Yabiladi.com : Vous dites être contre ces manifestations qui se tiennent au Maroc. Pourquoi ?
Réda Taoujni : Je suis contre ces manifestations du 20 février et celles qui ont eu lieu ces derniers jours parce que les contextes arabe et international ne sont pas favorables. Ces manifestations auraient dû se fédérer autour d'une plateforme avec des revendications objectives. Ce qui n’est pas le cas.
Le fait de se s’inspirer des exemples tunisien et égyptien n’est pas une raison valable. Au Maroc, on note déjà des répercussions négatives de ces manifestations. Notamment en ce qui concerne le secteur touristique. Depuis le 20 février, on note des annulations de voyages de touristes en raison de l’intérêt que les médias internationaux accordent à ces événements.
Vous êtes contre les manifestations en général ou contre des entités des mouvements du 20 février ?
Je suis contre les manifestations dans le contexte actuel et la manière dont elles se font, sans respect des lois en vigueur. On parle aussi de monarchie parlementaire, mais je crois que ce n’est pas le moment.
N’y a-t-il besoin de réformes néanmoins ?
Je suis pour ces réformes ! Notamment en ce qui concerne la justice, la lutte contre la corruption par exemple. Mais cela ne justifie pas de sortir dans les rues pour demander en vain ces réformes-là. D’autant plus que le roi lui-même a entamé des chantiers dans ce sens depuis des années. Bien qu’on note encore des retards dans leur concrétisation.
Ce «printemps arabe» n’est-il pas une occasion pour exiger ces réformes ?
Croire qu’il s’agit là d’un «printemps arabe» d’une démocratisation des pays arabes, c’est se mettre en danger. Vous savez, en Tunisie et en Egypte, ce n’est pas le peuple qui s’est soulevé en réalité.
En Tunisie, il y a eu un coup d’Etat maquillé en révolution populaire. Même si le premier ministre Ghannouchi est parti, le régime militaire qui gouvernait le pays est lui toujours là. La Tunisie est déstabilisée et elle en a pour des années. En Egypte, même si un dictateur est parti (Moubarak), le régime militaire qui était là depuis trente voire quarante ans garde les rênes du pouvoir. Où se trouve l’intérêt du pays dans tout cela ?
Où est donc cette démocratie ? Je dirais qu’il y a un projet américain à plus grande échelle pour réformer tous les pays arabes, pour soi-disant les démocratiser. Mais l’objectif est de les soumettre davantage, obéissant à un agenda précis des Américains et des pays occidentaux de façon générale.
Quelles actions comptez-vous mener pour montrer votre position ?
Nous souhaitons manifester mais pas contre le mouvement du 20 février. Nous avions décidé d’organiser des sit-in dans plusieurs villes marocaines mais en vain. Le ministère de l’Intérieur n’a pas donné son feu vert, évoquant des raisons sécuritaires. Néanmoins nous sommes en train de constituer des plateformes pour travailler sur la manière et la méthode adéquates de montrer au monde entier que le Maroc n’est pas concerné par ce qui se passe dans le monde arabe.