C’est un véritable revirement de situation qui vient de se produire à la mairie de Gennevilliers. La semaine dernière, quatre moniteurs de colonies de vacances musulmans, employés par la municipalité, avaient été suspendus de leurs fonctions pour avoir observé le jeûne. Lundi, la Ville s’est justifiée, en expliquant que «les quatre jeunes hommes n'ont pas respecté, en cours de séjour, les obligations de leur contrat de travail, pouvant ainsi mettre en cause la sécurité physique des enfants dont ils avaient la responsabilité». Mardi, la mairie annonce qu’elle n’obligera plus ses salariés à déjeuner pendant le mois de ramadan.
L’article 6 du contrat de travail signé par les moniteurs, stipulant que tout animateur devra veiller «à ce que lui-même ainsi que les enfants participant à la vie en centre de vacances se restaurent et s'hydratent convenablement, en particulier durant les repas» et à ce qu’il soit «en pleine possession de ses moyens physiques», sera en effet retiré. Le maire PCF Jacques Bourgoin a décidé de «ne pas imposer l'application de l'article incriminé du contrat de travail sur le mois d'août». Ainsi, «pour conserver ses exigences en termes de sécurité physique des enfants», la mairie compte renforcer les contrôles dans ses centres de vacances, annonce un communiqué de la mairie, relayé par la presse française.
Discrimination ?
«L'article a été mal interprété», a assuré le maire. «Tout est parti d'un accident qu'il y a eu il y a deux ans, où deux enfants avaient été blessés parce que la conductrice du minibus, qui jeûnait, avait fait un malaise», rappelle-t-il. «C'est pour cela qu'on a ajouté cet article au contrat de travail, mais comme l'article apparaît pour certains discriminatoire, on souhaite que le débat soit posé de manière sereine», a-t-il poursuivi. Cela suffira-t-il à faire changer d’avis l’Observatoire contre l’islamophobie ?
Quelques heures avant le rétropédalage de la mairie, le président de cette institution, Abdallah Zekri, avait annoncé son intention de porter plainte contre la mairie pour discrimination. «La liberté religieuse est une liberté fondamentale et on ne peut en aucun cas interdire à une personne de pratiquer sa religion. L'observatoire se réserve le droit de porter plainte pour discrimination», avait-il indiqué.
Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM), avait lui estimé que la décision de la mairie «est de nature à porter atteinte à la liberté religieuse des animateurs de colonies qui pratiquent le jeûne», une «pratique millénaire commune à de nombreuses traditions religieuses et philosophiques». Des «centaines de millions de personnes» observent le jeûne sans qu'il soit «un frein à l'exercice de leur activité professionnelle», a-t-il rappelé, tout en soulignant que «la jurisprudence musulmane a prévu des aménagements pour les personnes qui en jeûnant mettent leur santé en péril».
L’UMP défend les moniteurs
Contre toute attente, Jean-François Copé partage le même avis (ou presque) que le CFCM. Le secrétaire général de l’UMP a laissé entendre que le maire de Gennevilliers n’aurait pas dû suspendre les quatre moniteurs. «Pour ma part, je considère que les pratiques religieuses, dès lors qu'elles sont tout à fait conformes à la laïcité c'est-à-dire subordonnées aux lois de la République, doivent être pleinement respectées», a-t-il confié au micro d’Europe1. Et d’ajouter : «Personne n'a jamais démontré que la pratique du ramadan empêchait nos compatriotes de confession musulmane de travailler».
En tout cas, si cette affaire est la première du genre à suciter un véritable débat, d'autres cas similaires avaient eu lieu dans le passé, notamment à Fontenay-sous-Bois, où la mairie avait interdit à ses moniteurs de centres de vacances de pratiquer le ramadan dans un «souci strict de laïcité».