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Interview  

Hicham Lasri, réalisateur de Bissara Overdose : Le web, un far-west à reconquérir

Après «No vaseline Fatwa», la première saison de «Bissara Overdose» de Hicham Lasri enchaîne dans une nouvelle forme cinématographique, celle de la web-série. Cette nouvelle expérience apporte un nouveau bol d'air dans l'arène médiatique marocaine. Interview avec un réalisateur du 7ème art qui n’a pas peur d'explorer les nouvelles frontières du cinéma.

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Après des études juridiques et économiques, Hicham Lasri choisit l'abstraction du langage cinématographique et se lance dans l'écriture. / Ph. Facebook
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«No Vaseline Fatwa» est passée pendant le mois de Ramadan, est-ce un substitut à la télévision marocaine ?

C’est la première fois qu’on me pose cette question. Absolument pas, ce qui m’intéresse dans le net, c’est un nouveau territoire, un nouvel horizon pour moi en tant qu’écrivain, romancier, essayiste et cinéaste. J’ai beaucoup travaillé pour la télévision, l’idée n’est pas de remplacer mais d’aller autre part. Ce n’est pas le même public, pas les mêmes moyens économiques et intellectuels, il s’agit de proposer quelque chose qui n’est ni télévisuel ni cinématographique.

Qu’est-ce que la web-série, pour vous ?

C’est une nouvelle écriture et manière de raconter les choses et les archiver. Ce qui est intéressant dans un film, c’est une vision du monde. Dans mes films à l’exemple de «Starve your dog» sur El Basri ou «C’est eux les chiens», on narre un moment de l’Histoire du Maroc qu’on n’a pas envie ou qu’on a peur de montrer. Le web est pour moi une manière de montrer l’identité marocaine, avec ses qualités, ses imperfections et son contexte et d’en faire autre chose que de la démagogie, du story-telling. Narrer est fondamental chez l’humain, c’est un besoin qui effarouche parfois. A la télé, les contraintes sont telles qu’on ne peut pas parler comme dans la rue, ce n’est même pas de la censure mais une perception de la société.

Internet, c’est donc un espace de liberté que la télé ne permet pas ?

A la télé, on s’invite chez les gens et on doit respecter leurs usages. On ôte ses chaussures sales, avant d’entrer. Mes films passent au cinéma et non à la télévision, difficilement encore au Maroc, car je ne trouve pas de distributeur, c’est pour cela que je collabore avec l’Institut français ou l’Association française des cinémas d'art et d'essai où le public est cinéphile et plus exigent. Par contre, tout le monde peut accéder au web, voir et commenter, c’est ce que je trouve génial : je peux voir les réactions des gens, leurs commentaires constructifs ou non et tâter le pouls de la société.

Quand j’ai sorti la série «Khal Ras» qui relève plus du documentaire de création, des gens se sont mis en colère, car il ne fallait pas dire de gros mots. Avec «Bissara Overdose», c’est différent, car il y a un public féminin important et c’est un projet post-féministe qui se partage plus facilement, car il n’ y a pas d’insultes. Pour mon prochain projet, je prends en compte toutes ces observations, maintenant que je sais que les web-séries se partagent moins quand il y a des gros mots.

Comment se présente la web-série économiquement ?

Je produis avec mes propres moyens. Ce qui compte, c’est l’écriture, une manière d’appréhender, le média, le médium et la réception. Pour des projets comme celui-là, avec un cumul d’expériences, je n’ai pas besoin de grand monde autour de moi pour le réaliser. On est moins nombreux, ça coûte moins cher et nous pouvons donc marcher loin des sentiers battus. C’est le cas également de mes derniers films qui ont été financés à posteriori de l’étranger, pour aller vite, être libre et ne pas attendre. Ce projet est plus une émanation personnelle, un acte poétique, il n’ y a pas de recette mais il y a la réaction des gens et de la presse. Malheureusement on est dans un pays, où lorsqu’on montre la lune, les gens regardent le doigt.

Les web-séries, un nouveau format prometteur

Afin de cerner le concept dérivé que représente les web-séries, François Jost, professeur émérite à la Sorbonne et directeur de la revue télévision les place dans un contexte bien précis : « Les web-séries ont d’abord été subventionnées par des marques. Une des premières The Cell, qui racontait l’histoire d’un prisonnier ayant un téléphone cellulaire, sponsorisée par une marque de téléphone ».

A propos du développement des web-séries, le chercheur le rattache à la possibilité qu’ont tous les amateurs de filmer et monter très facilement grâce au développement des outils numériques. La web-série permet une grande liberté et permet de se faire repérer par des chaînes de télé , ajoute-t-il. Sur le plan financier, il explique que « certaines séries qui n’existent que sur le web sont financées par des plateformes (House of cards, Netflix), alors que d’autres passent peu à peu sur des sites de télé au web ».

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