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Des résistants de l’ALN aux goumiers, l’histoire de la naissance des FAR

Les Forces armées royales célèbrent en ce mois de mai leur anniversaire. Une occasion pour retracer l’histoire de la naissance de l’armée marocaine, ses composantes premières, ses relations tumultueuses avec la monarchie ainsi que son engagement à l’échelle internationale. Histoire.

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Feu le roi Mohammed V en compagnie de feu le roi Hassan II alors prince héritier et des éléments des FAR. / Ph. DR
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Le 14 mai, les Forces armées royales (FAR) fêtent annuellement leur anniversaire. Une cérémonie a été organisée au niveau de l’État-major général des Forces Armées Royales (FAR) à Rabat, pour commémorer cette date. «Après la cérémonie de levée des couleurs nationales, lecture a été donnée à l'Ordre du jour adressé par le Roi Mohammed VI, Chef Suprême et Chef d’État-major général des FAR, aux officiers, sous-officiers et hommes de troupes», indique une dépêche de l’agence officielle MAP. Une occasion pour se pencher sur l’histoire de la constitution de l’un des plus anciens corps militaire au Monde toujours en activité.

L’Armée de libération divisée en deux et achevée lors de l’«Opération Écouvillon»

Nous sommes le 20 août 1953. Avec l’exil du sultan Mohammed Ben Youssef et de la famille royale, la lutte armée atteint son apogée. Plusieurs événements surviendront au Maroc. Mais la tension montante au sein de la résistance nationale poussera Mohamed Ben Abdallah Ben Taïeb Ben El Habib, alias Abbas Messaâdi, à quitter le Parti de l'Istiqlal pour rejoindre, avec Abdelkrim El Khatib, Abdellah Senhaji et Benaboud, l’Armée de libération nationale (ALN). Cette dernière a été fondée dans les années 50 par Abdelkrim El Khatib, El Ghali El Iraqi, Hassan Safieddine, Said Niâalat, Houcine Berrada et d’autres résistants, selon le témoignage du célèbre résistant Bensaid Ait Idder.

Des soldats marocains qui auraient pris part à la Guerre d'Espagne. / Ph. DRDes soldats marocains ayant pris part à la Guerre d'Espagne. / Ph. DR

Le 2 octobre 1955, l’Armée de libération nationale (ALN) lancera sa toute première opération contre l'armée française à Aknoul, Tizi Ouasli et Boured, soit dans la région de Taza et les montagnes du Rif. Les groupes de l'Armée de libération se sont alors déployés sur plusieurs fronts et ont livré des attaques coordonnées contre les postes des forces coloniales. Auparavant, «ils avaient reçu un entrainement militaire sous la supervision d’un certain Abdelkader Bouzar, un général algérien», raconte Bensaid Ait Idder.

Le 16 novembre 1955, avec le retour du sultan Mohammed Ben Youssef - futur roi Mohammed V- et sa famille de l’exil forcé, la question portant sur l’avenir de l’ALN se posera pour la première fois. Certains de ses membres annonceront déjà leur détermination à ne pas rendre les armes tant que la souveraineté du Maroc sur l’ensemble de son territoire n’est pas encore achevée.

Ces résistants partiront combattre l’Espagne au Sahara et feront, en février 1958, l’objet d’une intervention militaire menée conjointement par la France et l'Espagne et baptisée «Opération Écouvillon» pour la pacification de la rébellion au Sahara occidental.

Une armée hétéroclite de résistants, de goumiers et nouvelles recrues

Le 14 mai de l’année suivante, le roi Mohammed V annonçait la création des Forces armées royales (FAR). «Forces auxiliaires, goums, tirailleurs marocains et autres méhallahs, spahis, issus des armées françaises et espagnoles fusionnent et deviennent, avec leurs officiers marocains et le maintien de certains officiers français et espagnols, la base des Forces armées royales (FAR) en souvenir de la Royal Force- RAF- pendant la guerre 1939-1945», raconte Maurice Buttin dans son ouvrage «Hassan II, de Gaulle, Ben Barka. Ce que je sais d’eux» (édition Karthala, 2010).

«Cette armée reçoit du matériel américain, en échange de cinq bases, notamment à Kénitra, l’ex-Port Lyautey sous le Protectorat. Un troisième élément dans la formation des FAR provient de l’incorporation non sans difficultés des membres de l’Armée de libération marocaine.»

Maurice Buttin

Des goumiers marocains arrivant en Provence en 1944 lors de la Deuxième Guerre moindiale. / Ph. DRDes goumiers marocains arrivant en Provence en 1944 lors de la Deuxième Guerre moindiale. / Ph. DR

Dans un article datant du 23 mars 2015 du Centre Al Jazeera pour les études, Said Essaddiki rapporte que les FAR ont été créées pour la défense du Royaume, mais ont été autorisées à contribuer au maintien de l'ordre public dans certaines conditions. L'armée marocaine a été formée au début de sa création, à partir d'une combinaison de trois sources différentes, détaille-t-il.

«Tout d'abord, le recrutement de nouveaux éléments appartenant à différentes classes de la société. Ensuite, l'annexion de l'Armée de libération (nationale, ndlr), créée par le mouvement de la résistance, en particulier dans le nord, la région montagneuse du Rif et dans les montagnes centrales du Moyen Atlas. Enfin, l'intégration des soldats marocains ayant été recrutés dans les armées coloniales française et espagnole.»

Said Essaddiki

C’est en mars 1956 que les accords franco-marocains établissaient le cadre d’une coopération bilatérales pour la création des FAR. «Mohammed V, le sultan du Maroc, créerait une armée nationale que la France aiderait sans sa mise en place», rapporte le site d’al Jazeera. En avril de la même année, un autre document est publié pour réglementer la fusion des unités marocaines de l'armée espagnole avec les Forces armées royales. Des fusions qui constitueront, toujours selon Al Jazeera, le noyau dur des FAR. «Cette troisième catégorie, issue des armées française et espagnole coloniale, a formé l'épine dorsale de l'armée marocaine, en raison de sa formation avancée et son expérience précédente sur le terrain, tant à l'intérieur qu’à l'extérieur du Maroc (…) Elle était aussi la plus influente en raison de ses grades élevés hérités de la scène coloniale», poursuit la même source.

Armée et pouvoir, l’histoire tumultueuse

Cette dernière affirme qu’il semblerait que les différents accords conclus entre le Maroc et les deux forces coloniales insistaient sur l’intégration d'anciens soldats dans les FAR. Un fait historique qui n’aurait pas été démenti par le roi Hassan II. Une conclusion élaborée à partir des déclarations du monarque à propos du général Mohamed Oufkir. «On peut dire que Oufkir nous a été imposé mais il n’était pas le seul officier marocain ayant servi dans les rangs des forces armées françaises. A notre retour de l’exil, le 16 Novembre 1956, on l’avait retrouvé à notre descente de l'avion pour nous saluer. Il avait ensuite pris sa place à côté du conducteur de la voiture comme étant l'un des officiers nous accompagnant et le lendemain, nous l’avons trouvé dans les rangs de la Garde royale», déclare feu le roi Hassan II, cité par le Centre Al Jazeera pour les études.

Le prince Moulay Hassan, en uniforme militaire, en compagnie du général Kettani Benhamou. / Ph. DRLe prince Moulay Hassan, en uniforme militaire, en compagnie du général Kettani Benhamou. / Ph. DR

De son côté, l’universitaire Saïd Haddad revient quant à lui, sur les relations entre l’histoire de la relation entre le Palais royal et les Forces armées royales. «Malgré la mainmise du [Palais royal] sur l’institution militaire, les relations entre le pouvoir politique et les FAR ont connu depuis l’indépendance plusieurs phases allant du rôle du contrôle social et de police au service de la monarchie à la suspicion et la défiance après les tentatives d’assassinat avortées contre le roi Hassan II (1971 et 1972)», analyse-t-il.

«La prééminence totale du pouvoir royal sur la hiérarchie militaire se manifestera par la suite à travers l’exercice par le roi des postes de ministre de la Défense et du poste de chef d’état‐ major, le roi ne déléguant que certaines compétences au premier Ministre. La reprise en main de l’appareil militaire fut également facilitée par le dossier du Sahara occidental (…) qui permit au monarque de trouver un exutoire aux forces armées qui délaissent ainsi la scène politique marocaine.»

Saïd Haddad

Un engagement à l’international

Mais dès le début du règne du roi Mohammed VI, la confiance se serait renforcée entre la monarchie et l’armée, commente Said Essaddiki. Pour illustrer cette idée, il cite notamment les «nombreuses initiatives pour améliorer la situation financières des éléments des FAR, et leur protection juridique et morale». L’occasion aussi de citer la «grande parade militaire le 14 mai 2014», organisée 25 ans après son interdiction par feu le roi Hassan II à cause des deux coups d'Etat ratés du début des années 1970.

Le roi Mohammed VI en visite à l'Hôpital de campagne des Forces armées royales déployé à Juba en février 2017. / Ph. MAPLe roi Mohammed VI en visite à l'Hôpital de campagne des Forces armées royales déployé à Juba en février 2017. / Ph. MAP

Aujourd’hui, les FAR sont aussi la fierté du Maroc à l’international puisque plusieurs de ses éléments sont engagés dans des missions onusiennes destinées au maintien de la paix dans le monde. Quatre ans seulement après la création des Forces armées royales, le Maroc avait dépêché certains des éléments en République du Congo qui venait d’arracher son indépendance, dans le cadre de la mission menée par l’ONU. Une mobilisation qui se poursuivra au fil des années. Selon l’ONU, au 31 août 2016, un total de 1 607 soldats marocains étaient mobilisés dans le cadre des différentes missions de maintien de paix dans le monde. A signaler aussi qu’ils seraient près 40 soldats marocains des FAR ayant sacrifié leurs vies pour la paix mondiale.

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