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TOUS LES JUIFS NE SONT PAS DES SIONISTES...ET TOUS LES SIONISTES NE SONT PAS...
S
25 mai 2006 17:08
"QUI EST COUPABLE ? LA VICTIME, BIEN SÛR", PAR URI AVNERY
Publié le 22-05-2006



Description par Uri Avnery de la violence de l’armée israélienne à l’encontre de manifestants pacifiques lors de la dernière manifestion contre le mur à Al-Ram, et de la duplicité des médias israéliens.


"CEUX QUI ont écouté la radio samedi dernier ont entendu une nouvelle étonnante : que Muhammad Abou-Ter et Uri Avnery s’étaient barricadés ensemble dans une habitation privée à A-Ram.

Le seul fait que ces deux-là - le numéro 2 du Hamas et l’Israélien de gauche bien connu - aient été ensemble était déjà assez choquant. Mais le fait qu’ils aient investi la maison d’une famille palestinienne innocente et s’y soient barricadés, comme des criminels fuyant la police, était encore plus ahurissant.

Cette fausse information ne mériterait peut-être pas d’être mentionnée, si elle n’était typique de la façon dont les médias non seulement ont couvert cette manifestation particulière mais couvrent toutes les manifestations communes des militants de la paix israéliens et palestiniens. Plus encore, elle met en lumière la relation étroite qui existe entre les médias israéliens et le régime d’occupation. Sans cette relation, l’occupation n’aurait sans doute pas pu se poursuivre pendant 39 ans comme c’est le cas.

Il vaut donc la peine d’analyser les événements en détail.

TOUT D’ABORD, le contexte. A-Ram (c’est ainsi qu’on prononce le nom bien que sa forme écrite soit al-Ram) était un petit village au nord de Jérusalem sur la route de Ramallah. Depuis l’« unification » de Jérusalem en 1967, le village s’est beaucoup développé. La raison : alors que la population palestinienne double tous les 18 ans environ, il est quasi impossible d’obtenir un permis de construire à Jérusalem-Est. Faute d’alternative, beaucoup de Jérusalémites de l’Est arabes construisent des maisons pour leur famille qui s’accroît dans les villages environnants. A-Ram est en fait devenu une ville, mais la plupart de ses 50.000 habitants ont des cartes d’identité de Jérusalem (c’est-à-dire israéliennes) et leur vie dépend de Jérusalem. Leur travail, les services de santé et les universités s’y trouvent. Cependant, officiellement, la ville fait partie des territoires occupés.

Quand il a été décidé de construire le mur de séparation autour de Jérusalem, l’idée était de couper a-Ram de la ville. Le pire est que le Mur passe en plein milieu de la rue principale - si bien qu’il ne sépare pas les Palestiniens des Israéliens, mais surtout les Palestiniens des Palestiniens.

Pour se faire une idée, c’est comme si un mur avait été construit au milieu de Broadway, depuis la 42e rue jusqu’à Harlem. Ou au milieu des Champs-Elysées, de la Place de la Concorde à l’Arc de Triomphe. Ou à Berlin, dans le milieu de Kurfuerstendamm, depuis l’Eglise du Souvenir jusqu’à Messegelaende. Les deux parties de la ville et de ses environs seraient séparées par un mur haut de 9 mètres.

Alors que le Mur n’en était encore qu’à l’état de projet, les habitants ont organisé un certain nombre de manifestations non violentes. Les militants pacifistes israéliens y ont été invités et y ont participé. Mais pendant ce temps, le mur monstrueux est devenu réalité. Il coupe les détenteurs de cartes d’identité israéliennes de la ville où se trouvent leurs affaires et leur lieu de travail. Il coupe les élèves de leurs écoles, qui ne sont qu’à 100 mètres de l’autre côté du Mur. Sans parler des étudiants qui sont séparés de leurs universités ; les malades séparés de leurs hôpitaux ; même les morts séparés de leurs cimetières.

Maintenant le Mur est presque achevé. Il est encore en discussion à la Cour suprême, mais l’expérience montre que c’est sans espoir. On peut encore atteindre la ville en passant par un barrage de l’armée, mais même cette trouée est sur le point d’être colmatée : le Mur obturera ce point de passage également. Par ailleurs, à certains endroits, il y a encore une haute clôture au lieu de la structure en dur, en attendant la conclusion des procès devant la Cour.

Pour protester, un grand événement israélo-palestinien a été programmé. Ce devait être une marche dans la rue principale, le long du Mur (du côté palestinien, bien sûr) partant du centre de la ville jusqu’à une tribune improvisée où des discours seraient prononcés.

Trois réunions préparatoires ont arrêté les détails de la manifestation. Pour souligner le caractère non violent de l’événement, il a été décidé que les élèves séparés de leurs écoles marcheraient en tête dans leurs uniformes d’écoliers, leur cartables sur le dos, accompagnés de leurs professeurs. Un parcours de repli avait aussi été prévu pour le cas où il y aurait un danger de confrontation avec l’armée.

QUAND NOUS - environ 300 militants israéliens de plusieurs mouvements pacifistes - approchions d’a-Ram, nous avons été informés que d’importantes forces attendaient au barrage pour bloquer notre passage. Les contournant, nous avons atteint le Mur du côté « israélien ». A cet endroit il y a une haute clôture au lieu de la structure en dur. Nous l’avons franchie et de nombreux manifestants ont réussi à passer du côté « palestinien » jusqu’à a-Ram, avant que l’armée, surprise par notre tactique, ait réussi à amener des renforts.

Pendant ce temps, de son côté, la manifestation palestinienne avait déjà commencé exactement comme prévu : à sa tête, un groupe de scouts joueurs de tambour avec leurs drapeaux, puis les enfants des petites classes devant les autres écoliers par ordre d’âge, ensuite la manifestation principale, avec posters et drapeaux, conduite par un groupe de dirigeants de tous les partis palestiniens. Les militants israéliens se mêlaient aux Palestiniens pour montrer leur solidarité et j’ai été invité à rejoindre le groupe de tête.

C’est ainsi que je me suis trouvé marchant entre Abou-Ter, le dirigeant du Hamas devenu célèbre en Israël - et pas seulement à cause de son éclatante barbe rousse - et le ministre palestinien des Affaires de Jérusalem, Abou Arafeh, également membre du Hamas. Près d’eux se trouvaient les dirigeants du Fatah, du Front populaire, du Front démocratique et du Parti du peuple (ex communiste). Nous marchions bras dessus bras dessous, et il semblait que la manifestation se déroulerait pacifiquement. C’est alors que, soudain, nous avons vu que la route devant nous était bloquée par un contingent important de soldats et de policiers qui nous attendaient - des rangées de soldats lourdement armés de la tête au pied, précédés de la police montée et suivis des Humvees de l’armée (nouvelle sorte de jeeps utilisées par l’armée pour les actions - ndt).

La préoccupation première était la sécurité des enfants. Leurs enseignants les ont conduits dans une rue adjacente, et nous avons continué à marcher lentement en direction de la tribune. Rien ne pouvait être moins menaçant que la vue de cette rangée de notables marchant bras dessus bras dessous.

SUR CE qui s’est alors passé, je peux témoigner comme témoin oculaire et je suis prêt à être soumis à n’importe quel détecteur de mensonges.

Alors que nous étions à environ 50 mètres de la concentration de soldats et de chevaux dans la rue principale de a-Ram, une voix provenant d’un mégaphone a annoncé que le lieu avait été déclaré « zone militaire fermée » et que notre manifestation était illégale. Alors que nous étions debout face aux soldats, une énorme salve de gaz lacrymogènes nous est tombée dessus. Il n’y avait eu auparavant aucune provocation.

Des nuages de gaz ont jailli entre nous, devant et derrière. Avec en plus des salves de grenades assourdissantes, c’est devenu infernal et nous nous sommes donc échappés vers les maisons avoisinantes. Je suis entré dans la plus proche et je me suis trouvé en compagnie de Abou Ter, qui m’a traité avec une grande amitié. Nos yeux étaient brûlés et larmoyants et nous ne pouvions pas beaucoup parler, mais nous avons décidé d’avoir prochainement une vraie conversation.

Quand le gaz s’est dispersé, nous sommes sortis pour rejoindre la manifestation qui se poursuivait. Des groupes de militants se reformaient sur la route, encore et encore ; les policiers et les soldats nous attaquaient sans relâche avec des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes, surgissant devant nous par vagues - c’était des soldats armés bien protégés, des Humvees et des policiers à cheval (ces derniers portant des chaussures munies d’éperons, ce qui est interdit par les lois israéliennes pour la protection des animaux).

Ce n’est qu’à ce stade - et là est l’essentiel ! - que certains enfants et jeunes du quartier ont commencé à jeter des pierres sur les policiers - des pierres qui ne pouvaient faire aucun mal puisqu’elle tombaient loin des policiers dont les canons à gaz ont une portée beaucoup plus grande. Les organisateurs de la manifestation ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour les retenir mais la colère des jeunes contre les policiers qui avaient envahi leur ville était trop forte. Au bout de deux heures de discussion avec l’officier de police supérieur, le contact a été rompu et les militants israéliens sont rentrés chez eux.

Au cours de ces événements, 12 personnes - sept Palestiniens et cinq Israéliens - ont été arrêtés. Les Israéliens ont été libérés quelques heures plus tard, les Palestiniens ont été maintenus en garde à vue, avec nos avocats pour s’occuper de leur cas.

VOILÀ CE qui s’est passé à a-Ram. A partir de là, c’est devenu une histoire de médias.

La manifestation a été largement couverte pour deux raisons principales : la violence utilisée et ma rencontre avec Abou Ter, qui lui a donné un certain piquant puisque jusqu’à maintenant il n’y avait pas eu de dialogue entre le Hamas et des Israéliens. Les informations des trois chaînes israéliennes de télévision ont largement rapporté l’événement. Cela en soi était inhabituel ; généralement, la plupart des chaînes de télévision ignorent nos manifestations ou ne leur consacrent que quelques secondes (excepté quelques rares reportages de journalistes honnêtes).

Cette fois, aussi, aucun media israélien - TV, radio ou presse écrite - n’a pris la peine d’envoyer sur place des reporters ou photographes pour suivre l’événement ; donc il n’y a eu aucun témoignage oculaire de ce qui s’est passé sur le terrain de la part d’un media israélien. Les chaînes de télévision ont montré des clips empruntés à des réseaux étrangers. Les journalistes n’ont fait que rapporter l’essentiel de ce qu’ils ont entendu de la police et de nous.

Et voilà le résultat : tous les médias ont montré la même chose : les manifestants ont commencé la violence en lançant des pierres, deux policiers « ont été blessés et soignés sur place ». (Ce mensonge se répète à toutes nos manifestations. A se demander s’il n’y a pas deux policiers dont la seule tâche est d’être « blessés et soignés sur place » chaque fois que nous manifestons.)

Les déclarations de la police et de l’armée étaient des mensonges flagrants. Police et armée savaient très bien que notre manifestation serait non violente. Je leur fais confiance qu’ils envoient des agents à toutes nos réunions, et nous discutons de la préparation des manifestations ouvertement par téléphone et par courrier électronique. Deux annonces payantes avaient été publiées avant les événements dans Haaretz. Il est tout à fait clair que l’armée et la police avaient prévu de réprimer la manifestation par la force. Autrement, ils n’auraient pas amenés des chevaux et des Humvees.

Pendant de nombreuses années, nous avons été témoins des mensonges des porte-parole officiels, et je n’ai aucun doute sur le fait que les reporters qui couvrent les territoires occupés en ont conscience. Dans certains médias, une phrase disant « les manifestants prétendent que ce sont les policiers qui ont commencé la violence » apparaît, mais dans tous les médias il est toujours dit que c’est nous qui avons commencé, que la police n’a pas le choix et qu’elle doit réagir.

C’est une tradition israélienne, qui a malheureusement été acceptée par les médias internationaux : les forces de sécurité israéliennes « réagissent » toujours à la violence de l’autre. Mais, assez curieusement, les tués et les blessés sont principalement de l’autre côté.

Le petit exemple de a-Ram illustre ce qui se passe à une grande échelle dans tout le pays : dans les questions concernant l’armée et la police, les informations données dans tous les médias sans exception, de Maariv à Haaretz, de la chaîne 1 à la chaîne 10, ne se distinguent pas de la propagande gouvernementale (avec des exceptions honorables dans les pages « opinions » et dans les publicités payantes).

Les chances que les victimes puissant bénéficier d’une information honnête sont presque nulles. Après tout, ce sont toujours les victimes qui sont à blâmer."

[Traduit de l’anglais « Who’s Guilty ? The Victim, of Course » : RM/SW]

Publié par CAPJPO-EuroPalestine




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Modifié 1 fois. Dernière modification le 25/05/06 17:12 par Sanrival.
S
25 mai 2006 18:06
"L’ÉDUCATION AU RACISME ET LE MEURTRE D’ENFANTS", PAR NURIT PELED.

Publié le 21-05-2006

Encore un beau texte de Nurit Peled, israélienne qui a perdu sa fille de 14 ans, tuée lors d’un attentat suicide et qui n’a cessé de se battre contre la politique criminelle de l’Etat d’Israël.
N’allez pas le chercher dans la grande presse, vous ne le trouverez pas. Merci à Michel Ghys pour sa traduction.


Je voudrais dédier ces mots à la mémoire des enfants palestiniens assassinés jour après jour, de sang froid, non pas à la suite d’une erreur humaine ni à cause d’un raté de la technologie - comme on nous l’explique dans les médias - mais conformément aux procédures. Ces enfants dont jamais personne n’est jugé coupable de l’assassinat méthodique, routinier.

Je voudrais dédier ces mots aux mères de ces enfants assassinés, elles qui continuent à mettre au monde des enfants et à fonder des familles, elles qui se dépêchent de préparer des sandwiches en voyant les bulldozers approcher pour détruire leurs maisons, elles qui accompagnent chaque jour leurs enfants jusqu’à l’école sur des kilomètres de destruction et de saletés, devant les fusils brandis par des soldats apathiques, elles qui savent que ces soldats, assassins de leurs enfants, ne seront jamais amenés à comparaître devant un tribunal et que même s’ils devaient l’être, ils ne seraient jamais jugés coupables, parce que le meurtre d’enfants palestiniens n’est pas un crime dans l’Etat d’Israël, juif et démocratique.

Enfin je voudrais dédier ces mots à la mémoire de l’écrivain et poète, le professeur Izzat Ghazzawi, avec qui j’ai eu l’honneur de partager le Prix Sakharov pour les Droits de l’Homme et la liberté de pensée.

Quelques mois avant de mourir d’humiliation, il m’écrivait à propos des soldats qui faisaient irruption chez lui la nuit, brisant meubles et fenêtres, souillant tout, terrorisant les enfants, « il me semble qu’ils cherchent à faire taire ma voix ». Izzat Ghazzawi m’a demandé de m’adresser au Ministère des Affaires étrangères pour demander qu’ils corrigent l’erreur. Mais son cœur savait la vérité et a cessé de battre peu de temps après.

Cette cruauté qui ne s’exprime pas en mots, cette façon organisée, réfléchie, de maltraiter les gens, que les meilleurs cerveaux juifs sont aujourd’hui engagés à planifier et à perfectionner, tout cela n’est pas né de rien. C’est le fruit d’une éducation fondamentale, intensive, entière.

Les enfants d’Israël sont éduqués dans un discours raciste sans compromis. Un discours raciste qui ne s’arrête pas aux check-points mais gouverne tous les rapports humains dans ce pays

Les enfants d’Israël sont éduqués de manière à considérer le mal que, dès après la fin de leurs études, ils auront à faire passer du virtuel au concret, comme quelque chose d’imposé par la réalité dans laquelle ils sont appelés à fonctionner.

Les enfants d’Israël sont éduqués de manière à considérer les résolutions internationales, les lois et les commandements humains et divins, comme autant de paroles vides qui ne s’appliquent pas à nous. Les enfants d’Israël ne savent pas qu’il y a une occupation. On leur parle de « peuplement ». Sur les cartes de population des manuels de géographie, les Territoires occupés sont représentés comme faisant partie d’Israël ou sont laissés en blanc et indiqués comme « zones dépourvues de données », autrement dit comme des zones inhabitées.

Aucun livre de géographie dans l’Etat d’Israël n’offre de carte des frontières de l’Etat, car les enfants d’Israël apprennent que la véritable entité géographique à nous appartenir, c’est l’entité mythique appelée Terre d’Israël et que l’Etat d’Israël en est une petite partie temporaire.

Les enfants d’Israël apprennent qu’il y a dans leur pays des Juifs et des Non-Juifs : un secteur juif et un secteur non-juif, une agriculture juive et une agriculture non-juive, des villes juives et des villes non-juives. Qui sont ces Non-Juifs-là, que font ils ? De quoi ont-ils l’air ? Est-ce important ?

Quand ils ne sont pas appelés non-juifs, tous ces autres qui sont présents dans le pays sont appelés d’une manière globale : « Arabes ». Par exemple, dans le livre « Israël, l’homme et l’espace » (éd. Centre pour la Technologie de l’Education, 2002), on peut lire, page 12 : « La population arabe [...] A l’intérieur de ce groupe de population, il y a des croyants de différentes religions et des groupes ethniques différents : Musulmans, Chrétiens, Druzes, Bédouins et Tcherkesses, mais comme la majorité d’entre eux sont des Arabes, dorénavant, tout au long de cet ouvrage, nous donnerons à ce groupe le nom d’Arabes ou de population arabe. » Dans le même livre, les Palestiniens sont appelés « travailleurs étrangers » et leurs honteuses conditions de subsistance sont, dit le livre, « caractéristiques de pays développés ».

Les Palestiniens, qu’ils soient citoyens de l’Etat ou qu’ils vivent dans les Territoires occupés, ne sont présentés dans aucun ouvrage scolaire comme des gens modernes, citadins, occupés à des travaux productifs ou prestigieux ou à des activités ethniques positives. Ils n’ont pas de visage. Ils sont représentés par le biais d’images stéréotypées : les Arabes citoyens d’Israël, à qui l’on donne l’appellation rabaissante d’ « Arabes d’Israël », sont représentés soit par des caricatures racistes de l’Arabe version Mille et une nuits, portant moustache et keffieh, chaussures pointues de clown et avec un chameau se traînant à sa suite (Géographie de la terre d’Israël, 2002), soit par la photo raciste typique de la représentation du tiers-monde en occident - le paysan d’avant la technologie, marchant derrière une charrue primitive tirée par une paire de bœufs (Les gens et l’espace, 1998). Les Palestiniens qui habitent dans les Territoires sont représentés par des photos de terroristes cagoulés (Le vingtième siècle / Temps modernes II), ou de troupes de réfugiés allant nu-pieds de nulle part vers nulle part, avec des valises sur la tête (Voyage vers le passé, 2001). Les qualificatifs que reçoivent ces stéréotypes dans les manuels scolaires sont « cauchemar démographique », « menace sécuritaire », « fardeau pour le développement » ou « problème qui doit trouver sa solution ».

Bien que les zones palestiniennes ne soient pas indiquées sur les cartes, l’Autorité Palestinienne est un ennemi. Par exemple, dans le livre « Géographie de la terre d’Israël », de 2002, on trouve un sous-chapitre intitulé « L’Autorité Palestinienne vole de l’eau à Israël, à Ramallah ».

Mais par-dessus tout, le racisme trouve à s’exprimer dans des livres réputés non racistes et ignorant peut-être le discours raciste qu’ils véhiculent. Des ouvrages qualifiés par des chercheurs de « progressistes, hardis, politiquement corrects », des ouvrages tournés vers la « vérité historique » et la paix. Par exemple, Le vingtième siècle, d’Elie Barnavi, page 244 : « Chapitre 32 : les Palestiniens, de réfugiés à une nation. Ce chapitre examine le développement du problème palestinien [...] et les attitudes, dans le public israélien, à l’égard de ce problème et de la nature de sa solution. » Si on me disait que ce titre vient d’ailleurs, qu’il a un peu plus de soixante ans et qu’au lieu du problème palestinien, il y est question du « problème juif », je ne serais pas surprise.

Comment s’est créé ce problème ? Temps moderne II, d’Eli Barnavi et Eyal Naveh, explique, page 238 : « [...] C’est dans la pauvreté, dans le désœuvrement et dans la frustration, qui étaient le lot des réfugiés dans leurs misérables camps, qu’a mûri "le problème palestinien". » Qu’amène ce problème ? Page 239 : « [...] Le problème palestinien empoisonne, depuis une génération et plus, les relations d’Israël avec le monde arabe et avec la communauté internationale. » Pour cet ouvrage, l’identité des Palestiniens est fondée sur « le rêve du retour en terre d’Israël » et non pas en Palestine (page 238 : « Les Palestiniens... ont fondé leur identité sur le rêve du retour en terre d’Israël »).

Comment le nationalisme palestinien s’est-il créé ? Temps modernes II : « Au fil des ans, l’aliénation et la haine, la propagande et les espoirs de retour et de vengeance ont fait des réfugiés une nation [...] »

Le livre explique aussi que la présence des Palestiniens parmi nous est susceptible de « transformer le rêve sioniste en cauchemar version Afrique du Sud » (Le vingtième siècle, page 249). Ces propos ont été écrits après la victoire de Nelson Mandela, mais le livre identifie encore les Juifs de l’Etat d’Israël avec les Blancs d’Afrique du Sud pour qui la population indigène est un cauchemar.

L’assassinat de Palestiniens par des Israéliens a toujours des répercussions positives, selon ces ouvrages pédagogiques : Temps modernes, Elie Barnavi et Eyal Naveh.

Page 228 : « Le massacre de Deir Yassin n’a en fait pas inauguré la fuite massive des Arabes du pays qui avait débuté avant ça, mais l’annonce du massacre l’a fortement accélérée. » « Inauguré » est un mot festif. Et tout de suite après, à la page 230 : « La fuite des Arabes a résolu, au moins partiellement, un terrifiant problème démographique, et même quelqu’un de modéré comme Haïm Weizman a parlé à ce propos de ‘miracle’. »

C’est ainsi que les enfants d’Israël apprennent que c’est un pays sans Arabes - la réalisation de l’idéal sioniste. Ils apprennent que tuer des Palestiniens, détruire leurs terres, assassiner leurs enfants n’est pas un crime, au contraire : le monde éclairé tout entier a peur du ventre musulman et tout parti au pouvoir qui veut gagner des élections et faire la démonstration de son engagement dans le sionisme, ou la démocratie, ou le progrès, fait, à la veille des élections, la surprise d’une opération ostentatoire de meurtre de Palestiniens.

Et cela en dépit du fait que les écoles juives dans l’Etat d’Israël sont pleines de slogans disant « d’aimer l’autre et d’accepter celui qui est différent ». Apparemment, l’autre, celui qui est différent, ce ne sont pas les gens de l’endroit où nous vivons.

Les enfants d’Israël en savent davantage sur l’Europe - patrie de fantaisie et idéal des dirigeants du pays - que sur le Proche-Orient où ils vivent et qui est le foyer d’origine de plus de la moitié de la population israélienne. Les enfants juifs, dans l’Etat d’Israël, sont éduqués dans des valeurs humaines dont ils ne voient la concrétisation nulle part autour d’eux. Au contraire.

Partout ils assistent à la violation de ces valeurs. Une étudiante qui se définissait elle-même comme « une habitante de Tel Aviv, favorisée, appartenant à la classe moyenne », témoignait ainsi de cette confusion lorsqu’elle s’étonnait de ce que « des soldats de mon peuple, qui me protègent et veulent ma sécurité » maltraitent, sans sourciller, un père palestinien et son fils (Haaretz, 13.03.2006).

Dans ce contexte, l’expression « des soldats de mon peuple, qui me protègent et veulent ma sécurité » est ce qui exprime plus que tout l’idéologie des racistes : maltraiter l’autre est interprété comme défense de ceux de notre camp. Cette violence faite à l’autre est ce qui nous définit et crée une solidarité : nous les maltraitons, signe que nous sommes un peuple uni, consensuel, et tous responsables les uns des autres.

Qui sont ces gens qu’elle dit « de mon peuple » ? Le mot « peuple », tout comme le mot « nous », est un des mots les plus chargés qui soient. C’est un mot qu’on présente comme s’il ne laissait pas le choix, comme un coup du sort, une œuvre de la nature. La mort nous a obligé, ma famille et moi, à scruter ce mot en profondeur. Quand, il y a quelques années, une journaliste m’a demandé comment je pouvais recevoir des paroles de consolation venant de l’autre côté, je lui ai immédiatement répondu que je n’étais pas prête à recevoir de paroles de consolation venant de l’autre côté ; la preuve : lorsqu’Ehoud Olmert, le maire de Jérusalem, est venu exprimer ses condoléances, je suis sortie de la pièce et j’ai refusé de lui serrer la main ou de lui parler. Pour moi, l’autre côté, c’est lui et ses semblables.

Et cela parce que mon « nous » à moi ne se définit pas en termes nationalistes ou racistes. Mon « nous » à moi se compose de tous ceux qui sont prêts à lutter pour préserver la vie et pour sauver des enfants de la mort. Des mères et des pères qui ne voient pas une consolation dans le meurtre des enfants des autres.

Il est vrai que là où nous sommes, ce camp compte davantage de Palestiniens que de Juifs, parce que ce sont eux qui tentent à tout prix - et avec une force qui ne m’est pas familière mais que je ne peux qu’admirer - de continuer à mener une existence dans les conditions infernales que le régime de l’occupation et la démocratie juive leur imposent. Néanmoins, pour nous aussi, victimes juives de l’occupation, qui cherchons à nous dégager de la culture de la force et de la destruction dans la guerre de civilisations qui se mène en ces lieux, pour nous aussi il y a place ici.

Mon fils Elik est membre d’un nouveau mouvement qui a fleuri sous le nom de « Combattants pour la paix » et dont les membres sont des Israéliens et des Palestiniens qui ont été des soldats combattants et qui ont décidé de fonder un mouvement de résistance non violente à l’occupation. Ma famille est membre du Forum des familles endeuillées, israéliennes et palestiniennes, en faveur de la paix. Mon fils Guy fait du théâtre avec des amis israéliens et palestiniens qui se voient comme des gens vivant au même endroit et cherchent à se libérer d’une existence toute tracée, de malfaisance et de racisme qui n’est pas la leur. Et mon plus jeune fils Yigal fait chaque année un camp d’été de la paix où des enfants juifs et des enfants palestiniens s’amusent ensemble et créent des liens solides qui se maintiennent l’année durant. Ce sont ces enfants-là, son « nous » à lui.

Et cela parce que nous sommes une partie de la population vivant en ce lieu et parce que nous croyons que cette terre appartient à ses habitants et pas à des gens qui vivent en Europe ou en Amérique. Nous croyons qu’il est impossible de vivre en paix sans vivre dans les lieux-mêmes, avec ses habitants. Qu’une fraternité réelle ne s’établit pas sur des critères nationalistes et racistes mais sur une vie commune en un lieu déterminé, dans un paysage déterminé, et sur des défis relevés en commun. Que celui qui ne franchit pas les frontières de la race et de la religion et qui ne s’intègre pas parmi les gens du pays où il est né n’est pas un homme de paix. Malheureusement, il y en a beaucoup ici qui se disent gens de paix mais qui, voyant des compatriotes emprisonnés dans des ghettos et des enclos dont tout le but est d’affamer jusqu’à la mort, ne protestent pas et envoient même leurs fils servir dans l’armée d’occupation, jouer les sentinelles sur les murs du ghetto et à ses portes.

Je ne suis pas une femme politique mais il est clair pour moi que les politiciens d’aujourd’hui sont les étudiants d’hier et que les politiciens de demain, ce sont les étudiants d’aujourd’hui. C’est pourquoi il me semble que celui qui fait de la paix et de l’égalité sa devise doit s’intéresser à l’éducation, l’explorer, la critiquer, protester contre la propagation du racisme dans le discours pédagogique et dans le discours social, proposer des lois ou réactiver des lois contre un enseignement raciste et instaurer des cadres alternatifs où s’offre à s’enseigner une connaissance de l’autre réelle, profonde, barrant toute possibilité de s’entretuer. Un tel enseignement devrait mettre sous les yeux les images des petites filles, étendues avec leur solennel uniforme d’école, dans la crasse, le sang et la poussière, leur petit corps criblé de balles tirées selon les procédures, et poser, jour après jour, heure après heure, la question posée par Anna Akhmatova qui, elle aussi, avait perdu son fils dans un régime meurtrier :

« Pourquoi ce sillon de sang déchire-t-il la fleur de ta joue » ?

[www.mahsanmilim.com]

(Traduction de l’hébreu : Michel Ghys)


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