La justice au Maroc va connaitre dès le mois de décembre prochain un nouveau visage. De nouveaux tribunaux seront inaugurés fin 2012 et tout au long de l’année 2013, rapporte l’Economiste dans son édition de ce jeudi 29 novembre. En plus des travaux d’élargissements dans les cours d’appel de Casablanca, Tanger, El Jadida et de Taza ainsi que dans les tribunaux de première instance à Kelaât Sraghna, Agadir et Benslimane, deux tribunaux de première instance verront le jour dans les villes de Taourirt et Benguerir. Un tribunal de commerce sera également inauguré à Agadir. La liste est longue. Au total, ce sont 24 projets qui seront lancés l’an prochain dans quasiment toutes les grandes villes du royaume.
Meilleure proximité
«C’est une très bonne chose ! Ca fait parti de la réforme lancée par le ministre de la justice», lance Réda Oulamine, avocat spécialisé en droit des affaires entre Casablanca, Paris et New York et président de l’association marocaine Droit et Justice. «Les tribunaux sont dans un tel état de délabrement. Vous avez dans certains tribunaux des vitres qui sont brisées ou de chaises qui sont cassées. C’est une véritable insulte à la justice marocaine !» s’exclame-t-il. Par ailleurs, pour Réda Oulamine, la construction de nouveaux tribunaux permettra de désenclaver certaines régions rurales et permettre aux citoyens marocains les plus démunis de se sentir plus proche du système judiciaire. «Vous avez dans certaines régions des gens qui doivent voyager 5/6 heures en bus rien que pour se présenter au tribunal le plus proche de leur domicile, ce n’est plus possible de voir ce genre de situations !» lâche-t-il.
Une justice grignotée par la corruption et le manque d’indépendance
«Certes, on applaudit ces changements. Néanmoins ce n’est pas tout. Avoir de nouvelles infrastructures ne suffit pas à rendre une bonne justice», estime-t-il ajoutant que la corruption et le manque d’indépendance dans la décision des juges sont les deux facteurs qui empêchent les Marocains de faire confiance à leur justice. «La justice n’est pas assez indépendante et dépend encore beaucoup trop du pouvoir exécutif. Aux Etats-Unis par exemple, un juge fédéral est nommé à vie. Il va rester indépendant et ne va pas cultiver cette peur de sa hiérarchie. Il jugera ses affaires en son âme et conscience. Mais au Maroc, certains juges craignent encore leur hiérarchie notamment dans des affaires sensibles touchant les intérêts de l’état. Ils ne jugeront pas en leur âme et conscience mais d’après les instructions qu’ils auront reçues d’en haut», déplore-t-il.
L’apparition de ces nouveaux tribunaux pourrait-elle entraîner une augmentation de la corruption dans les affaires à juger ? «Non», répond Réda Oulamine. Pour lui, il n’y a aucun lien direct entre ces deux éléments. Néanmoins l’une des choses qui doit être faite pour mieux lutter contre la corruption est de montrer l’exemple. «Il y a plusieurs mois de cela le ministre de la Justice avait décidé d’arrêter un juge pris en flagrant délit de corruption à Tanger. Les policiers l’avaient arrêté avec 200 000 dirhams sur lui. Ce juge a été au final libéré avant même son jugement. De part sa décision de l’arrêter, le ministre avait lancé un pavé dans la marre mais il n’a pas été jusqu’au bout», regrette-t-il.
Mieux protéger ceux qui dénoncent
Enfin, pour mieux lutter contre la corruption, Réda Oulamine estime qu’il faut protéger les «Whistleblowers», c’est-à-dire les personnes qui dénoncent des affaires de corruption invitant les autorités à faire passer une loi pour garantir leur sécurité et les protéger des retombées néfastes de leur dénonciation. L’avocat parle notamment d’affaires qu’on pourrait créer de toutes pièces pour les faire endosser sur le dos de celui qui dénonce.