C’est en sa qualité de Commandeur des croyants que l’Association pour le Droit et la Justice au Maroc (ADJM) s’adresse au roi Mohammed VI dans une lettre ouverte -cosignée avec le professeur Michel Rousset, un constitionnaliste ayant travaillé au Maroc pendant plus de 30 ans- parvenue à notre rédaction ce mardi. L’ONG française en appelle au monarque quant à un phénomène «qui ternit l'image du Maroc et de ses institutions depuis de trop nombreuses années» : la spoliation immobilière. Rappelant que le Coran prône la protection des faibles et des victimes ainsi que le respect des valeurs morales et le bon sens, l’Association déplore le statu-quo, voire la dégradation de la justice pour les affaires de spoliations.
L’année dernière déjà, à la veille de la nuit du destin, l’ADJM avait lancé un SOS au roi qui avait suscité un fort intérêt médiatique. Mais pas seulement. Le Monarque y avait répondu en donnant des instructions au ministre de la Justice, Mustapha Ramid. Alors que le courrier de ce dernier leur avait redonné «un immense espoir et une énergie renouvelée pour continuer la lutte», l’association constate avec «une grande tristesse» que de nombreuses affaires de spoliations demeurent sans solution.
Une réalité qui soulève de nombreuses questions
L’ONG souligne la «souffrance» des MRE et des «amis du Maroc» face au dénigrement du Royaume à l’étranger due à «l'impunité dont bénéficie une poignée d'individus leur permet de continuer à agir au mépris de la justice». Appropriation d’héritage par des magistrats, comme le cas dans l’affaire San-Victor en procédure depuis 65 ans, vente de biens faisant l’objet de saisie conservatoire dont les cas sont «extrêmement nombreux», autant de travers relevés par l’ONG.
Aujourd’hui, estime l’ADJM, la réalité soulève plusieurs interrogations notamment quant au non aboutissement définitif des affaires de spoliation même lorsque «les faits sont parfaitement avérés, prouvés, incontestables». Dans plusieurs affaires en effet, les personnes reconnues coupables déposent des recours qui relancent les procédures pour des durées souvent indéterminées. L’ADJM évoque également la succession de plusieurs juges sur un même dossier, les reports systématiques d'audiences pour des raisons souvent infondées ou encore le fameux article 2 de la loi 39-08 portant code des droits réels, une loi «votée sur mesure et inique dont le but est de servir les intérêts des spoliateurs».
Noyade et asphyxie
L’autre préoccupation de l’ONG concerne la liberté des avocats de défendre les victimes. Elle souligne entre autres les menaces subies par Me Leghlimi Messaoud. Pour mémoire, ce dernier a déposé plainte contre X début mai après avoir découvert des pages Facebook où il était insulté à cause de son travail en faveur des victimes de la spoliation.
Pour l’association française, la manière dont les affaires de spoliation sont traitées en justice au Maroc relève de la «noyade et l'asphyxie» pour les victimes. «Noyade dans les procédures interminables et asphyxie financière qui en résulte et qui réduisent à néant les possibilités matérielles des victimes de poursuivre leur combat», explique l’ONG qui appelle le monarque à y mettre fin pour rétablir les détenteurs de biens immobiliers dans leur droit de propriété garanti par la constitution depuis 1962.