Un vol est commis au palais royal de Marrakech. La police judiciaire arrête des suspects. En relâche quelques-uns. Une brigade spéciale -dénomination de sinistre mémoire - arrive de Rabat et refait le travail. Résultat : Un homme meurt sous la torture. Ce n'est pas un mauvais roman à la SAS, c'est bien arrivé en ce début de mois de septembre sous le nouveau règne, sous l'égide d'un soi-disant concept novateur de police de proximité respectueuse des Droits de l'Homme. On a du mal à croire que le Roi ait demandé à Hmidou Lâanigri de retrouver les coupables de ce délit, somme toute mineur, par tous les moyens, y compris la torture allant jusqu'au meurtre. Ce qui ne laisse aucun doute toutefois, c'est l'incapacité du nouveau règne, après six longues années, à imposer, au sein des services de sécurité, une culture respectueuse des droits des individus, respectueuse de la loi tout simplement. C'est bien une culture délinquante, criminelle qui mène des éléments de la police à traiter leurs concitoyens comme des sous-êtres humains. Car le triste sort de Hassan Zoubairi, citoyen marocain décédé suite aux sévices de la police, est une métaphore de la relation du makhzen avec les citoyens marocains. La vie d'un Marocain ne vaut pas des objets volés dans un palais royal. Excessif ? C'est à la monarchie de le démontrer en permettant une enquête qui soulignerait la responsabilité des uns et des autres, quel que soit leur niveau hiérarchique. Cette affaire constitue désormais un contentieux sérieux entre la société et la monarchie. En ne rétablissant pas la collectivité dans ses droits, en n'éclaircissant pas cette affaire jusqu'au bout, Mohammed VI nous signifiera notre condition d'êtres humains de seconde catégorie. Il en assumera la responsabilité devant l'Histoire. Les Marocains de bonne volonté ne doivent pas se taire devant cette horreur. Tous les moyens légaux et pacifiques doivent être utilisés pour que cette infamie soit exposée et judiciairement condamnée. Où sont les Benzekri, les Yazami et autres Ouadie ? Quels mots de réconfort ont-ils à offrir aux proches de Hassan Zoubairi ? Eux qui se sont démenés pour blanchir la réputation des services de sécurité marocains après les révélations sur les centres de détention secrets et les pratiques extensives et avérées de la torture par ces mêmes services… Pourquoi parler ici de ces personnes en particulier ? Parce qu'elles sont des pièces maîtresses dans la campagne de ravalement de façade du régime, auprès des opinions publiques nationale et internationale. Il est temps pour elles d'être mises devant leurs responsabilités. Quant à ce nouveau règne dans lequel beaucoup de Marocains ont mis leurs espoirs, il est temps pour lui de réaliser qu'à force de couvrir la médiocrité de certains de ses hommes, la malhonnêteté d'autres, il prend le risque de s'aliéner une société qui ne demandait que sa réussite. Et puis, quel cadeau aux militants indépendantistes sahraouis que cette affaire ? Imaginez que, lors de l'audition organisée par le Congrès américain consacrée à l'affaire du Sahara et aux Droits de l'Homme, fin septembre, un élu américain pro-Polisario évoque l'affaire en ces termes : « Comment peut-on croire à la sincérité du régime marocain lorsqu'il parle de respect des Droits de l'Homme alors qu'il n'hésite pas à torturer jusqu'à la mort ses propres citoyens pour des histoires de cambriolages au palais royal ? ».
Aboubakr Jama. Le Journal.
--------------"Généralement, les gens qui savent peu parlent beaucoup, et les gens qui savent beaucoup parlent peu."
Rousseau.
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