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Grand Angle

Comment l’affaire de Ridouan Taghi amplifie la crise entre le Maroc et les Pays-Bas

Bien que le Maroc n’ait pas demandé officiellement d’extrader Ridouan Taghi, renvoyé la semaine dernière vers les Pays-Bas après son arrestation à Dubaï, cette affaire s’ajoute à une série de facteurs de la crise diplomatique entre les deux royaumes. Rabat et Amsterdam ont, en effet, du pain sur la planche et ce, suite à plusieurs affaires.

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Stef Blok et Nasser Bourita, chefs de la diplomatie des Pays-Bas et du Maroc, à Rabat. / Archive - MAP
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Alors que leurs relations n’étaient pas au beau fixe, l’arrestation de Ridouan Taghi à Dubaï en ce mois de décembre puis son extradition vers Amsterdam n’a fait qu’accentuer la crise silencieuse entre le Maroc et les Pays-Bas.

Ce lundi, en citant des sources marocaines, le média émirati Gulf Today a affirmé que l'extradition de celui que le Maroc considère comme cerveau de la fusillade survenue en novembre 2017 dans le café La Crème à Marrakech a «provoqué une crise diplomatique entre le Maroc, le pays d'origine de Taghi, et les Pays-Bas, où il a dirigé le gang "Angels of Death"» au sein de la Morco Maffia.

«Le Maroc fera pression sur les Pays-Bas pour l'extradition de Saïd Chaou, accusé de trafic international d'armes, en échange d'avoir permis à Amsterdam d'obtenir Taghi, considérant que la justice néerlandaise refuse de l'extrader vers le Maroc», explique-t-on de même source.

La suite d’une crise née avec Saïd Chaou

Contacté par Yabiladi ce lundi, Jan Hoogland, ancien attaché à l’ambassade des Pays-Bas au Maroc et expert en relations maroco-néerlandaises, rappelle à cet égard que «la crise diplomatique entre le Maroc et les Pays-Bas est née à cause de Saïd Chaou». «Le Maroc souhaitait que les Pays-Bas l'extradent vers le royaume mais le tribunal néerlandais avait décidé qu'il ne permettrait pas cela», nous appelle-t-il, estimant que «c’est l'une des principales raisons de la crise».

«Avec Ridouan Taghi, il n'y a encore pas eu de conflit concernant son extradition, contrairement à Saïd Chaou, qui était au cœur des contacts intensifs entre les deux pays», ajoute-t-il.  

En effet, l’arrestation puis l’extradition de la tête pensante du réseau «Angels of Death» de la mocro mafia aux Pays-Bas ont été rapides. «Si Dubaï l'avait extradé vers le Maroc, nous aurions eu un conflit, car il ne pourrait plus jamais revenir aux Pays-Bas, les deux pays n’ayant pas d'accord d'extradition», explique Jan Hoogland.

Mais il n’y a pas que l’affaire de l’extradition de Chaou qui a provoqué des embrouilles entre Amsterdam et Rabat. Pour l’ex- ancien attaché à l’ambassade des Pays-Bas au Maroc, la volonté des Pays-Bas de modifier leur traité sur la sécurité sociale avec le Maroc, il y a quelques années, a été l’un des facteurs de cette crise.

En 2016, le Maroc avait fini par céder à la pression des Pays-Bas, en acceptant un nouveau protocole sur la convention de sécurité sociale excluant l’élargissement des versements des allocations familiales aux bénéficiaires vivant au Maroc. Un texte qui n’incluait pas les Sahraouis, comme l’avait exigé Rabat.

Et une multitude de pommes de discorde…

S’ajoute à cela la problématique des migrants marocains en situation administrative irrégulière, que les Pays-Bas veulent refouler vers le Maroc, alors que ce dernier ne semble pas être convaincu. Fin novembre, Ankie Broekers-Knol, secrétaire d’Etat des Pays-Bas à la justice et la sécurité avait rapporté que le Maroc aurait refusé de la recevoir. «Elle voulait discuter avec un membre du gouvernement El Othmani le rapatriement des Marocains dont les requêtes d’asile ont été rejetées par la justice de son pays mais le Maroc a refusé sa demande», rapportaient les médias néerlandais.

Début décembre, une autre rencontre, cette fois-ci entre l’ambassadeur du royaume aux Pays-Bas, Abdelwahab El Bellouki et la secrétaire d’Etat des Pays-Bas à la justice et la sécurité a été reporté sin die.

Pour la forme, Jan Hoogland dit croire l’existence d’un «problème de communication entre l'ambassade néerlandais à Rabat et le ministère marocain des Affaires étrangères». De plus, il reconnaît qu’Ankie Broekers-Knol «n'a pas fait les choses correctement». Quand au fond du problème, la question des migrants irréguliers contraste, toutefois, avec celle de la volonté d’extrader des criminels présumés.

«La question du refus du Maroc d'accepter ses migrants irréguliers est une question qui dure depuis de nombreuses années. Et c'est l'un des problèmes pour lesquels les relations traversent une période difficile, car les Néerlandais ne comprennent pas que le Maroc refuse ces migrants mais veut extrader à la fois Chaou et Taghi.»

Jan Hoogland

L’autre sujet ayant envenimé les relations entre Amsterdam et Rabat reste le dossier du Hirak. Le ton avait monté en septembre 2018 lorsque Nasser Bourita avait exprimé le «rejet catégorique des propos, des actions et des interférences des Pays-Bas au sujet des événements dans le Rif». La contestation dans cette zone du royaume a été à l’origine de la convocation à deux reprises, en juin et septembre 2018, de l’ambassadeur des Pays-Bas au Maroc.

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