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Tunis traque les salafistes
D
6 janvier 2007 12:40
Par GARÇON José
QUOTIDIEN LIBERATION : vendredi 5 janvier 2007



Comment expliquer que deux fusillades importantes aient lieu en dix jours aux abords de la capitale d'un pays qui se targue d'être le plus tranquille de la région ? Les bilans diffusés après les tirs qui ont duré jusqu'à 22 heures mercredi à Solimane, une petite ville près de Nabeul à une quarantaine de kilomètres au sud de Tunis, montrent que Zine Ben Ali a des difficultés à gérer une affaire présentée comme un affrontement avec de «dangereux criminels».
Selon le ministère de l'Intérieur, douze personnes ont été tuées et quinze autres arrêtées par les forces de sécurité lancées à la poursuite de ces «criminels», dont la nature, délinquante ou politique, n'est jamais précisée. Tunis revoit ainsi à la baisse une première information qui faisait état de vingt-cinq morts à Solimane, chiffre que plusieurs sources confirment cependant.
«Douze éléments». Ces hésitations de Tunis sont loin d'être anecdotiques. Il est en effet difficile de croire qu'un échange de tirs avec des droits communs puisse provoquer plus de vingt morts, même dans un pays où la petite et moyenne délinquance s'est installée et où les luttes de clans en vue de la succession du président sont parfois âpres. En diminuant ainsi son bilan, Tunis semble en fait vouloir accréditer la thèse d'une affaire de drogue ou de trafic d'armes et écarter toute piste islamiste.
Une chose est sûre : tout a commencé avec une première fusillade faisant deux morts le 23 décembre à Hammam-Lif, à 25 kilomètres au sud de Tunis. Et tout se serait achevé, dans le sang, mercredi près de la zone boisée de Solimane. «La traque du groupe criminel a pris fin mercredi après-midi et a permis aux forces de l'ordre d'abattre douze éléments du groupe et d'arrêter les quinze restants», affirmait hier le ministère de l'intérieur.
Le déploiement exceptionnel de forces de sécurité montre cependant que l'affaire est sérieuse : police, garde nationale et armée ont été dépêchées sur l'autoroute reliant Tunis au sud du pays et les hauteurs alentours. Hier, une région montagneuse proche de Grombalia (à trente kilomètres de la capitale) restait d'ailleurs encerclée.
Tout indique en fait que ces fusillades impliquent un groupe islamiste salafiste. Et ce même si tous les quotidiens ont reproduit la dépêche officielle sans commentaire, à l'exception d'un quotidien arabophone Assarih qui laisse entendre qu'il pourrait s'agir de terrorisme.
Armé de RPG. Lourdement armé ­ y compris de RPG ­, ce groupe aurait été découvert par les forces de l'ordre le 23 décembre. C'est en achetant de très nombreux pains ­ plus d'une quarantaine par jour ! ­ qu'il aurait éveillé les soupçons d'un boulanger. On connaît la suite : une première fusillade, ce même jour, près de Hammam-Lif. Selon nos informations, le chef de la bande, un certain Lassaad Sassi, y aurait été tué. Ancien gendarme, ce Tunisien originaire de Bir el-Bey, près de Hammam-Lif, serait passé auparavant par l'Afghanistan et l'Algérie.
Plusieurs centaines de jihadistes tunisiens auraient d'ailleurs traversé les frontières de ce pays depuis l'invasion américaine en Irak. Et, le 30 décembre, Alger annonçait avoir arrêté deux Tunisiens «appartenant à un réseau terroriste international».
Quoi qu'il en soit, le groupe pourchassé par les forces de l'ordre depuis dix jours, serait formé de Tunisiens, mais aussi d'Algériens et de Mauritaniens. Apparemment venus d'Algérie, ces salafistes auraient installé un camp dans la région de Djebel Ressass, toujours aux environs de Hammam-Lif.
C'est sa poursuite par les forces de sécurité qui serait à l'origine du second affrontement mercredi à Solimane. L'adjoint de Lassaad Sassi, un dénommé Bacha, y aurait notamment été tué.
Jusqu'à présent, le régime de Zine Ben Ali observe la plus grande discrétion sur cette affaire. Une situation qui rappelle l'attentat contre la synagogue de Djerba, qui fit 21 morts dont 14 touristes allemands en 2002. Dans un premier temps, Tunis avait tenté d'accréditer la thèse d'un accident et, seule la pression du ministre allemand de l'Intérieur, l'avait contraint à admettre qu'il s'agissait d'un attentat terroriste.
«Verrouillage». Aujourd'hui, nombre d'opposants tunisiens assurent ne pas être vraiment «surpris» par une évolution qu'ils attribuent au «verrouillage de toutes les libertés» par Zine Ben Ali. Le chômage des jeunes, la «revendication identitaire arabo-musulmane qui s'exprime chaque jour davantage au sein de la population et la campagne actuelle contre le hidjab [voile] » feraient le reste. En attendant, des barrages de police sont dressés aux entrées des grandes villes où les voitures et leurs passagers sont étroitement contrôlés.
 
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