RELIGION ET ÉCOLE - Les demandes de dispense à des cours de l’enseignement obligatoire émanent, pour moitié, de fondamentalistes chrétiens. XAVIER ALONSO
BERNE
«Nous constatons le retour d’un certain fondamentalisme à l’école. Les musulmans ont leur part, mais ce ne sont pas les seuls. » Le constat est de Jacques Daniélou, président de la Société pédagogique vaudoise. Et s’il se veut nuancé, il évoque néanmoins «une intrusion des questions religieuses dans l’école». Laquelle amènerait parfois ses collègues – à son grand regret — à éviter autant que possible les sujets qui fâchent.
Lesquels? L’enseignement religieux, les cours de biologie et ceux d’éducation sexuelle, la «gym» mixte, sans parler de la piscine… Eh oui, l’école laïque et neutre propose des enseignements qui heurtent certains chrétiens! Les créationnistes, par exemple, désapprouvent l’enseignement de la théorie de l’évolution. L’éducation sexuelle n’enthousiasme guère les sévères évangéliques. Ainsi, à Zurich, selon nos confrères de laDRS, plus de la moitié des dispenses à des cours et à des activités scolaires émane des cercles chrétiens fondamentalistes. Si le chiffre exact manque, la proportion est quittancée par la déléguée à l’Intégration du canton.
«J’ai effectivement connaissance de quelques parents chrétiens qui refusent que leur enfant suive des cours», explique Maximilien Bernhard. Cet Yverdonnois de 40 ans est le secrétaire romand de l’Union démocratique fédérale (UDF), parti qui fait de la politique Bible à la main. Le Vaudois n’a pas voulu, lui, soustraire ses deux enfants à l’école obligatoire vaudoise. «La méthode Enbiro aborde toutes les religions selon une approche historique. Mais la prééminence chrétienne reste», se satisfait ce fervent chrétien.
«Il n’y a pas de cas récurrents à traiter, en dehors des cours d’éducation sexuelle. Les familles réticentes doivent rencontrer les éducateurs en charge du cours pour un dialogue que nous estimons essentiel. L’intégration est notre priorité», avance le Genevois Manuel Schüle, directeur général du Cycle d’orientation. A Genève comme dans le canton de Vaud, tous nos interlocuteurs issus de l’instruction publique soulignent la marginalité des dispenses. Qui sont réglées par la négociation au cas par cas et par l’appréciation des directeurs d’établissements. Mais Manuel Schüle l’admet, ces cas sont le fait, à proportion égale, de rigoristes musulmans comme de chrétiens.
Pour le coup, les départements de l’instruction publique des deux cantons sont dans l’incapacité de donner les chiffres de ces dispenses motivées par «l’éthique et la religion». En revanche, la politique s’en étant mêlée, le nombre d’élèves portant le foulard islamique est mieux connu dans certains cantons. Aussi, pour répondre à une motion UDC – interdiction du port du voile tout au long de la scolarité –, Vaud a fait le tour de ses 90 établissements primaires et secondaires. Résultat? Environ 200 élèves portent le voile (pour 80 000 enfants scolarisés). Le Grand Conseil vaudois a classé l’objet. Il ne sera pas débattu. Fribourg aussi devra donner une réponse politique à l’interdiction du voile… Ce canton, sans doute davantage marqué par la culture catholique, se montrerait-il plus sensible au «fait religieux dans l’école»? Pour faire face, entre autres, à la vingtaine de demandes de dispenses par an (pour une bonne moitié exigée par des fondamentalistes chrétiens), Fribourg publiera en septembre une brochure destinée aux enseignants. Diversité religieuse et culturelle à l’écoledonnera des réponses uniformes aux demandes particulières concernant toutes les religions.
«Ce n’est pas vraiment nouveau, explique Patrice Borcard, conseiller scientifique au département dirigé par la conseillère d’Etat Isabelle Chassot (PDC). A une époque, Ecône nous avait posé des problèmes, mais cela avait été réglé dans une certaine intimité… Ce qui a changé? Le regard de la société et la sensibilité aujourd’hui plus aiguë pour ces choses. Surtout quand les demandes émanent d’élèves musulmans. » [archives.24heures.ch]
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