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Ziad GOUDJIL: « Nous refusons d’être réduits à une identité religieuse »
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12 février 2007 01:12
« Nous refusons d’être réduits à une identité religieuse »

Entretien de Ziad GOUDJIL pour Histoires de Mémoire paru dans ’Charlie Hebdo’ N°714 du 22 février.

Des Français d’origine maghrébine ont répondu à l’affaire des caricatures en envoyant leur témoignage de soutien à Charlie. Parmi ceux-ci, Zyad Goudjil, éducateur et auteur de la pétition pour la liberté absolue de conscience.

Charlie : pourquoi avoir décidé de vous exposer dans la polémique sur les caricatures de Mahomet

Nous avons décidé de faire ce coming out parce que nous en avons assez d’être identifiés et définis par les autres. C’est ce qui se passe depuis que nos parents sont arrivés en France : on nous dit « vous êtes des arabes, vous êtes des beurs, vous êtes des immigrés ... ». Aujourd’hui, la dernière phase de cette identification exogène, c’est : « vous êtes des musulmans ». Vous savez, quand les Tours jumelles ont été détruites, des gens qui me sont pourtant proches m’ont dit « mais qu’est-ce que vous voulez ? ». J’ai répondu simplement « mais à qui parles-tu ? »... Cette fois-ci, ça ne marchera pas, nous ne serons pas là où certains d’entre vous nous ont placés. Ce vous concerne des Français dits de souche qui se sentent propriétaires de l’esprit des lumières alors qu’ils n’en sont que les locataires. A ceux-là, nous voulons dire : ces valeurs universelles sont aussi les nôtres ! Et il est hors de question que nous acceptions, à nouveau, que vous les ethnicisiez. L’égalité de l’homme et de la femme, la démocratie, le pluralisme, le débat contradictoire sont valables autant pour nous, Français, que pour les populations qui vivent dans nos pays « d’origine ». C’est aussi en leur nom que nous parlons. Nous savons à quel point, en Afrique du Nord, des journalistes sont harcelés parce qu’ils osent professer des idées universelles. Idées que l’on traite d’occidentales, pour mieux les détruire.

C : D’un autre côté, on a l’impression que, pour avoir plus de poids, vous êtes obligés de mettre en avant ces origines.

C’est le paradoxe : pour défendre ces valeurs universelles, je suis obligé de revendiquer l’identité musulmane qu’on m’a collée. Parce que si je débarque à la télévision en disant « bonjour, je suis républicain, laïque et le système démocratique me plaît », on ne va pas m’écouter. C’est donc en tant que croyants, agnostiques ou athées « d’origine musulmane » que nous refusons qu’on nous réduise à cette identité strictement religieuse. Nous ne voulons pas faire le jeu des communautaristes qui essaient notamment de privatiser le maintien de l’ordre dans les banlieues en le confiant à des associations islamistes ! Associations qui prônent, qui plus est, un Islam qui n’est même pas dans les racines des populations récemment arrivées en France, mais qui est un islam sectaire et rétrograde, à la fois du Moyen Orient et du Moyen Age, et qui s’impose à tous les « musulmans » parce que la particularité géologique des pays d’où il provient est d’avoir des réserves de pétrole.

C : Vous êtes, pour le moment, encore assez isolés

C’est normal, on nous impose des statuts, mais sans volonté réelle d’intégration. De plus en plus de jeunes se référent donc à l’Islam pour pouvoir exister. Une solution par défaut qui répond à la logique : puisque vous nous identifiez comme tels, eh bien, on va vous donner ce que vous voulez. C’est comme ça que des jeunes gens dont les parents sont nés en France se mettent à parler avec l’accent du bled... Nous sommes dans un pays où, aujourd’hui, 10% de la population française est renvoyée à sa culture arabo-berbero-musulmane... Pourquoi n’y a-t-il aucun député d’origine maghrébine ? Quid des droits sociaux, des devoirs, des réelles discriminations qui font qu’on enlève, par exemple, des enseignants et des budgets à des écoles publiques et qu’aujourd’hui, des établissements scolaires sont en voie d’homogénéisation, avec des collèges pour arabes et noirs ? Dans ces classes, il n’y a pas de structuration de l’identité par le partage de valeurs communes. Non pas parce qu’elles ne sont pas enseignées (au contraire, les enseignants sont extraordinaires de ce point de vue là) mais parce qu’elles sont, au quotidien, en contradiction avec la réalité que vivent les jeunes. Ils se disent donc : attendez, nos grands-parents ont été exploités en tant que colonisés, nos parents sont venus en France, ils ont été humiliés, exploités, sous-payés, et nous, maintenant, même si on a Bac +5, vous nous faites encore le coup...

Quand le regard de l’autre nous voit uniquement comme des terroristes, des voleurs et des violeurs, au bout d’un moment, certains esprits, parmi les moins solides et les moins habitués à ce genre de harcèlement moral, mental et philosophique peuvent effectivement craquer et sombrer dans la régression identitaire ethnique et religieuse ! C’est exactement ce qui est en train de se passer avec le Wahhabisme en France, qui, sans être majoritaire dans les communautés issues de l’immigration maghrébine, est effectivement en net progrès.

C : Comment se manifeste cette crispation religieuse parmi les jeunes que vous rencontrez ?

Il suffit, par exemple, qu’un élève annonce que le Coran interdit les homosexuels et considère qu’il faut les tuer, pour que le reste de la classe suive... On entend des choses du style : « L’islam dit qu’il ne faut pas parler des juifs qui profitent de la shoah pour se plaindre et devenir des victimes qui vont prendre de l’argent aux autres... » . Il y a aussi cette idée très répandue, selon laquelle seuls les Juifs ont échappé à l’attentat contre les Tours jumelles, parce qu’ils ont été prévenus par le Mossad... Lors d’une manifestation de soutien à la Palestine, des jeunes m’ont dit, avec beaucoup de sérénité, que leurs banderoles « Sharon assassin » leur avaient été remises par les mosquées des villes du sud des Hauts de Seine... Est-ce à dire que l’islamisme progresse ? Je n’en sais rien. Mais je constate qu’aujourd’hui, la militance des jeunes -y compris au niveau des étudiants- passe davantage par les associations religieuses que par les associations laïques.

C : L’un des objectifs de votre pétition est donc de remettre l’Islam à sa juste place ?

Pour nous, la République, la laïcité, l’égalité homme-femme et les droits de l’homme sont des valeurs qui ne sont pas négociables. Je considère qu’une religion, c’est un peu comme une association avec un règlement intérieur qui ne peut en aucun cas supplanter l’ensemble des lois qui régissent une société de liberté et de droit. L’échec de la République, c’est peut-être de voir un citoyen d’origine sénégalaise expliquer devant une caméra qu’il préfèrerait que son fils meure plutôt qu’on attente à l’image du prophète. Est-ce que c’est le respect de la culture de l’autre que d’accepter ça ? Est-ce que l’excision, c’est le respect de la culture de l’autre ? (Ca a été un débat, il y a quelques années parmi certaines féministes). Moi je dis non. J’aimerais pouvoir dire à certains de nos amis qui sont marqués par le relativisme culturel, d’aller, avec leurs enfants, passer deux semaines à Riad. Mais je suis un peu extrémiste, 2 semaines à Alger suffiront...
 
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