Menu

Interview

Législatives 2017 : « On ne peut pas me faire un procès en parachutage », explique M'jid El Guerrab

M'jid El Guerrab, Franco-marocain de 33 ans brigue la députation de la 9e circonscription des Français de l'étranger qui regroupe 16 pays du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest, aux prochaines élections législatives en 2017. Celui qui s'estime chevronné dans le combat politique aime à rappeler qu'il a flirté avec «les plus hautes instances de la République française». Interview. 

Publié
M'jid El Guerrab souhaite devenir le candidat PS pour les Français de l'étranger de la 9è circonscription / DR
Temps de lecture: 4'

Parlez-nous de votre programme. Quelles sont les principales problématiques des Français de l'étranger d'après vous ?

Il y a énormément de choses. On va travailler sur une plateforme programmatique avec l'ensemble des Français de la circonscription pour faire remonter les meilleures propositions. Il faut qu'elles soient vraiment issues du peuple de gauche. Le Parti socialiste a déjà créé un produit un projet fédéral dans le cadre de sa «Convention de la fédération des Français de l'étranger», c'est déjà une bonne matrice pour orienter les choses. Moi, j'ajouterais qu'il faut surtout que le regard de la République sur eux changent ; ils ont souvent le sentiment d'être des citoyens de seconde zone.

Pour formuler mes propositions, j'ai l'habitude de parler des «5 S» : déjà, la scolarité. Les frais que doivent dépenser les familles pour l'école de la république sont souvent exorbitants. Il faut une action forte pour essayer de trouver des propositions pour agir sur les charges dans les lycées et sur les coûts qui augmentent ces frais, déjà très élevés. Ensuite, il y a la santé. Il faut que la république permette un accès égal à tous les Français, qu'ils vivent ici ou à l'étranger. Troisième «S», la sécurité. Il y a déjà le dispositif «Ariane» (un service gratuit qui permet aux voyageurs français qui se rendent à l'étranger d'être contactés par les services consulaires en cas d'urgence, ndlr), mais je pense qu'on peut encore améliorer notre système de prévention, surtout dans les zones à risque. Il faut une vraie politique d’accompagnement des Français de l'étranger, notamment auprès du service public de la sécurité. Je parle aussi de la solidarité. Il existe plusieurs dispositifs pour la solidarité des handicapés pour des prestations sociales, entre autres. Il faut désormais réfléchir à une sorte de mutualisation et de la diffusion d'une bonne information pour que chacun puisse avoir recours à ce à quoi il a droit.

Enfin, il y a le sentiment d'appartenance. On doit travailler sur la contribution réelle des Français de l'étranger aux finances de l’État. Aujourd'hui, le coût de cette communauté dans le budget étatique s'élève à 800 millions d'euros chaque année, contre 600 millions d'euros en matière de contribution fiscale. Actuellement, je travaille sur un rapport prévu pour 2017 qui reprend un thème déjà abordé par le président de l'AFE (l'Assemblée des Français de l'étranger, ndlr), Marc Villard, sur leur contribution au budget national. On veut démontrer qu'ils ne représentent pas un coût, mais plutôt une valeur ajoutée, chiffres à l'appui.

Quelles sont vos chances d'être choisi comme candidat alors que vous êtes nombreux à briguer la députation, dont un proche de Manuel Valls et un autre de François Hollande ?

Je suis candidat car j'estime avoir une double légitimité. D'ordre politique, premièrement. Ça fait plus de 15 ans que je suis militant politique et associatif, notamment dans cette circonscription. Deuxièmement, une légitimité territoriale. Il faut avoir un ancrage local fort dans la circonscription dans laquelle on se présente ; c'est mon cas au Maroc et en Algérie. Celle-ci, en l'occurrence, compte environ 70 % de binationaux.

Surtout, je refuse qu'on dise que je suis le candidat d'un tel ou d'un tel. Je suis candidat militant et je serai celui des militants qui me choisiront. C'est ça que créé de la défiance par rapport à la République. On a l'impression de devoir être adoubé par une personnalité en particulier pour avoir une légitimité. 

En tout cas, j'estime avoir une forme de légitimité à passer du rôle de supporter à celui de joueur. Aujourd'hui, je veux mouiller le maillot. En 2012, j'aidais déjà François Hollande dans cette circonscription dans le cadre du déplacement de Martine Aubry au Maroc. Plus tôt, en 2006, j'avais rejoint l'équipe de Ségolène Royal pendant deux ans, puis celle de Jean-Pierre Bel (président du Sénat entre 2011 et 2014, ndlr). Depuis 2014, je suis cadre dirigeant à la Caisse des dépôts et consignations. Il y a à peu près deux semaines, j'ai été nommé conseiller auprès du premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis. Cet été, j'ai signé avec 40 personnes «l'appel des 41» publié dans le Journal du Dimanche sur l'organisation de l'islam de France.

Justement, vous évoquez dans cet appel une responsabilité des musulmans de France dans la fracture sociale qui se joue actuellement. Comment porter la responsabilité d'un crime que l'écrasante majorité d'entre eux condamne fermement ?

Nous, aujourd'hui, on ne dit pas qu'on a une responsabilité. Au contraire, on est sous injonction contradictoire. On nous dit qu'on doit parler au nom des musulmans, et quand on le fait, on nous demande pourquoi, on nous dit qu'on n'est pas républicains. Moi, je ne me suis jamais présenté en tant que musulman. Mais on voit bien ce qui se passe. Il y a deux radicalisations de plus en plus fortes : celle des jeunes musulmans de France, d'une part. Je vous invite d'ailleurs à lire le rapport de l'Institut Montaigne : 28 % des musulmans sont radicalisés en France. C'est hallucinant.

De l'autre côté, il y a une radicalisation de plus en plus manifeste chez les Français qui ne sont pas musulmans. On assiste à une libération de la parole raciste, antisémite même. En fait, on a fait cet appel pour dire qu'on est responsable de rien. Il y a d'autres raisons à cette fracture : le manque de mobilité sociale des jeunes, leur frustration et leur colère, le chômage, le fait qu'ils sont contraints d'opter pour des professions qui ne correspondent pas à leur niveau d'étude... Aujourd'hui, dans ce débat, ceux qui offrent une forme de discours cohérent, ce sont les discours religieux et extrémistes, les discours salafistes. Ils revendiquent une forme de pureté que la parole républicaine ne porte plus. Je pense qu'il faut des profils comme les miens, qui portent encore cet espoir républicain.

Votre bi-nationalité vous paraît-elle suffisamment légitime pour briguer la députation des Français de l'étranger pour la 9e circonscription ? N'est-il pas délicat de se faire le porte-parole d'électeurs (majoritairement bi-nationaux rappeliez-vous) dont on ne connaît le pays qu'à travers des séjours ponctuels...

Non, justement, c'est ce que j'explique dans ma profession de foi. Je fais partie de ces millions de Français qui ont un mode de vie pendulaire. Pendulaire, c'est-à-dire qui naviguent régulièrement entre la France et un autre pays. Ils sont de plus en plus nombreux que ceux qui résident de façon permanente dans la circonscription. Aujourd'hui, ces Français ne sont pas considérés comme des Français de l'étranger car ils ne sont pas inscrits sur les registres consulaires. Pourtant, ils existent bel et bien. Lorsque j’étais au Maroc pour ma société, je ne me suis pas inscrit sur ce registre. Cela ne m'empêche pas de connaître les problèmes de mes compatriotes, c'est-à-dire la santé, la scolarité, l'insécurité, les investissements financiers, sociaux, la justice. Ce sont des problématiques que je connais. On ne peut pas me faire un procès en parachutage. D'ailleurs, le candidat de la droite n'est pas résident dans la circonscription ; les autres candidats du Parti socialiste non plus.

Article modifié le 2016/10/23 à 23h15

Bonne...
Auteur : EL BAKI Mohamed
Date : le 28 octobre 2016 à 18h32
... chance tout simplement. A mon avis la bataille sera rude.
Kamile Attawfike.
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com