Alors qu’Arnaud Montebourg mène une croisade contre les délocalisations, le Stif, autorité organisatrice des transports en Ile-de-France, vient de faire savoir son intention de choisir un prestataire disposant d'une plateforme téléphonique au Maroc, et ce, au détriment de Web Help France, qui détenait jusqu'à présent ce marché dans l’Hexagone. 80 emplois sont directement menacés par cette décision.
Dans un courrier daté du 11 juillet et adressé au ministre du Redressement Productif, le président du Stif et de la région Ile-de-France, M. Jean-Paul Huchon a fait savoir que «le Stif n’a eu d’autre choix que d’attribuer le marché à une entreprise dont le centre de traitement et d’appels est situé au Maroc, évidemment moins disante que sa concurrente dont le centre de gestion est implanté sur le territoire français». Une entreprise «moins disante» certes mais localisée dans un pays offrant des coûts de production bien plus avantageux.
Selon le co-président de Web Help, M. Frédéric Jousset, en prenant sa décision de choisir un opérateur téléphonique implanté au Maroc, le conseil d’administration du Stif a surtout suivi «l'avis d'une commission technique de donner le marché à un confrère plus avantageux sur le prix». D’après lui, l’entreprise aurait choisi de positionner son centre d'appel au Maroc parce que les coûts y sont deux fois moins élevés qu'en France. «C'est la première fois qu'un marché public de relation client va partir à l'étranger, à l'heure où le gouvernement essaie de rapatrier les opérateurs télécoms en France», a-t-il fait remarqué.
Les griefs du dirigeant de Web Help sont compréhensibles : sa société travaillait depuis 2006 pour le Stif dans le cadre d'un marché public de trois ans, renouvelé une première fois en 2009. Elle avait d’ailleurs mis à la disposition du réseau des transports franciliens deux centres d’appels téléphoniques (l’un à Saint-Avold en Moselle, l’autre à Fontenay-le-Comte en Vendée), employant 80 personnes dont le travail consistait à assurer, via un numéro azur, la relation avec les clients ayant droit à des réductions ou à la gratuité des transports en Ile-de-France. Des emplois aujourd’hui directement menacés par la décision du Stif d’accorder à un prestataire marocain son marché des relations clients.
Montebourg : le gouvernement se bat «pour relocaliser des emplois», pas pour les délocaliser
Alertés de cette décision, les services de l’Etat n’ont pas tardé à donner de la voix. A commencer par Arnaud Montebourg qui a indiqué, ce vendredi, avoir demandé au président de la région Ile-de-France de «reconsidérer [sa] décision» en «remettant l'appel d'offres sur le métier». Le gouvernement se bat «pour relocaliser des emplois», et non «pour accepter qu’on les délocalise» a-t-il fait savoir. Le chef de l’Etat, François Hollande, a lui aussi réagi à la décision du Stif : «Il y a des règles en matière de marchés publics, elles ont été respectées». Se déclarant contre «une surenchère protectionniste», le président français a paradoxalement demandé «à tous les responsables publics d'être très attentifs à ce que l’emploi reste en France.» Une contradiction que n’a pas manqué de relevé l’ex-ministre UMP, Valérie Pécresse.
Toujours est-il que lobbying politique ou pas, M. Jean-Paul Huchon a jusqu’à samedi pour revenir sur sa décision. Un revirement de sa part parait néanmoins peu probable au vu du message qu'il adressait, dans son courrier du 11 juillet, au ministre du Redressement Productif français : «la rédaction actuelle du code des marchés publics, issue des directives européennes, ne permet pas de favoriser l'exécution de prestations sur le territoire national, voire européen».