La polémique - élevée au rang d’«affaire» - du burkini est tombée à point nommé cet été. Ce n’est pas Nicolas Sarkozy qui dira le contraire. Et pour cause, lorsque les arrêtés municipaux anti-burkini ont commencé à pleuvoir dans une trentaine de communes françaises, le candidat à la primaire de Les Républicains (LR) s’est frotté les mains, lui qui voulait faire du thème de l’identité française - habituellement réservé au Front national - le noyau dur de sa campagne.
«Qui a alimenté la polémique ?», s’interroge aujourd’hui l’Obs, qui perce le rôle qu’a joué l’entourage de Nicolas Sarkozy dans cette affaire confinant presque à l’hystérie. «Au cours du week-end, il félicite par téléphone David Lisnard et Lionnel Luca [les maires de Cannes et Villeneuve-Loubet, qui ont pris les premiers arrêtés anti-burkini]», lit-on dès les premières lignes.
A partir du 16 août, trois des soutiens de l’ancien chef de l’Etat leur emboîtent le pas : Michel Py à Leucate, Natacha Bouchart à Calais et Daniel Fasquelle au Touquet. «Dans les Alpes-Maritimes, après les arrêtés pris isolément par les maires de Cannes, Mandelieu et Villeneuve-Loubet, un mouvement bien plus organisé se prépare.»
Le rôle du «détonateur» aurait été confié à Xavier Beck, maire de Cap-d’Ail (Provence-Alpes-Côte d’Azur, PACA), petite commune de 5 000 habitants qui jouxte Monaco. Ce dernier est plutôt bien épaulé : il est le «protégé» d’Eric Ciotti, qui n’est autre que le président du Conseil départemental des Alpes-Maritimes, rattaché à la région PACA… et porte-parole de la campagne de Nicolas Sarkozy pour la primaire de la droite.
«Le 16 août, il (Xavier Beck, ndlr) envoie son texte anti-burkini à la préfecture. […] Dans la foulée, quatre communes voisines de Cap-d’Ail prennent le même arrêté : Saint-Jean-Cap-Ferrat, Villefranche-sur-Mer, Beaulieu-sur-Mer et Eze.» Plusieurs édiles marchent ensuite dans son sillage en décrétant dans leur ville des mesures anti-burkini ; la machine est lancée.
Anonymat
La pression monte d’un cran auprès des maires du littoral qui n’ont pas encore pris ces arrêtés. Les plus réticents finiront par capituler devant ce qui s’apparente à un «combat» plus populiste qu’idéologue. Roquebrune, Théoule-sur-Mer, Saint-Laurent-du-Var : ces costumes de bains sautent un à un sur les plages. «Je lisais que le burkini était interdit partout ailleurs et je me disais : ces femmes vont toutes venir chez moi», témoigne Joseph Ségura, maire de Saint-Laurent-du-Var.
Le 19 août, c’est au tour de Christian Estrosi, patron de Nice (qui vole la vedette au vrai maire, Philippe Pradal), d’opter pour le sulfureux arrêté. «A contrecœur, tant il voit la main de son rival Ciotti derrière ce déferlement», devine l’Obs. Il reconnaîtra plus tard que «c’est un non-sens d’avoir pris ses arrêtés». Stéphane Cherki, maire d’Eze (PACA), exprime également les mêmes regrets : «J’ai peut-être fait une erreur».
Dans le département des Alpes-Maritimes, une douzaine d’arrêtés sont pris en une semaine. Des décisions qui, en amont, ne font officiellement l’objet d’aucun coup de fil, aucun mot d’ordre. Le maire de Menton (PACA), Jean-Claude Guibal, invoque des «fluides magnétiques» pour expliquer que tous aient senti la même urgence, au même moment, de signer le même arrêté, copié-collé de celui de Cannes. «Il nous faudra promettre l’anonymat pour que ce mensonge se fissure.»
«Oui, les maires se sont parlé. On nous a réclamé un soutien moral, il fallait montrer notre solidarité», admet un édile. «Bien sûr qu’il y a eu un donneur d’ordres», confie un autre élu.
Nicolas Sarkozy, lui, savoure sa victoire : en cette fin de saison estivale, le burkini est sur toutes les lèvres, quand la presse en fait ses choux gras.