel.
La prière, les affaires
A la mosquée Hassan II, il n’y a pas que les fidèles venus se recueillir pour «multiplier leurs bonnes actions». Sur l’esplanade donnant sur la plage, règne une toute autre ambiance. C’est à peine si on entend la voix du «rossignol des minbars», qui fuse des haut-parleurs du minaret, pourtant si proche et surplombant l’atlantique. Ici, jeunes et moins jeunes, tournés vers l’océan ténébreux, profitent de la brise, tout en papotant sur d’autres sujets pas toujours liés au Ramadan ou à la prière.
D’un autre côté, quelques marchands profitent de cette «soirée spéciale» pour faire de bonnes affaires, à l’instar de Moustapha, 22 ans, vendeur de jus d’orange. «D’habitude, je gagne entre 200 et 400 dirhams par soirée. Mais ce soir, je peux aller jusqu’à 800 dirhams», s’exclame-t-il, très enthousiaste à servir ses clients ainsi que de recevoir les 5 dirhams que coûtent son verre de jus.
Apaisement
La mosquée fait également l’affaire du Centre national de transfusion sanguine. Chaque soir de Ramadan, une trentaine de bénévoles font don de leur sang auprès de ses équipes mobiles présentes sur place. Mais paradoxalement, «l’affluence est moindre en cette Nuit du destin», constate-t-on dans le camion médicalisé qui accueille les bénévoles. En cette 27ème nuit, les fidèles sont plutôt retenus par la très longue prière d’Al Kazabri, qui ne l’a finie qu’à 22h58.
Une prière rythmée d’intenses moments d’émotions qui ont apaisé et créé «une sensation de bien-être» chez Myriem, une fille de 29 ans qui dit ne pas se contenter uniquement du Ramadan pour pratiquer sa religion, à l’instar de Hamza. Tous deux, sont toutefois unanimes sur une chose : c’est uniquement pendant le Ramadan qu’ils ont de pareilles occasions de rapprocher de leur Seigneur.