Alors que l’enquête menée par les services compétents sous la supervision du procureur du Roi près la cour d’appel d’Al Hoceima est toujours en cours, plusieurs versions sur l’élément déclencheur du décès de Mohcine Fikri sont évoquées. Hier, nos confrères de Noonpress sont partis à la rencontre d’Abdelkader Dahmane, 47 ans, président de l’association des pêcheurs au port d’Al Hoceima.
«Nous sommes les oubliés de la loi marocaine», commence-t-il son récit, affirmant que plusieurs pêcheurs sont privés de papiers qui attestent de leur activité depuis plusieurs années. «A chaque fois que nous demandons des papiers, le chef de service ou la délégation de la pêche nous disent qu’il y a des procédures et de la paperasse à fournir. Même le gasoil pour nos bateaux, on le ramène depuis le centre de la ville», s’indigne-t-il. L’occasion pour lui de rappeler que ces pêcheurs doivent en bénéficier «puisqu’il est subventionné par l’Etat».
Revenant sur la cargaison d’espadon, qui serait à l’origine de l’arrestation puis du décès de Mohcine Fikri vendredi 28 octobre, il assure que «le poisson n’a pas été pêché de manière illégale», avant de poursuivre qu’«il n’a pas été volé non plus».
Abdelkader Dahmane impute publiquement la tragédie d’Al Hoceima à Charaf Mohamed, le chef du service de la Pêche maritime au port d’Al Hoceima. «Il a dit que la pêche de cette espèce était illégale mais il ne nous en a pas informés. Il n’y a ni pancarte ni affiche pour signaler l’interdiction», dit-il dans la vidéo postée par Noonpress.
De nouvelles révélations
Il souligne également que les pêcheurs artisanaux sont surveillés et filmés par ce responsable depuis trois jours. «Il ne guette que les pauvres et il est responsable de la mort de Mohcine Fikri. Je le dis et le répète», insiste-t-il.
Selon ce pêcheur, ce n’est pas la première fois que le jeune marchand de poisson est arrêté et que sa cargaison lui est confisquée. «Avant Ramadan, c’était la période de la pêche des thons rouges. Ce monsieur avait saisi à Mohcine l’équivalent de près de 8 millions de centimes de poisson ainsi que sa voiture», se souvient-il. Selon lui, le trentenaire aurait dépensé au total près de 21 millions de centimes dans le cadre de cette première histoire. Le chef de service aurait exercé une «pression sur les autorités pour arrêter la voiture de Mohcine en affirmant que le poisson acheté ne disposait pas d’une autorisation», poursuit Abdelkader Dahmane. Il aurait également «ramené un camion de Pizzorno Environnement (l’entreprise chargée de la gestion des déchets à Al Hoceima, ndlr). C’est ainsi que le drame s’est produit», avance-t-il.
Le chef du service de la Pêche maritime, qui fait l’objet de plusieurs plaintes déposées par les pêcheurs, «menaçait et abusait de son pouvoir», rapporte le président de l’association des pêcheurs au port d’Al Hoceima.
Quant à l’espadon supposé interdit de pêche pour la saison, notre interlocuteur montre une autorisation pour la pêche et la vente de cette espèce, qui serait même vendue sur un marché de poisson situé près du port de la ville. «Ici, nous n’avons ni Ceuta ni Melilla. Nous n’avons que la pêche et le poisson pour vivre. On ne va pas le jeter comme si c’était des ordures», assure-t-il. Il jure que Rachid Reguragui, le directeur régional de la Pêche maritime arrêté dans le cadre de cette affaire, ne serait qu’un «bouc émissaire», allant même jusqu’à revendiquer son innocence.
Ce jour-là, Mohcine Fikri n’avait pas l’intention de quitter le commissariat de la ville sans faire valoir ses droits, témoigne Abdelkader Dahmane, avant d’assurer qu’après s’être informé sur le responsable ayant dénoncé le défunt auprès des autorités, celles-ci ont cité le même homme. «C’est le chef du service de la Pêche maritime qui a appelé le camion-benne et qui est donc le véritable responsable de la mort de Mohcine», conclut-il son récit.