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Grand Angle

Changements climatiques et droits humains au Maroc : Un vide juridique et pénal en matière de protection de l’environnement

L’Organisation marocaine des droits de l’homme (OMDH) et le mouvement «Anfass démocratique» ont organisé mercredi à Marrakech, en marge de la COP22, une conférence de presse sur «les changements climatiques et les droits de l’homme». Ils sont revenus sur les déplacements transfrontaliers et les droits des réfugiés climatiques, les attentes de l’Accord de Paris ainsi que l’arsenal juridique du Maroc en matière de protection des droits de l’homme. Compte-rendu.

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’Organisation marocaine des droits de l’homme (OMDH) et le mouvement « Anfass démocratique » ont organisé en marge de la COP22 une conférence de presse sur « les changements climatiques et les droits de l’homme ». / Ph. Yassine Benargane
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Déplacements internes et transfrontaliers à cause des changements climatiques, implications des entreprises et arsenal juridique du Maroc en matière des droits de l’homme étaient au cœur du débat organisé mercredi soir par l’Organisation marocaine des droits de l’homme (OMDH) et le mouvement «Anfass démocratique». Une rencontre autour de la thématique «des changements climatiques et les droits de l’homme» à laquelle plusieurs intervenants ont été invités, avec un débat modéré par Boubker Largo, président de l’OMDH.

C’est Jean-Paul Cavalieri, représentant du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) au Maroc, qui a ouvert le débat, abordant les questions liées aux réfugiés, aux changements climatiques et aux droits de l’homme. «Chaque année depuis 2008, plusieurs millions de personnes ont été contraintes de se déplacer à cause des catastrophes naturelles», a-t-il indiqué. «L’Accord de Paris prévoit la création d’un groupe de travail au sein du mécanisme international de Varsovie pour élaborer des recommandations visant à prévenir, atténuer et traiter les déplacements liés aux changements climatiques», a-t-il rappelé. Toutefois, sur le terrain, la situation reste déplorable. Jean-Paul Cavalieri a souligné la nécessité d’impliquer au préalable les populations les plus vulnérables, mais aussi les populations hôtes. A cette occasion, il a évoqué la plateforme sur les déplacements environnementaux nouvellement créée. «Le Maroc est l’un des 15 Etats fondateurs de cette plateforme, sorte de think tank pour réfléchir sur les questions de changements climatiques et le déplacement des populations.»

Si dans le cas des déplacements internes, le droit national s’applique et les Etats deviennent alors responsables de la protection des citoyens, dans le cas des déplacements transfrontaliers, les responsabilités sont différentes et se voient compliquées par des lacunes juridiques, a déploré Jean-Paul Cavalieri. «Ces déplacements requièrent des partenariats solides pour combler le fossé entre l’action humanitaire et le développement», estime-t-il.

Pour sa part, le professeur universitaire Ahmed Bourari a enchaîné sur l’Accord de Paris et ses apports. «Cet égard n’est qu’une sorte de contrat avec 29 clauses qui, juridiquement parlant, n’est pas contraignant comme on pourrait le croire. C’est bien plus un contrat moral qui engage les parties à faire le possible et même l’impossible», a-t-il dit. Ahmed Bourari s’est également attardé sur le financement prévu par cet accord et ses modalités, avant d’expliquer à l’auditoire l’objectif de ce financement pour les pays du sud et ceux du nord. «Pour les pays du sud, il s’agit d’adapter les économies pour résister aux changements climatiques. Pour les pays développés, le financement intervient dans le but d’atténuer les effets de ces changements», renchérit-il.

La protection pénale de l’environnement entravée par plusieurs facteurs

Or, «l’argent ne règle pas tout, en l’absence des compétences et des ressources humaines», prévient-il. «L’élément humain est indispensable.» Et de conclure en notant l’importance de la société civile et son rôle. «Il est important de renforcer le positionnement de la société civile dans les réseaux internationaux», dans le but de prendre part à cette dynamique pour le climat.

Après une première partie marquée par un discours assez conventionnel, Mohamed Bouzlafa, également professeur à l’Université Mohamed Ben Abdellah de Fès, a pointé du doigt l’arsenal juridique marocain en matière de protection de l’environnement. «La terre pourrait-elle être protégée avec des accords ou des rencontres de haut-niveau ?», s’est-il interrogé. Dans la réponse qu’il a apportée à cette question, Mohamed Bouzlafa a d’abord mis en exergue l’impact de l’environnement sur l’ensemble des droits ainsi que les disparités existants entre pays et entre souches au sein d’une même société. «Les enfants et les personnes les plus âgées sont plus impactés que les autres par les changements climatiques», a-t-il déclaré.

Après cette introduction générale, le professeur universitaire a passé en revue les dispositions du Code pénal marocain et des lois en matière de protection de la nature au Maroc. «Le législateur marocain fait un choix matériel», a-t-il conclu. Il a noté qu’en matière d’évolution des textes et des lois, les peines en cas d’atteinte à l’environnement n’ont pas évoluées, parallèlement aux amendes prévues qui, elles, ont progressé de façon assez remarquables. Il a également évoqué la «police de l’environnement» en soulevant plusieurs questions sur son rôle et les mécanismes mis en place pour qu’elle puisse assurer pleinement ses missions. «Au Maroc, même la procédure de réconciliation entrave les objectifs réels pour une protection pénale de l’environnement», a-t-il regretté.

Absence de législation spéciale aux entreprises pour protéger la planète

Pour sa part, l’avocat et membre du Conseil exécutif de l’OMDH Fahd El Ouazzani a noté l’implication des entreprises dans les droits de l’homme et dans la protection de l’environnement, notamment. «L’entreprise joue un rôle considérable sur la réalisation des droits de l’homme, comme l’emploi et la sécurité sociale. Elle peut avoir un impact négatif sur les droits de l’homme à travers des actions nuisibles à l’environnement», a-t-il expliqué.

«Existe-t-il des mécanismes ou instruments propres aux entreprises dans le cadre de l’équation ‘droits de l’homme et changements climatiques’ ?» a-t-il questionné, avant de conclure qu’«il n’y a pas d’instruments spécifiques aux activités des entreprises dans ce cadre». Puis d’ajouter : «Les traités internationaux en matière des droits de l’homme n’imposent pas d’obligations juridiques directes à des acteurs de droits privés.» Une situation face à laquelle le Conseil des droits de l’homme avait approuvé en 2011 une série de principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. «Des obligations sur la base des traités internationaux», a-t-il précisé.

Et de conclure qu’en l’absence de législation spéciale aux sociétés commerciales, obligeant de respecter les droits de l’homme de manière générale et le droit à l’environnement en particulier, il est recommandé, dans le cadre de la COP22, que le protocole qui verra le jour mette en place un mécanisme international doté de pouvoirs clairs et précis relatifs à la question des entreprises et des droits de l’homme de manière générale et plus spécialement les droits environnementaux.

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