Dissuader les jeunes musulmans français d’aller combattre en Syrie. C’est l’objectif que s’est fixé Farid Darrouf, le recteur de la mosquée la Paillade à Montpellier, dans le sud de la France, où une vingtaine de jeunes seraient prêts à faire le voyage via la Turquie. Alerté par cette situation, cet imam natif du Maroc a décidé de passer à l’offensive. C’est ainsi que depuis près d’une semaine, il appelle, dans ses prêches, ses fidèles à une «extrême vigilance» vis-à-vis des recruteurs pour le jihad en Syrie, qui visent souvent les adolescents en premier lieu, via le web et les réseaux sociaux particulièrement.
«La semaine dernière, j'ai reçu deux d'entre eux. Ils ont quatorze et quinze ans. Sur les raisons de leur engagement, ils ne disent pas grand-chose. Ils sont juste persuadés qu'ils doivent aller là-bas pour combattre. Et je pense qu'ils finiront par partir. Nous allons à la catastrophe», déplore Farid Darrouf, dans un entretien avec le journal local La Dépêche, publié ce lundi 5 mai.
«Manipulés, embobinés»
«Nous n'avons rien vu venir. Cela se passe dans la chambre de ces adolescents devant l'écran. Ils vont sur des sites Facebook, en arabe traduits en français. Avant l'explosion du net, les informations à caractère religieux provenaient de l'entourage. Aujourd'hui, sur la toile, il y a tout et n'importe quoi», poursuit-il. Pour le responsable religieux, si ces jeunes français arrivent à être enrôlés rapidement pour faire le voyage en Syrie, c’est qu’ils sont très vulnérables.
«Pour moi, ces très jeunes sont manipulés, embobinés. Ce sont souvent des jeunes faibles, en état d'échec scolaire. D'un seul coup, ils passent du virtuel, au réel avec une facilité déconcertante. La difficulté de trouver sa place dans notre société, l'insalubrité des logements jouent également un rôle dans cet engagement», explique-t-il.
«Pas notre guerre»
«Ils partent le plus souvent sur la foi de leur propre ignorance. Car la religion dit tout le contraire de cet engagement militaire ou paramilitaire. Ces jeunes agissent sur des pulsions .C'est un comportement que l'on peut l'observer chez d'autres adolescents qui veulent expérimenter des choses nouvelles très différentes», estime Abdel, un des fidèles de la mosquée de La Paillade, interrogé par la même source.
Pour ce dernier, le conflit que vit aujourd’hui la Syrie n’a rien d’une guerre religieuse. «Ce n'est pas notre guerre. Et il y a bien d'autres manières de venir en aide au peuple syrien plutôt que s'engager sur un coup de tête comme ils le font actuellement», poursuit-il.
Depuis le début de la guerre civile, en mars 2011, plus de 150 000 personnes auraient trouvé la mort dans le pays. D’autres sont toujours portés disparus. «Une famille qui a demandé à me rencontrer n'a toujours pas reçu de nouvelles de leur fils aujourd'hui âgé de dix-neuf ans, parti faire la guerre voici bientôt deux ans. C'est une situation terrible pour eux. Une autre famille a déjà fait le deuil de leur fils. On leur a fait le message que leur garçon avait été tué. Rien d'officiel. Juste une rumeur. Pour eux c'est terrible», a fait savoir l'imam marocain.
Un numéro vert
Le ministre de l'Intérieur français Bernard Cazeneuve a, par ailleurs, annoncé mercredi dernier, l'activation du numéro vert «0 800 005 696», dans le cadre de son plan de lutte contre les filières jihadistes. L’objectif est, selon le ministère, est «qu'un dispositif soit mobilisé» pour «éviter qu'un départ se produise quand des familles sentent» que l'un des leurs est «en train de basculer».