Alors qu’il interdisait vendredi dernier aux membres et sympathisants de son parti de sortir manifester aux côtés de citoyens marocains, le chef du gouvernement et secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD) s’est exprimé sur le décès de Mohcine Fikri lors d’une déclaration accordée à l’agence de presse allemande Deutsche Presse-Agentur. L'interview a ensuite été reprise par plusieurs médias à l'instar d'Al Quds Al Arabi. Des propos à travers lesquels il sort, encore une fois, le joker de l'institution monarchique pour réfuter tout manque à son devoir en tant que chef de l'exécutif.
Abdelilah Benkirane a estimé que les manifestations qui ont eu lieu dimanche 31 octobre dans plusieurs villes du royaume traduisent une «sorte d'expression de solidarité avec l'histoire de ce jeune homme pour demander des comptes aux responsables de cet incident tragique». Celui-ci d’ajouter : «C’est l'état d'esprit qui prévaut lorsqu’il y a un événement douloureux, comme c’est le cas avec ce drame. Lors des premiers instants, l'opinion publique ne sait pas si le responsable est une personne ou un département spécifique. Généralement, ce sont les fonctionnaires de l’Etat qui sont blâmés.»
«Les manifestations sont intervenues dans un cadre normal, ce n’est pas surprenant. Elles sont même tout à fait compréhensibles. Dieu merci, elles se sont déroulées dans le calme, la sécurité et la stabilité», ajoute Abdelilah Benkirane. Toutefois, le patron de la Lampe a déploré la présence de drapeaux amazighs et d’appels «séparatistes» lors de ces protestations. Il y voit une démarche dont le but est d’«impliquer cette affaire dans un cadre de discrimination régionale». «Ces voix ne sont que minoritaires mais, malheureusement, elles ont souvent tendance à se faire entendre», a-t-il estimé, avant de rappeler que «la question amazighe concerne tous les Marocains».
«Je refuse qu’on me reproche de ne pas avoir réagi»
Le chef du gouvernement a reconnu l'existence, depuis sa nomination en 2011, de dysfonctionnements au sein de l'administration marocaine, laissant croire que l'un d'entre eux serait peut-être la raison d’un tel incident. L’occasion pour lui de souligner que la tâche principale et primordiale de son prochain gouvernement sera d’aborder ces dysfonctionnements, «toujours sous les directives du roi Mohammed VI». Et de déclarer à ce sujet :
«Les dysfonctionnements de l'administration marocaine sont connues. Le roi lui-même les avait pointés du doigt lors de son discours devant le Parlement, ce qui nous amène à penser qu’il s’agit là de l’une des premières directives adressées au prochain exécutif.»
L’occasion pour lui également de se défendre et d’épingler ceux qui l’avaient accusé de ne pas avoir réagi rapidement après le décès de Mohcine Fikri. «Trois anciens ministres ont été dépêchés pour présenter les condoléances à la famille du défunt. Je refuse donc qu’on me reproche de ne pas avoir réagi», s’est-il défendu. Il précise également qu’il n’est pas resté «silencieux dans le cadre de cette affaire puisque le roi avait donné ses instructions, que nous avons ensuite mises en œuvre. Dans le cadre d’une affaire où le roi donne ses directives, le gouvernement ne peut pas intervenir de manière directe et indépendante puisqu’il considère que le roi a fait ce qu’il fallait faire».
Minimisant son rôle et ses responsabilités, Abdelilah Benkirane déclare que «le roi au Maroc est le chef de l'Etat, le chef de l’administration et le chef du gouvernement. Je ne suis qu’un membre de son conseil des ministres». Il a ensuite estimé qu’il est «peut-être difficile pour certaines personnes à l'extérieur du Maroc de comprendre», expliquant que «le roi dans notre pays, en plus de son statut juridique et de sa position religieuse, dispose d’une grande place dans le cœur et l’esprit de tout le monde».
Concernant des incidents qui se seraient produits lors de ces manifestations et des slogans qui auraient appelé à sa démission, le chef du gouvernement rectifie le tir en accusant ses détracteurs. «C’est connu que certains opposants mécontents profitent de ce genre d’occasions pour attaquer ma personne. Ceux qui étaient présents lors de ces manifestations ont été sans doute motivés par ces personnes-là», conclut-il sa déclaration.