Le chiffre est énorme et pourrait choquer. Près de 1400 avortements clandestins seraient pratiqués chaque jour au Maroc. C’est le quotidien arabophone Akhbar Al Youm qui rapporte l’information ce vendredi 21 février, citant l’Association de lutte contre l’avortement clandestin (ALCAC). L’organisation, qui s’apprête à publier dans les prochains jours un rapport plus détaillé sur la question, assure que le chiffre est bien réel et que le nombre d’avortements au Maroc a «doublé durant les dernières années».
L’association affirme également «détenir une liste de noms de médecins réputés pour l’avortement clandestin au Maroc». Celle-ci comprendrait des «noms très connus dans la sphère médicale». «Après avoir réuni les données et statistiques récoltées par l’association, nous allons bientôt révéler la liste des médecins qui sont devenus désormais des spécialistes de l’avortement clandestin», prévient l’association, citée par la même source.
1 500 à 3 000 dirhams l’opération
Selon le rapport de l’ALCAC, les méthodes d’avortement traditionnelles ne sont plus à l’ordre du jour. Aujourd’hui, la majorité des IVG seraient pratiquées dans des cabinets médicaux, en présence d’un spécialiste. A en croire l’association, l’intervention coûte en moyenne «entre 1500 et 3000 dirhams». Selon nos calculs à partir des données fournies par l'association, ce business clandestin rapporterait donc entre 767 millions et 1,5 milliard de dirhams par an.
Un groupe de médecins et de professeurs universitaires se sont, par ailleurs, penchés sur le «phénomène». Selon eux, «certains cabinets médicaux du royaume» qui pratiquent l’IVG sont devenus de véritables «boucheries». Leurs victimes sont souvent «des mineures, des jeunes étudiantes à l’université ou des employées de ménage» qui ont «peur de la honte et du scandale».
«Ce qui se passe à l’intérieur de certains cabinets médicaux fait peur. Les opérations d’avortement sont pratiquées dans le noir, au quotidien et loin du regard des autorités (…). Plusieurs cas nous ont raconté des détails terrifiants de leurs IVG pratiquées clandestinement», poursuit l’association.
Un chiffre surréaliste ?
Le constat de l’ALCAC n’a, toutefois, pas été validé par le ministère de la Santé. Selon le département, tant que les avortements continueront à se faire clandestinement, il ne peut y avoir des chiffres officiels. Une situation que déplorent depuis des années déjà les associations féministes et des droits de l’Homme au Maroc. Néanmoins, le chiffre de 1400 avortements quotidiens semble un peu surréaliste pour le Maroc.
Au total, le Maroc contabiliserait donc 511 000 interventions par an, soit un peu moins que le nombre annuel de naissances dans le pays, estimé lui à 655 000 (2013). Si les avortements n'étaient pas pratiqués, le nombre total de naissance aurait atteint quasiment le double ?
Enfin, si l’on compare ce nombre d'avortement à celui de la France par exemple, (un pays de 65,7 millions habitants) où sont pratiqués en moyenne près de 222 500 avortements légaux en 2011 (contre 793 000 naissances la même année), la crédibilité du chiffre annoncé par l’ALCAC prend de nouveau du plomb dans l'aile. A moins que l'association comptabilise aussi les fausses couches dans ses chiffres, mais dans ce cas, parler d'avortements serait une grossière approximation.