Un document secret sur la stratégie d'AQMI dans la région du Sahel révélé par Libération et RFI

AQMI ne se contente plus du Maghreb islamique, comme indique son acronyme. L’organisation compte étendre son activité au Mali, précisément l’Azawad (la partie septentrionale du pays revendiquée par les amazighs Touareg, ndlr). Le quotidien français Libération, documents de 80 pages à l’appui que le journal dit avoir «trouvé le 16 février 2012 à Tombouctou», signés par le propre chef de l’AQMI, l’Algérien Abdelmalek Droukdal, révèlent la stratégie du groupe dans cette région pour en faire la base d’un «projet jihadiste islamiste». Nous sommes en février 2012, presque une année avant l’intervention militaire française au Mali, l’Azawad est sous le contrôle des hommes du MNLA et d’Ansar Eddine. Les forces régulières se sont retranchés aux abords de la capitale, Bamako. C’est la débandade totale.

AQMI se fait discrète et mise sur le temps

En dépit de sa supériorité sur les soldats maliens, la direction d’AQMI n’a pas commis l’erreur de minimiser la réaction des puissances occidentales. «Il est très probable -voir certain- qu’elles entreprennent une intervention militaire directement ou indirectement, ou qu’elles imposent un embargo total au niveau économique, politique et militaire et qu’elles exercent des pressions».

Aussi, AQMI invitent-elle ces membres au Sahara d’ «éviter les excès, de ne pas prendre des décisions risquées et de ne pas considérer le projet comme un Etat islamique stable car ceci est encore prématuré».

Une vision propre à AQMI qui la différencie des autres antennes d’Al Qaida, en Irak et en Arabie. L’organisation se fait discrète, ne crie pas victoire et surtout joue sur le temps. Selon les documents publiés par Libération, il apparait clairement que le contrôle territorial de l’Azawad n’est pas l’objectif principal d’AQMI mais «de construire des ponts entre les différents couches et composantes de la société arabe, touareg et noire de l’Azawad».

En droite ligne de cette approche, Abdelmalek Droukdal invite ses hommes à considérer «notre projet islamique dans la région de l’Azawad comme un nouveau-né (…) Si nous voulons vraiment que ce bébé grandisse dans ce monde truffé d’ennemis puissants et prêts à l’achever, il fait le traiter en douceur et l’aider à grandir».

«Appliquer la charia mais progressivement»

Le document de 80 pages montre des désaccords flagrants entre la direction d’AQMI et les seigneurs de guerre sur le terrain. L’application de la charia dans les partis sous domination des islamistes en est d’ailleurs un exemple. «Parmi vos politiques insensées, la précipitation dans l’application de la charia sans prendre en compte du principe de l’application progressive dans un environnement où les populations ignorent les préceptes religieux depuis des siècles», dénonce Droukdal.

Le Nord du Mali a connu, à l’instar du Somalie, l’installation de tribunaux islamiques suivie d'une vague de destruction de mausolées, remontant à des siècles auparavant. Là aussi nous tombons sur un autre point qui différencie AQMI des autres émanations d’Al Qaida. C’est le politique qui prime sur le religieux et non le contraire.

Plus récemment, c'est le Maroc qui était visé par Droukdal dans une vidéo de 41 minutes consacrée au royaume et au roi Mohammed VI.