Quelques jours après la publication dans la presse marocaine de la condamnation du jeune marocain qui a pris 20 ans de prison pour avoir volé un téléphone portable dans un bus entre Casablanca et Mohammedia, des avocats demandent à ce que les articles de loi 508 et 509 du Code pénal sur lesquels s’est basé le juge pour prononcer la condamnation, soient réformés. «Ces articles ne sont plus d’actualité et les peines prévues sont disproportionnées par rapport à l’acte commis. Ils doivent être réformés», lance Réda Oulamine, avocat et président de l’association marocaine Droit et Justice, contacté par Yabiladi.
Ere coloniale
Dans son article sur la condamnation du jeune voleur, le journal arabophone Assabah va même plus loin que de dénoncer la lourdeur de cette peine. Il explique que certains avocats et associations des droits de l’Homme, sans néanmoins les citer, affirment que ces deux articles de lois datent de l’ère coloniale et qu’ils ont été rédigées dans le seul but de protéger les Français contre des agressions de Marocains dans les transports en commun.
Michèle Zirari-Devif, juriste et spécialiste du système pénal marocain tient à recadrer les choses. «L’actuel Code pénal marocain ne date pas de l’ère coloniale. Il a été rédigé en 1963. Soit 7 ans après l’indépendance du pays. Ce Code pénal est d’ailleurs l’une des plus grandes œuvres de l’indépendance», explique-t-elle. Néanmoins, il n'empêche, qu'elle reconnait que le Code actuel s'inspire du Code pénal français, datant lui du 19ème siècle, le qualifiant de «petit cousin». En revanche, dans l'affaire du voleur de portable, selon elle, si le voleur a pris 20 ans de prison, c'est surtout parce qu'il avait une arme blanche sur lui. Le juge a considéré que si un individu se promènait avec une arme blanche sur lui, c'est parce qu'il aurait pu l'utiliser et agresser une personne.
Une réforme globale
Pour elle, la priorité n’est pas de réformer ces deux articles en particulier, mais tout le Code pénal dans sa globalité. Elle déplore également, lorsque des faits divers graves se produisent comme l’affaire d’Amina Filali, que des associations des droits de l’Homme ne s'attaquent qu'à un ou plusieurs articles et non au Code pénal dans son ensemble. «On doit penser dans un soucis de réforme globale. La question que ces associations doivent se poser est avant tout quelles sont les valeurs que le Code pénal doit protéger dans notre société ?», poursuit-elle. Point de vue partagé également par Réda Oulamine. «Il n’y a pas que les articles 508 et 509 qui doivent être réformés. Beaucoup d’autres textes du Code sont obsolètes. Ce qu’il faut c’est une refonte totale du Code pénal pour qu’il soit en conformité avec la nouvelle Constitution et ainsi mieux respecter les libertés des citoyens», conclut-il.