Il m’a été difficile d’imaginer une journée et surtout une nuit de l’Aïd aussi difficile. Dès la fin du cesser le feu dans l’après-midi, nous avons reçu les nouvelles inquiétantes et révoltantes de l’attaque aérienne d’un parc de jeux pour enfants. Bilan : 10 morts et 30 blessés dont l’état de blessure varie entre moyen et compliqué. L’hôpital Shifa a été visé également, ce qui a provoqué des inquiétudes dans mon entourage aussi bien à Gaza qu’au Maroc. Mes amis m’ont appelé pour savoir où je me trouvais et ma mère s’est mise dans tous ses états.
Je suis à Khan Younes et j’ai dû appeler et rassurer ma mère lui rappelant que le destin ne pourrait pas nous rater la où on se trouve que ce soit sur son lit ou dans sa voiture. Certes, il pleut des bombes à Gaza, mais je ne me sens pas différent de tous ces palestiniens hommes, femmes et enfants qui vivent au quotidien cette attaque sioniste.
Une nouvelle nuit sanglante
A la tombée de la nuit, nous avons reçu l’information que les combattants de la résistance ont tués plusieurs soldats de l’armée sioniste. Les médecins savent qu’il allait y avoir sûrement des représailles, mais pas de l’intensité que nous avons pu vivre aux urgences et au bloc opératoire.
Les sirènes des ambulances ont retenti toute la nuit. J’ai dû participer aux opérations de deux patients. Des jeunes hommes qui se trouvaient devant une épicerie qu’une bombe provenant d’un drone a pulvérisé faisant trois morts sur le coup et plusieurs blessés. Conséquence: jambe amputée, des vaisseaux rompues, des hémorragies externes et internes, et ce sans parler des multiples fractures.
L’intervention de plusieurs médecins est souvent nécessaire pour sauver un patient sans parler de perfusions, de transfusions et de médications. Tant d’efforts pour sauver un jeune homme qui achetait du pain. Quelle tragédie!!!!
Donner tout pour sauver une enfant
Mais je ne suis pas au bout de mes peines nocturnes, je me suis allongé un peu vers une heure du matin. Peu de temps après, Haidar, mon ami anesthésiste, vient me réveiller pour me parler du cas d’une petite fille retirée sous les décombres d’une maison, vivante mais inconsciente. Elle présentait un saignement vaginal. A l’examen de son corps, je me rends compte vite qu'elle a une hémorragie interne et certainement des blessures graves dans son petit ventre. Les enfants de part leur innocence nous marquent énormément. Nous étions une équipe de cinq chirurgiens et deux anesthésistes à s’occuper de la petite fille sans identité. Sa grande mère, le ventre explosé, se faisait, pour sa part, opérer parallèlement dans l’autre salle.
Plus de trois heures d’intervention ont été nécessaires pour s’occuper de la jeune fille. Quelle a été ma joie, le matin, quand j’ai su que la petite Roa allait bien. Elle a pu me parler, me donner son nom, en plus ses parents étaient présents à ses côtés. Telles sont les miracles de cette guerre et les épreuves que subit le peuple de Gaza.
Malgré les épreuves, ma place naturelle est à Gaza. D’ailleurs, J’ai pris contact avec mes collègues pour me faire remplacer en France. Je sens que ma place est avec les médecins palestiniens qui font de leurs mieux pour réparer les dégâts d'une armée inqualifiable.
Plus tard, il faudra vraiment se poser la question du pourquoi cette tragédie filmée en direct par les chaînes de télé du monde? Pourquoi les dirigeants du monde, dit civilisé, accepte cette situation et pourquoi ceux du monde arabe ont perdu leurs langues ? Les peoples issus de la démocratie ne s’émeuvent que peu ou pas du tout? Et où sont passés tout d’un coup les ONG des droits de l’homme et les autres donneurs de leçons ? Panser les blessures est bien, les prévenir serait certainement mieux.