«Le changement dans la continuité». L’expression giscardienne semble convenir admirablement bien à la politique migratoire du président de la normalité française, François Hollande, qui, en maintenant l’immigration au ministère de l’Intérieur, inscrit sa stratégie de maitrise des flux dans la parfaite continuité de celle impulsée par son prédécesseur, Nicolas Sarkozy. Une rupture sans cassure dont la résultante est un maintien du statu quo antes ; une situation loin, voire très loin, de satisfaire aux attentes des associations d’immigrants de l’hexagone.
A commencer par le Réseau éducation sans frontières (RESF). Prenant pour appui l'expulsion d'un père de famille macédonien la semaine dernière, celui-ci dénonçait hier à l’AFP «la poursuite assumée de la politique sarkozyste en matière d'immigration». Une critique reprise à l’unisson par France Terre d’Asile (FTA) où l’on dénonce également une politique d’immigration s’inscrivant «dans la continuité» de celle de M. Sarkozy, pourtant si vaillamment combattue par le PS lorsqu’il était dans l’opposition.
L’immigration au Ministère de l’Intérieur signifie que «immigration = insécurité»
Pour rappel, lorsque la politique de l'immigration était entrée complètement Place Beauvau à la suite d'un remaniement du gouvernement de François Fillon en novembre 2009, le PS s'en était indigné. Au même titre que les associations d’immigrés. Mais voilà qu’hier, «l’atermoiement des législatives » devenu caduc, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’est engagé à maintenir l’immigration dans le giron du Ministère de l’Intérieur ; une annonce qui, en sus de contredire les engagements-mêmes du président de l’exemplarité exemplaire – et de scandaliser faisant, les associations d’immigrés –, est venue signer là la poursuite d’une politique répressive dans le domaine du contrôle des flux : «Le rattachement de l'immigration à l'Intérieur relève d'une politique du tout répressif», qui «a induit un malaise chez les policiers appelés à faire des reconduites à la frontière pour obtenir des chiffres», analyse l'historien de l'immigration Patrick Weil. En rattachant l'Immigration à l'Intérieur, le gouvernement «fait un lien entre immigration et insécurité» explique pour sa part la députée PS Sandrine Mazetier.
Et les doléances ne s’arrêtent évidement pas là. «Ce qui est regrettable, c'est que Manuel Valls approuve un hold-up réalisé par Brice Hortefeux et Claude Guéant après la suppression du ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire» créé en 2007 par M. Sarkozy, déplore de son côté le juriste, Serge Slama. Pour mémoire, ce ministère, fortement critiqué pour avoir associé «immigration» et «identité nationale», était chargé, en plus de la gestion des flux migratoires, au contrôle de l'asile, des naturalisations, et de l'intégration, dévolus auparavant aux ministères des Affaires étrangères, de la Justice et des Affaires sociales. Sous le quinquennat de l’ex-président français, son action s’était traduite par l’expulsion de près de 100 000 immigrés clandestins.
L’immigration : sujet épineux en campagne, sujet fâcheux en mandat pour François Hollande
Pour M. Slama, le «vrai problème c'est qu'il n'y pas de politique d'immigration» depuis l'élection de M. Hollande. «Ni Hollande, ni Valls n'ont défini cette politique» alors que Sarkozy, «en avait une même si elle n'était pas cohérente». Pour preuve, le juriste invoque le placement en rétention de 25 enfants d’immigrés clandestins depuis l’élection de M. Hollande, une pratique à laquelle ce dernier s’était engagé de mettre un terme en mai dernier.
Côté experts comme côté associations, le changement de position du président français ne présage rien de bon quant à la poursuite de ses engagements de campagne. Cela «augure mal la réalisation de ses engagements et du programme du Parti socialiste» déclare M. Weil. Une inquiétude que FTA partage : «Il n'y a là aucun signe encourageant pour la société civile et les défenseurs des droits de l'Homme. Un changement nous avait été promis mais les premières notes jouées par le nouveau gouvernement sont hélas issues d'un répertoire qui n'a suscité jusqu'alors que rejet», déplore l'association. De fait, il s’agirait donc ici des premières fausses notes entonnées par le président français depuis le début de son investiture. Un président dont le slogan de campagne était – faut-il le rappeler – «Le changement, c’est maintenant». Encore aurait-il fallu qu’il précise où et, surtout, dans quelle direction…