Nabil Derrazi, directeur général de la filiale Maroc de la Holding hollandaise d’assurance Agis, est un MRE, natif de El Jadida, et qui a vécu plus de vingt ans au Pays Bas. Il lève le voile sur ce qui qualifie de «déclaration qui n’aura aucun résultat sauf de créer des problèmes». Pour lui, «c’est du pur marketing politique !».
- Yabiladi.com: Que pensez-vous de l’annonce faîte par le ministre de la justice hollandais de ne pas reconnaître la double nationalité uniquement pour les Marocains résidents aux Pays Bas ?
- Nabil Derrazi : C’est une situation bête et déplorable ! On ne modifie pas l’histoire sociale d’hommes et de femmes aussi simplement. Il faut être responsable, rationnel et pragmatique. En politique ou dans de tous les jours. Pour être respecter, compris et accepter, il n’y a qu’une seule solution : être disposer à respecter, comprendre et accepter autrui. Force est de reconnaître que cette offensive aveugle met en lumière l’incapacité de certains acteurs politiques à accepter une personne d’origine marocaine, telle qu’elle est. C’est-à-dire un citoyen à part entière.
Que cherche-t-il à provoquer ? Attirer l’opinion publique nationale et internationale en stigmatisant une catégorie de la population. Ce n’est pas sa mission ni sa vocation.
- Comment les Marocains aux Pays Bas ont vécu cette annonce ?
- D’après des échanges que j’ai pu avoir avec les uns et les autres, c’est le calme plat. Il n’y a pas plus de tensions sociales aujourd’hui qu’hier. Les membres de la communauté Marocaine ont décidé de dépasser voire de négliger cette annonce populiste. Ils commencent à être habitués à des frondes de cette nature. Une certitude, chacun est conscient de la situation, sa dimension et ses enjeux, et, selon les témoignages recueillis, personne n’acceptera de renier son origine. De plus, l’opinion publique est très «las» des attaques gratuites envers la communauté musulmane. Le film «Fitna», un véritable navet monté en épingle, n’a pas eu l’impact souhaité par son réalisateur, Jeert Wilders et ses amis. Si les médias hollandais sont friands sur tout ce qui touche et accable la communauté musulmane, je reste réservé sur la réaction de la population.
- Des manifestations sont-elles prévues ?
- Pas à ma connaissance. D’une part, le profil de la communauté résidente en Hollande est très différent de celui de la France ou encore de la Belgique. Dans ces pays, plus que des protestations populaires, nous aurions assisté à des violences verbales et, malheureusement, peut-être physiques. Au pays du fromage, ce n’est pas le cas. La diaspora marocaine est moins impulsive et réactive. Ce n’est pas pour autant qu’elle est prête à accepter l’inacceptable.
- Seule la diaspora marocaine est dans le viseur ?
- A priori, oui. Le principe de double nationalité n’existe par pour les ressortissants du Surinam, première communauté étrangère résidente aux Pays Bas.
- A titre personnel, avez-vous vécu des actes racistes lors de votre résidence aux Pays Bas ?
- Comme beaucoup de mes compatriotes. J’ai le souvenir de l’accueil réservé dans les entreprises de travail temporaire aux ressortissants marocains comme moi. On vous prend de haut et on vous invite à vous porter candidat pour des postes de travail tels que la plonge dans les restaurants, tâcherons dans le bâtiment ou encore pour constituer un maillon d’une chaîne de production dans une unité industrielle. C’est d’ailleurs par la case de «plongeur» que j’ai fait mon entrée sur le marché du travail.
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Rachid Hallaouy
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