Après ses sorties médiatiques sur France 24, sur les antennes de France 2 et dans le journal Le Monde, le prince Moulay Hicham s’est encore exprimé dans les colonnes de L’Express dans son édition du 11 mai (repris par demainonline.com) pour donner son point de vue sur des questions brûlantes de l’actualité, notamment le printemps arabe, sans oublier les chantiers de réformes du Royaume.
Le prince s’est d’abord prononcé sur les circonstances de la mort d’Oussama Ben Laden qui, selon lui ne confèrent nullement au chef d’Al Qaida le statut de mythe car «il a perdu son ascendant, dès 2004, lorsque les opinions ont pris conscience que ses victimes étaient pour la plupart musulmanes».
L’absence de revendications religieuses dans les mouvements de révoltes qui secouent le monde arabe ne surprend pas outre mesure Moulay Hicham «parce qu’il s’agit d’un mouvement citoyen ! Ses jeunes animateurs récusent à la fois l’autoritarisme des régimes en place et le discours idéologique des islamistes. Ils ne veulent ni despotisme, ni théocratie». De même, précise t-il, «ils appartiennent à une génération mondialisée, post-idéologique, qui privilégie l’autonomie du sujet et de l’individu. Elle refuse le repli identitaire, islamiste ou pas, et aspire à épouser des valeurs universelles».
La sacralité du roi ne rime pas avec démocratie ?
Evoquant le cas du Maroc, il s’est voulu d’emblée clair. «La 'sacralité' n’est pas compatible avec la démocratie». Non sans étayer ses propos : «On peut concevoir que la personne du roi soit inviolable parce qu’il est le représentant de la nation. On peut conserver une commanderie des croyants si celle-ci est dotée d’une dimension morale, un peu comme la reine d’Angleterre est chef de l’église d’Angleterre et defender of the faith. Mais il faut renoncer au caractère sacré de la personne du roi».
Cependant, il reste très dubitatif quant à une probable suppression de cette sacralité, évoquant notamment les limites de la commission consultative sur la révision de la constitution à proposer une telle décision. «(…) La monarchie marocaine a compris l’ampleur du défi même si elle peine à y répondre. La commission est consultative. C’est le roi qui tranchera», fait t-il remarquer.
Aussi, le prince prend le contre-pied de ceux qui souhaitent la mise en place d’une assemblée constituante au Maroc. Une proposition qu’il juge «irréaliste» et qui risque de porter un coup fatal au régime en place, puisque «cela signifierait la fin du régime. Historiquement, les assemblées constituantes servent à consommer la fin d’un régime».
Instauration d’un exécutif bicéphale
Pour montrer son désapprobation sur l’instauration d’un exécutif bicéphale, Moulay Hicham a insisté sur le caractère particulier de la monarchie marocaine comparée au système français ou cette mesure est en vigueur. «En France le chef de l’Etat et le Premier ministre sont l’un et l’autre issus de la souveraineté populaire. Au Maroc il y a deux légitimités, celle des urnes et celle de la tradition». D’ou l’impossibilité de «transposer la logique et la philosophie de la cohabitation et du domaine réservé». Donc il urge, selon le prince de « tourner la page, et le faire sans ambiguïté. Le Maroc doit s’inspirer des expériences des monarchies européennes tout en préservant ses traditions et sa culture». Il reste convaincu qu’ «un changement dans le cadre d’une monarchie réformée représente la solution la moins coûteuse pour le Maroc».
Réformes de la constitution
De même le cousin du Roi a souligné que le projet de reformes constitutionnelles représente «un défi énorme sans précédent». C’est un tournant décisif. «Soit la réforme tourne court car elle ne va pas assez loin, et la contestation continuera. Soit le roi choisit d’aller au bout du processus, mais dans ce cas il risque de se voir demander des comptes, en particulier sur les choix de son entourage» . Toujours à en croire Moulay Hicham, ces changements ne doivent pas se limiter à «définir l’équilibre des pouvoirs et donner une dimension morale à la commanderie des croyants» ils doivent aussi régir «un cadre légal et rationnel» pour «l’ensemble des activités de l’Etat».
Par ailleurs, le prince a évoqué ses rapports avec le Roi Mohamed VI. Ses rencontres avec ce dernier sont rares. «Depuis dix ans, je ne me suis pas rendu qu’une seule fois au Palais royal. Je n’ai vu le roi que deux ou trois fois, lors de réunions de famille», affirme t-il.