Samedi 28 mai, le complexe sportif Mohamed V de Casablanca a accueilli les championnats du Maroc de judo par équipe. Se sont affrontées des équipes masculines et féminines venant de tout le Maroc, et même au delà : Certains judokas marocains sont venus de France pour participer à ce tournoi, au sein de l'équipe Mouloudia de Sala Al-Jadida. Son fondateur, Adil Belgaid, ancien champion d'Afrique de judo et neuvième au Jeux Olympiques en 2004, explique qu'il a voulu mélanger entre Marocains de Salé et de France. Ce mélange a fait fureur : les clubs de Rabat, Salé et Casablanca, qui dominent le judo au Maroc, n'ont pas fait le poids, ni face à l'équipe masculine, ni face à l'équipe des femmes de Belgaid.
L'équipe féminine de Mouloudia n'a subi qu'une seule défaite dans les 5 combats de la finale contre le club d'Oujda. Chez les hommes, le vice-champion du Maroc en individuel (catégorie des - de 100 kg), Sidi Mohamed Aouidate, a scellé la victoire en finale contre Top Gym de Casablanca. Après 5 combats sur 7, son équipe menait 3:2. En mettant à sol son adversaire avant même la fin du temps règlementaire, Sidi a offert le trophée à son équipe.
La victoire au Maroc, pour ensuite défendre les couleurs nationales aux JO 2012 ?
Sa joie, et celle de l'équipe, était grande, mais la victoire n'était pas la seule chose qui le préoccupait lors de ce tournoi. Pour lui, comme pour Ayoub Bourassi et Hamza Belgaid, tous deux champions du Maroc dans leurs catégories respectives, l'avenir dans le sport à haut niveau est en train de se jouer. Après leurs excellents résultats lors des championnats du Maroc en mars, tous trois ont opté pour le Maroc, alors qu'ils possèdent aussi la nationalité française. «C'était le choix du cœur, et celui de mes parents», explique Sidi Aouidate. Pareil pour Ayoub Bourassi, qui ajoute que «par ce choix patriotique, on s'est rapprochés du Maroc».
Leur objectif à tous les trois, c'est la participation aux Jeux Olympique à Londres en 2012 pour y défendre les couleurs marocaines. Le potentiel pour y arriver, ils l'ont, estime notamment Adil Belgaid, en connaissance de cause. Pour une préparation adéquate, ils savent ce qu'il leur faudrait : un entraîneur, des stages intensifs, et participer à des tournois. Sans oublier une aide financière, car dans le haut niveau, on ne peut pas se permettre de travailler à côté.
Sans soutien de la Fédération, l'avenir sportif est sombre
Pour avoir ce soutien, les judokas se sont adressés à la Fédération royale marocaine de judo. Un programme olympique de haut niveau a été mis en place pour préparer les sportifs marocains aux JO 2012, bourses et programme d'accompagnement inclus. Pourtant, depuis qu'ils ont officiellement opté pour le Maroc en mars dernier, ils n'ont pas encore intégré ce programme, et ce n'est pas faute de le vouloir. Résultat : ils sont en train de vivre une course contre la montre, et leur avenir dans le judo professionnel est en jeu.
Dans un premier temps, le choix du Maroc leur a fait perdre le soutien de la fédération française de judo. Pour Ayoub et Sidi, qui s'entrainent tous deux à Paris, ce soutien était autant financier que dans l'encadrement. Tous deux ont aujourd'hui des difficultés à joindre les deux bouts. Ayoub Bourassi, étudiant, niveau master 2, en audit et finances à la Sorbonne, fait actuellement un stage. La bourse du Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) et l'indemnité de stage ne suffisent même pas à payer son loyer à Paris. Sidi Aouidate est obligé de donner des cours de judo à côté. Les deux reçoivent de l'aide d'Adil Belgaid, de proches, et surtout de leurs parents. Ils tiennent beaucoup à les remercier, mais la situation n'est pas facile a vivre, ni pour eux, ni pour leurs parents.
Parmi les aspects qui les inquiètent aujourd'hui figure la prise en charge médicale. Qui les prendrait en charge en cas de blessure ? Autre préoccupation majeure pour eux, la participation aux tournois internationaux. Ils dépendent beaucoup de la Fédération pour pouvoir combattre à l'international, et récolter des points qui les mèneraient aux JO. Ils s'entraînent et montrent de bons résultats au Maroc. Pourtant, «si nous devons participer aux championnats du monde à Paris sans préparation à temps plein, on va se faire massacrer», explique l'un des deux.
Le message est clair : pour porter haut les couleurs nationales, ils ont rapidement besoin de soutien. Sinon, leur avenir dans le sport à haut niveau est plus qu'incertain. «Peut-être qu'il faudrait même que j'arrête le judo», explique Ayoub, qui va se marier en juillet. Pour le moment, l'espoir persiste. Du côté de la fédération, l'ancien directeur technique national, El Arbi El Jamali, assure qu'il veut aller de l'avant, être constructif. Une déclaration que les judokas MRE voudraient prendre au mot.