Dans le contexte du consensus actuel, les problèmes de l’enseignement au Maroc trouvent une réponse partagée à travers le spectre politique, qui est un financement accru pour les deux départements ministériels. Ce fut le cas du programme d’urgence, probablement de futures stratégies, certainement la logique qui a gouverné les politiques passées.
Le Maroc n’a pourtant pas lésiné sur les moyens, on ne peut nier cela, surtout lorsqu’on compare la fraction de ressources allouées aux dépenses d’éducation. Le Maroc s’insère très bien dans la moyenne nationale (1970-2011) et celle de la région MENA, dépassé de peu par la Tunisie, l’Algérie et la Jordanie, mais bien devant le groupe des pays à revenu élevé non-OCDE, ou encore les pays à revenus faibles et/ou intermédiaires. Ces résultats pointent vers un seul constat : l’état de l’enseignement au Maroc n’est pas dû à un manque de moyens, puisque nous allouons en proprotion autant, sinon plus de ressources que le reste du Monde. Et pourtant, lorsqu’on constate que seuls 5% d’une cohorte ont pu décrocher le baccalauréat, et seuls 13% ont pu accéder à l’enseignement secondaire, et plus encore, moins de 4% ont pu continuer leurs études supérieures, il est peut être temps de dire que l’école publique n’est pas si démocratique que cela.
D’autres questions s’imposeront d’elles-même : si une nième politique d’augmentation des ressources est proposée, peut-elle aboutir à des résultats différents? Supposons que l’effet d’évolution des dépenses d’éducation soit affecté par une dynamique propre aux dépenses gouvernementales, et une autre, fonction de la politique éducative elle-même. Et l’on souhaite faire une évaluation de l’effet d’un effort initial inclus dans cette politique. L’idée étant qu’une ‘bonne politique’ se suffit à donner une impulsion en première période, puis observe les effets sur le temps de celle-ci, l’hypothèse optimiste étant un effet soutenu dans le temps. On souhaite ainsi avoir une estimation de l’effet de cette politique à chaque période, dans le graphe ci-dessous, à un rythme annuel.
5 ans pourraient suffire
On constate que l’effet de cette politique, nonobstant la taille de l’innovation introduite, disparaît rapidement dès la quatrième année, avec un retour au niveau initial à la cinquième période, soit, comme justement noté dernièrement, la durée de vie théorique d’un gouvernement.
Ce résultat est à la fois une condamnation du modus operandi adopté par le consensus ambiant, et un indicateur que le succès d’une politique n’est pas forcément lié à un horizon temporel : la première constatation de ce consensus est que résoudre un problème de politique publique implique lui transférer des ressources financières. Si ce problème subsiste, l’explication la plus logique dans l’esprit de ce même consensus est de transférer des ressources additionnelles, créant la dangereuse incitation pour les agents impliqués à maintenir le problème en l’état, ou alors en proposant des améliorations très marginales. Le second point est lié à l’hypothèse qu’un gouvernement élu, parce que contraint par des considérations de basse politique, ne saurait délivrer des résultats découlant du long-terme. Et l’éducation est certainement un secteur dont les résultats de politiques sont difficiles à valoriser; cependant, il est indubitable que l’effet quantitatif d’une politique éducative basée sur l’augmentation des moyens s’évanouit rapidement dans le temps.
Mais au-delà de cette dimension temporelle, c’est tout le choix d’appropriation, puis d’utilisation du budget d’éducation : dans l’état actuel, le secteur public (c’est-à-dire près de 80.4% d’écoliers, élèves et étudiants en moyenne sur les trois dernières années) est principalement financé par des taxes fongibles en quelque sorte, ce qui contraint les choix éducatifs de leurs enfants. Mais si le système perdure, c’est aussi parce que l’alternative n’existe pas : un système entièrement décentralisé, où les parents peuvent diversifier le cursus éducatif de leurs progénitures; c’est d’une part la prédominance d’une doxa rigide qui impose l’uniformisation comme aspect de ce service public, et d’autre part, les symptômes d’un consensus malsain qui transcende les loyautés politiques et partisanes qui ont fait du système actuel une usine de médiocrité. Ce n’est ni l’arabisation, ni la valeur du corps enseignant, ni même l’état de l’infrastructure qui sont responsables du niveau actuel de notre enseignement. C’est le choix malsain de prétendre s’y connaître mieux que les parents eux-mêmes.
10 milliards de Dh de budget en trop
En l’occurrence, nous sommes face à deux types de financement de la dépense d’éducation : une taxe fixe prélevée sur la production -une option de financement public-, ou bien un transfert fixe dépendant des préférences des ménages dont bénéficieraient leur progéniture immédiate. Cela ne signifie pas que le mode de financement public est mauvais en lui-même, mais plutôt que passé un certain seuil, les dépenses deviennent inutiles; il s’avère ainsi que ce taux est plus proche des 21.3% des dépenses gouvernementales, plutôt que les 27.51% qu’on observe en moyenne. Cela signifie ainsi que la moyenne idéale serait plus proche du montant par revenu national brut dépensés dans les pays à hauts revenus non-OCDE, soit un peu plus de 4%. Ce sont ainsi potentiellement un peu moins de 10 milliards du budget du ministère de l’Education Nationale qui ne servent concrètement... à rien.