Les banques publiques allemandes renoncent à financer le plan solaire marocain, révèle Reuters mercredi 5 février, citant des sources proches du dossier. En effet, dans le cadre de ce programme nécessitant un financement colossal de 9 milliards de dollars, soit environ 77 milliards de dirhams, le gouvernement chérifien avait fait appel à plusieurs investisseurs étrangers dont des Allemands.
Le projet prévoit la construction de 5 parcs solaires (Ouarzazate, Foum Al Oued, Boujdour, Sebkhat Tah, Tarfaya et Ain Beni Mathar), dont deux se trouvent au Sahara. Les mêmes sources expliquent que les Allemands refusent de financer un quelconque projet dans cette région, car le contraire signifierait l’abandon d’une position neutre sur le conflit qui oppose le Maroc au Polisario.
D’après l’agence de presse londonienne, les Allemands ne seraient pas les seuls à faire marche-arrière. Même les grands financeurs de projets au Maroc comme la Banque mondiale, la Banque européenne d'investissement et l'Union européenne partageraient cette position.
«C’est leur problème. Si certains investisseurs ne veulent pas venir, d’autres le feront»
Interrogé à ce propos par Reuters, le ministre des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, n’est pas allé par quatre chemins. «C'est leur problème. Nous n'avons pas de difficultés de financement. Nous avons plusieurs investisseurs à notre actif, dont des chinois, japonais et ceux des pays du Golfe», a-t-il déclaré mardi à Madrid, où il était en réunion avec des chefs d'entreprises espagnols. Le ministre s’est toutefois refusé de livrer des précisions sur les contrats de financement que détient déjà le royaume.
Pour l’instant, le gouvernement se focalise sur la construction de la première centrale à Ouarzazate, dont le contrat a été remporté en septembre 2012 par le consortium saoudien Acwa Power International. Elle devrait être opérationnelle dès l’an prochain, avec une capacité de 160 MW. Mezouar assure que les quatre autres projets seront construits selon les mesures retenues dans le plan solaire, afin d’atteindre les 2000 MW d’ici 2020 tel que prévu. «La question du Sahara n'a rien à voir avec cela. Le financement n'est pas conditionnée par le fait que les usines soient ou non au Sahara», a-t-il affirmé avant d’ajouter : «le Sahara a besoin d'énergie renouvelable, et l'investissement s’effectuera. Si certaines personnes ne veulent pas venir, d'autres le feront».
Les Allemands, pourtant très impliqués dans le financement des énergies renouvelables au Maroc
Dans le cadre de son plan solaire, le Maroc s’est toujours montré rassurant et rassuré quant au financement, comme c’était le cas en 2012 pour le ministre de l’Energie de l’époque, Fouad Diouri. La presse relevait l’importante de l’enveloppe nécessaire pour la réalisation du plan solaire, mais lui disait le gouvernement «certain qu’un grand nombre d’investisseurs seraient intéressés».
Cependant la question du Sahara pourrait compliquer les choses. Car, même si Rabat semble savoir sur qui compter, il faut dire que sa dette auprès des pays de Golfe devient de plus en plus importante, avec les différents emprunts contractés entre 2012 et 2013 notamment. De plus, il faut considérer que les Européens sont les premiers partenaires économiques du royaume avant les Asiatiques. Et l'Allemagne est très impliquée dans le financement des projets liés aux énergies renouvelables au Maroc. D'ailleurs il y a quelques mois, le président du directoire de la banque d’Etat allemande, Ulrich Schröeder, déclarait dans une interview accordée à L’Economiste que «le Maroc figure parmi les partenaires prioritaires dans la coopération allemande, dont le volet financier est mis en œuvre par la KfW».
En pratique, on l'a bien vu. Cette banque avait été présentée comme l’un des plus importants prêteurs pour la réalisation des deux tranches de la centrale solaire d’Ouarzazate. Elle a en effet accordé un prêt de 100 millions d'euros (assorti d'un don de 15 millions d'euros) pour la première et s'est engagé à prêter environ 190 millions d'euros pour la deuxième. Bien avant lors d’une visite officielle de son ministre des Affaires étrangères en novembre 2010, l’Allemagne avait octroyé un don de 3 millions d’euros au Maroc en soutien au plan solaire national. Il pourrait être difficile pour Rabat de balayer du revers de la main cette aide potentielle, surtout que le plan solaire est encore très loin des objectifs visés.