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Texte de l’interview donnée par Mme Nadia Yassine (traduit en français)
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19 juin 2005 08:34

Texte de l’interview donnée par Mme Nadia Yassine à l’hebdomadaire Al Osbouiya


Les américains entretiennent des contacts avec les leaders de l’Association Justice et Spiritualité à travers plusieurs canaux, fait confirmé par les concernés et interprétés par certains comme des indicateurs pouvant aboutir à une certaine formule d’intégration de la Jamaa dans la scène politique marocaine. Qu’en dites vous ?

Au nom de Dieu Le Clément, Le Tout Miséricordieux et que Le Salut et La bénédiction divine soient sur le seau des Prophètes. D’abord, s’il y a eu effectivement des déclarations des dirigeants de l’Association à propos de ces contacts, cela les concerne directement et je ne peux me prononcer à leur place. Par contre, je peux parler de ce que me concerne : j’ai été invitée par l’Université Berkeley en ma qualité de penseur et d’écrivain, d’intellectuelle plutôt. Je n’ai été invitée ni par la Maison Blanche ni par le Pentagone, ni par le Capitole, ni par aucune autre instance officielle. L’université qui m’a invitée est fort connue par son opposition ferme à la politique américaine officielle, notamment celle du président Georges Bush.



Mais l’invitation qui vous a été adressée est venue à un moment où le climat international est imprégnée d’une forte hostilité à tout ce qui a trait à l’Islam, partant du postulat suivant : que tout idéologie islamique est par essence terroriste. Ne croyezvous pas que les choses ne sont pas aussi simples que vous les présentez ?

Je ne sais pas. Je suis avec vous lorsque vous affirmez qu’il y a en Amérique une forte tendance visant à la métamorphoser : après avoir été un « état de droit », elle devient un état de contrainte qui impose ses décisions à tous, même aux sphères considérées auparavant comme des espaces libres. L’explication que vous avez avancée est fort plausible mais dans tous les cas, cela prouve que l’Association Justice et Spiritualité n’est – selon les américains euxmêmes – pas terroriste.



Dans le même cadre, y atil eu des contacts directs entamés par le pouvoir politique marocain avec la Jamaa pour la faire participer, en toute légitimité, à la vie politique?

Je ne crois pas qu’il y a des contacts directs. Le Makhzen n’étant qu’un laquais servant les grandes puissances, des contacts ayant cette visée ne sont pas envisageables. Bien sûr, le grand rêve du Makhzen est d’intégrer l’Association, mais cela demeure impossible.



Plusieurs observateurs formulent à l’égard de votre action interne dans la Jamaa plusieurs critiques : par exemple, vous n’associez pas les jeunes membres à la prise de décisions, vous freinez leur aspiration à faire participer leur association à l’action politique légale. Estce là une exclusion consciente de cette large tranche de la Jamaa ?

Je ne sais pas si, effectivement, cette tranche existe et je me demande pourquoi elle ne présente pas ses initiatives et ne rejoint pas le PJD qui ouvre ses portes à ceux qui désirent participer au jeu politique, considéré par lui comme un paradis politique. Nous, nous n’y voyons qu’un enfer. Car s’associer avec le Makhzen n’a qu’une seule signification : s’engager dans un processus de manipulation qui ne peut nous convenir. Je crois plutôt que nos jeunes membres sont pleinement conscients de nos enjeux. Car celui qui adhère à notre association adopte une vision très claire des choses et acquiert la foi en ses principes. Je ne crois pas qu’il y a problème à ce niveau.



Vous avez qualifié la participation au jeu politique avec le Makhzen d’ « enfer » alors que le champ politique ne vit pas cette bipolarité absolue. Ne croyez vous pas que la politique offre une liberté d’action qui en fait un art, celui de partir de ce qui est pour réaliser ce qui pourra être. Pourquoi alors cette tendance à préserver la virginité politique de la Jamaa ?

Nous avons à maintes reprises évoqué cette question. N’empêche …..



(l’interrompant) : Y atil du nouveau à propos de cette répugnance à descendre dans l’arène politique telle qu’elle est actuellement ?

Il n’y a rien de nouveau puisqu’au Maroc, rien n’est nouveau. A chaque fois, le Makhzen prend une nouvelle couleur. C’est un caméléon politique. Or, le caméléon demeure toujours un caméléon, il ne peut se métamorphoser en dinosaure par exemple.



Le changement fait loi pour tout le monde. Rien ne demeure inchangé. Qu’est ce qui a changé dans votre Association ?

Si vos permettez, je finis ma réponse. Nous parlons toujours du Makhzen comme s’il offre de véritables occasions, comme si nous avions un véritable jeu démocratique, un véritable parlement … Nous n’avons rien de tout ceci. Tout le monde sait actuellement comment les partis et les institutions sont manipulés pour servir une seule cause, celle du Makhzen qui conduit les choses vers un seul point. Nous savons tout cela comme le sait chaque marocain éveillé. Notre participation à ce jeu nous entacherait et nous ferait perdre une chose essentielle : la confiance des marocains. Concernant nos nouveautés, plusieurs changements ont été opérés, notamment dans le domaine qui nous intéresse le plus, celui de l’éducation. Nous avons un système éducatif, négligé, hélas, par la presse et qui se développe, Dieu merci, chaque jour d’avantage. Nous préparons notre jeunesse à un avenir très proche pour nous, hors de portée pour certains, dans lequel l’étau qui enferme ce peuple se desserrera.



Dans votre association, vous appelez à accepter le jeu démocratique mais, en même temps, vous vous abstenez de prendre part au processus électoral ?

Le Maroc n’est pas un pays démocratique. Nous rejetons ce jeu imposé par le Makhzen. Nous n’accepterons le jeu que lorsque la démocratie deviendra un outil permettant de rejoindre notre concertation (Shoura) et les contenus de la véritable démocratie dont les élections libres. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Nous ne pouvons donc accepter un scénario préfabriqué : des élections falsifiées ou conditionnées comme ce fut le cas dernièrement avec le PJD. Nous ne sommes pas contre le principe des élections mais contre l’issue de ces élections au Maroc.



Quelle est votre évaluation de la participation du PJD au jeu politique après toutes ces années ?

D’habitude, mes propos sont « crus », aussi mes ennemis sontils nombreux. Je ne veux pas critiquer ces gens. Je ne peux nier le fait qu’ils ont un fond de sincérité considérable. En entrant dans l’arène politique, ils croyaient pouvoir changer le régime qui a réussi à déformer l’essence même de leur participation. Ils ont été manipulés de la pire des manière, pire que les autres partis. Ils ont permis au Makhzen de promouvoir une fausse image, celle d’un pouvoir démocratique qui a réussi à assimiler ces islamistes « belliqueux ». Un gain inestimable dans la politique internationale. De plus, vues les causes dont ils se sont fait les défenseurs, on constate qu’ils ont pris la place de Alaoui Mdaghri et adopté un islam officiel « salafisé » pour qu’en fin de compte l’aile du Makhzen couvre –Dieu merci le soufisme et le salafisme …



(l’interrompant), Il ne manque à ce cocktail que l’association Justice et Spiritualité ?

Dieu nous en préserve !



Même si le Makhzen vous fait la cour ?

Nous ne lui offrirons pas l’occasion que les autres lui ont offerte.



La chose estelle impossible ? Quelles sont vos conditions pour participer au jeu politique ?

Nos conditions sont nombreuses mais elles sont claires. La première est la constitution qui n’est, en fait, qu’un cadenas. Il nous faut une révision totale de cette constitution, des garanties pour ne pas revenir à une constitution offerte permettant toutes les rechutes et toutes les magouilles …



Que reproche la Jamaa à la constitution actuelle ?

Beaucoup de choses …



Les plus importantes ?

D’abord, l’article 19 qui concentre les pouvoirs dans une seule main : celle du Roi. Mais, la constitution est un tout (…). Elle mérite d’être jetée dans la décharge de l’histoire. Nous devons adopter une nouvelle constitution bâtie sur de véritables choix démocratiques.



Bon. Quelle forme et quel contenu constitutionnels prônezvous pour le Maroc ?

Nous ne voulons pas décider à la place des marocains, sinon nous ne ferons que reproduire le modèle Makhzanien que nous rejetons. Dans tel cas, il vaut mieux garder la formule constitutionnelle existante. Lorsque mon père a appelé au pacte islamique, il n’optait nullement pour l’exclusion tant évoquée par la presse. Car cette presse ne s’est même pas donnée la peine d’approfondir la réflexion à propos des passages du livre de mon père traitant de la question. Avant tout, le pacte veut dire la participation de toutes les parties malgré tous les litiges provoqués entre elles par le Makhzen pour en tirer profit. Des litiges sur fond de tribalisme ou de divergence politique, quoiqu’il ne faille pas parler d’une véritable divergence, puisque mêmes les gauchistes se déploient corps et âmes pour préserver l’article 19 de la constitution, pour ne pas dire plus. Quant aux divergences de nature tribale, nous acceptons les spécificités, mon père étant d’origine amazigh et il est fier de son origine …



Tsawalt tamazight (parlezvous amazigh)?

(riant) : Imik imik (un peu). Toutefois, nous considérons qu’il est impossible de rester prisonnier de cette tendance tribale alors que le monde entier s’efforce de s’unir et cherche à créer des espaces communs sur la base de questions très vastes. Il serait donc insensé de se laisser enfermer dans un cadre étroit comme le tribalisme. Et c’est pour cela que nous avons appelé au pacte islamique : que tous les constituants politiques se réunissent autour d’une seule cause pour faire évoluer le peuple marocain vers ce qui est positif.



Ne voyez vous pas qu’il y a là une contradiction : vous parlez de l’impossibilité de participer au jeu politique alors que vous évoquez en même temps la possibilité d’une rencontre avec des constituants politiques qui y participent pleinement ?

Effectivement ! Les partis participent au jeu du Makhzen mais nous sommes conscients qu’à l’intérieur de ces partis, il y a de bonnes volontés. Nous l’avons dit et répété, même si une certaine presse n’a jamais cessé d’affirmer le contraire. Mais ces volontés demeurent prisonnières de leurs engagements partisans. Nous voulons les aider à réaliser des actions positives. Et sans cet optimisme, il ne resterait plus rien à faire au Maroc. Il faut agir avec ceux qui sont positifs dans notre société car nous sommes contre la violence. Nous ne sommes nullement une Jamaa de rejet. Nous ne sommes pas pour la terre brûlée. Il nous faudrait une phase transitoire car un 10% de volonté de changement vaut mieux que rien et nous sommes prêt à agir à partir de ce taux là. Mais nous refusons d’agir dans un cadre préétabli par le pouvoir central.



Vous vous sentez plus proche de quel élément de la scène politique, sachant que votre référentiel est différent, sinon contradictoire avec les autres constituants ?

Au Maroc, nous sommes confrontés à un défi majeur. Le Makhzen a domestiqué et manipulé tout le monde. Nous pensons donc que, pour sortir de cette impasse, il nous faut trouver une plateforme commune. Le problème du référentiel ne se pose pas avec acuité. Même le parti communiste marocain ne rejette pas la spécificité islamique. Tout le monde se dit musulman.



Que désignez vous par les communistes ?

Haj Ali Yata – Que Dieu ait son âme par exemple. Même ceux qui se disent laïques et optent pour l’irréligion affirment en même temps que le légitimité du pouvoir au Maroc est fondée sur ce qui est religieux et la reconnaissent en tant que telle. Pourquoi donc ne pas opter pour une légitimité qui nous rassemblerait tous. Il y a un cadre islamique qui garantit un certain nombre de libertés que nous avons évoquées dans le pacte islamique. Nous avons dit haut et fort que nous sommes prêts à aller vers une phase où les programme seront clairs, où le peuple se mobilisera pour une vie démocratique réelle, pour atteindre un jour où se tiendront de véritables élections qui permettront au peuple de dire par exemple qu’il ne veut pas de référentiel islamique, qu’il n’a pas besoin de l’Association Justice et Spiritualité. Et qu’il en soit ainsi. Nous voulons pour le Maroc une constitution qui nous empêche d’accaparer le pouvoir. Y atil une sincérité politique plus forte que celleci ? Je ne crois pas.



L’émirat des croyants est une source de litige entre la Jamaa et le pouvoir. Mais vous ne croyez pas que le débat sur ce sujet ouvrirait la voie aux laïcs ?

Nous sommes pleinement conscients de ce défi mais nous croyons que, par là, nous choisissons le moindre mal. Les laïcs, quant à eux, disent que mieux vaudrait l’émirat des croyants que les islamistes. Aussi sontils devenus plus royalistes que le roi ; ce qui est étrange au Maroc. Les islamistes, pour leur part, disent que mieux vaut l’émirat des croyants, avec tout ce qu’il comporte, que les laïcs. Nous, nous croyons que nous avons plutôt besoin d’une politique forte qui relèverait ce défi là. Nous disons bienvenue aux laïcs pour qu’ils restent, pour qu’ils exposent leurs programmes et soient prêts à entrer dans le jeu politique, afin que celui qui prône l’irréligion ait le droit d’exprimer son opinion. Ceci à une seule condition : qu’il y est un jeu politique clair et un choix démocratique réel. Nous n’excluons pas les laïcs et les athées. Nous exprimons notre besoin d’avoir un régime politique fondé sur une véritable démocratie.



Certains journaux ont rapporté les propos que vous avez proférés dans l’université Berkeley, et dans lesquels vous affirmez que le meilleur régime pour le Maroc est la république. Dans quel contexte avezvous avancé une telle thèse ? Pouvez vous y apporter quelques éclaircissements ?

C’est ce qui a été écrit après mon retour des EtatsUnis et cela a pris la forme d’une déclaration ; ce qui n’est nullement le cas. J’ai fait une intervention dans cette université mais je n’ai nullement prononcé le mot « république » et le texte de l’intervention est toujours sur le site électronique de la Jamaa. Je ne nie pas cela par crainte. J’ai effectivement évoqué la république mais dans un autre contexte, lorsque j’ai rencontré, toujours dans la même université, un chercheur. C’est une conviction personnelle qui n’engage que moi. Je m’exprime en tant qu’intellectuelle qui analyse une conjoncture. Lorsque nous disons que la monarchie ne convient pas, cela implique le choix d’une autre alternative. En fait, je fus confrontée à un choix précis : la monarchie ou la république…



Et vous avez choisi la république ?

Bien sûr, j’ai choisi la république. C’est un point de vue purement académique, car, entre l’autocratie et la république, j’opte pour cette dernière. Je l’ai dit dans un cadre universitaire et cela n’engage que moi. Je ne suis nullement un porteparole de la Jamaa. J’ai des convictions que j’exprime clairement et je n’ai pas avancées de tels propos en Amérique, parce que je demandais la protection d’autrui pour pouvoir exprimer mon opinion. La chose s’est passée dans un contexte académique et ce qui a été publié par la suite sur le sujet n’était que du bricolage informatif. Cette opinion, je l’avais exprimée il y a plusieurs années dans la presse nationale.



Qu’ y atil de nouveau dans un Maroc commandé par un régime monarchique hérité depuis des siècles pour que vous dites, d’un point de vue purement académique, que le meilleur régime pour le Maroc est une république sans monarchie ?

Lorsque nous discutons dans un cadre académique, cela veut dire que nous sommes soumis à ce qui est théorique et stratégique, ce qui ne concorde pas avec les réalités politiques qui veulent que les marocains ne sont pas prêts pour la république. Nous croyons que la politique ne peut s’accomplir que si le peuple y participe pleinement. Nous respectons le choix du peuple. Et je crois que si nous organisons maintenant des élections ou un référendum supervisé par les NationsUnis – n’ayant pas de garanties réelles de leur transparencepour répondre à cette question : Que voulez –vous ? la monarchie ou le république ? la majorité opterait pour la monarchie, vue l’inexistence d’une culture politique.



Restons dans le cadre de ce qui est académique. Pourquoi opter pour le régime républicain au lieu de la monarchie au Maroc ?

Parce que le régime républicain est plus proche de notre conception …



Dans la Jamaa ?

(Riant) Vous voulez compromettre la Jamaa...plutôt avec ce que je considère comme plus convenable. Un régime de concertation (shura) fondé sur ce qui est républicain. Le problème, c’est que, lorsque, dans l’histoire de l’Islam, le pouvoir est tombé dans les mains des Omeyyades et des Abbasides, ces derniers se sont efforcés d’éloigner les gens de la véritable politique. En fait, nous avons vécu une laïcité réelle durant certaines périodes de notre histoire. Les pires catastrophes se sont succédées après sur nous et elles demeurent encore. Tenez, au Maroc par exemple, on nous dit : voilà votre espace : la moudawana exclusivement, tout ce qui a trait au pouvoir, vous en êtes exclus. Le roi prend les décisions et le gouffre se creuse entre le peuple et la chose publique. Voilà pourquoi au Maroc, nous vivons une véritable calamité. Et c’est pour cela que j’ai formulé cette opinion académique, à savoir ma préférence du régime républicain. Ceci ne nous empêche pas de préparer le peuple marocain, d’éveiller sa conscience politique en remettant en cause la politique éducative.

Les marocains ont été vidés de leur substance. La politique éducative adoptée depuis longtemps a réduit leur champ d’action soit à l’enthousiasme, soit à la colère. Il n’y a pas de culture politique constructive. Nous pouvons les réveiller et leur faire prendre conscience de leur foi, de leurs affaires, des impacts politiques et économiques… Notre religion étant en corrélation permanente avec les affaires d’icibas, lorsque nous proclamons qu’il n’y a de dieu que Dieu, le « il n’y a» devient un « non » catégorique à l’iniquité politique qui s’applique à nous et qui est inhérente à la nature du régime politique actuel : la monarchie héritée. Je considère donc, du point de vue académique, que ce régime ne convient pas à une société qui veut construire ou donner quelque chose de convenable. Il nous faut préparer les marocains à prendre conscience de leur réalité politique et à l’améliorer au lieu de se résigner à subir pour l’éternité un tel régime. Nous devons laver cette insulte qui nous est adressée par les occidentaux : que les arabes et les musulmans ne sont prêts pour la démocratie et la république. Sommesnous différents des autres nations ? N’avonsnous pas le droit de respirer un peu d’air libre ? Sommesnous condamner à nous accrocher à cette monarchie jusqu’au jour du Jugement Dernier ?

Nous sommes contre la violence, qu’elle soit contre l’institution monarchique ou contre le peuple marocain et nous devons cheminer doucement vers une véritable réforme à travers une culture d’émancipation de la pensée restreinte. Périronsnous si nous restons sans roi ? je ne crois pas.



Comment pourronsnous, nous qui nous nous référons à la religion, avancer que le modèle qui nous convient le plus et celui de la république alors que ce terme politique est inexistant pour le référentiel islamique opte plutôt pour le Califat ou l’Emirat ?



Nous croyons que cette mort politique, spirituelle et sociale que vit le monde musulman découle de cette restriction imposée à la gouvernance et à la réflexion. Le régime politique a loué les services du fiqh (Jurisprudence) pour faire légitimer son autocratie. Ce fut une calamité : une complicité entre le pouvoir et le fiqh pour fermer la porte de l’Ijtihad (effort d’interprétation) et tailler le fiqh selon la mesure définie par le pouvoir.



Nous pensons qu’il y a eu stagnation depuis plus de 14 siècles bien qu’ils y eut des penseurs tels que Ibn Rochd et Ibn Sina, le penseur et le docte, ainsi que d’autres savants qui ont proposé mais qui furent mis au ban et opprimés. Nous vivons un temps vide de toute référence solide sue laquelle nous pouvons nous appuyer. Rien ne nous empêche de tirer profit des expériences des hommes à condition qu’elles se rapprochent de l’esprit auquel nous nous conformons. Lorsque le Califat Omar Ibn Al Khattab fut informé que les Chrétiens de Najrane refusaient de s’acquitter de la capitation (Jiziah) –ne voulant pas l’appeler par ce nom il leur rétorqua : « Qu’ils s’en acquittent et l’appellent comme ils le veulent …».



De semblables considérations encerclent la pensée des musulmans et la condamnent à tourner continuellement en rond.



De tout temps, le Maroc fut un pays des fouqahas qui se mettent au service du pouvoir. Qu’est ce qui a pu advenir pour vous pousser à dire que les choses doivent être autrement ?

(Riant) : Nous ! Nous avons plusieurs ouvrages et suggestions à ce propos. Nous proposons l’émancipation de cet asservissement auquel nous a condamné le fiqh laquais du pouvoir et qui ne nous a apporté que déclin. Nous devons cesser de nous prosterner devant l’oppression. Le temps est venu pour que la véritable réforme survienne. Auparavant, les fouqahas étaient soient des rebelles, soient des soumis et ce depuis Sidna Al Hussein. Nous, nous proposons une réforme (qawmah) sans violence parce que nous ne sommes ni soumis, ni révoltés. Nous proposons un compromis fondé sur un effort éducatif de longue haleine. Notre objectif n’est pas de changer l’idée existante ou de proposer une nouvelle idée. Nous voulons traduire notre idée en une réalité et ceci ne peut s’effectuer que si nous bâtissons sur l’éducation de l’individu.



Lorsque nous examinons le marocain, nous découvrons qu’il est en fait un objet soumis à la perversion et à l’inertie opérée par le Makhzen, et c’est le résultat d’un long processus. Nous n’évoquons pas l’histoire pour rêver ou opérer un arrêt définitif mais pour comprendre une réalité effective car, contrairement à une idée admise, pour comprendre le présent des musulmans, il faut assimiler leur histoire.



Comprendre ce qui ce passe en Orient ou en Occident musulman ?

Je ne fais pas de distinction entre L’orient et l’Occident car nous avons une histoire commune. Je parle de l’essence, pas de la forme qui varie d’une région à une autre, car, qu’y atil de commun entre ce qui se passe en Irak et ce qui se passe au Maroc ? Ce qui s’est passé en Andalousie, dans l’Egypte fatimide et ce qui s’est perpétré au Maroc ? Une philosophie de gouvernance commune. Je ne comprends pas comment un intellectuel peut avancer la thèse de l’isolationnisme du Maroc. Bien sûr, il y des spécificités marocaines…



(l’interrompant) : Toutes les expériences sociales réussies sont parties de spécificités culturelles, linguistiques, sociales, etc. Comment donc peuton dire que l’introduction à la réforme passe par des points communs entre le Maroc et des pays géographiquement très lointains qui n’ont de commun avec lui que la religion ?

Nous croyons aux spécificités et appelons à les prendre en considération. Ces spécificités peuvent être un gain, leur diversité un enrichissement. Je ne peux pas faire de comparaisons entre le Maroc et l’Occident, ce dernier ayant lui aussi des spécificités, positives et négatives, complètement différentes de ce que nous vivons et avons vécu, que nous l’admettons ou non. La religion musulmane a laissé une empreinte indélébile sur le monde arabe de son extrême Occident à son extrême Orient. Celui qui néglige cette identité ne peut rien comprendre de son histoire, de ses spécificités et de son avenir. Et chacun est libre de considérer les choses selon son angle de vue.



Dans la région que vous appelez « Monde arabomusulman », il y a deux modèles : le turc et l’iranien. Le premier est un modèle réussi même si c’est un modèle qui, tout en étant islamique, a accepté la laïcité avec ce qu’elle comporte de séparation entre la religion et l’état, et ce depuis Kemal Atatürk, le deuxième, extrémiste lui, souffre d’une multitude de problèmes relatifs au rapport entre le religion et les affaires de l’état. Où vous situezvous, dans Justice et Spiritualité, entre ces deux modèles ?

Nous sommes pour un modèle marocain. Nous sommes contre toute sorte de dépendance. Je ne dis pas que le Maroc doit suivre l’Iran ou la Turquie ou … Lorsque nous avons crû en la démocratie, nous avons crû en la différence, aux spécificités et à la légitimité. Malheureusement, la pensée dominant actuellement et qui a toutes les chances de propager sa culture religieuse est le wahhabisme qui réduit l’Islam en un ensemble d’interdits et de tabous, alors que l’Islam est un esprit pouvant réformer nos sociétés arabomusulmanes et leur fournir l’occasion de sortir de cet état de régression politique, spirituel et économique.



Supposons que le pouvoir vous est cédé dans ce Maroc contradictoire, comment allez vous gérer cette multitude de différends ? Au Maroc il y a des cabarets, des bars, des fillettes qui courent derrière les derniers cris de la mode, etc. ?

Je vous remercie d’avoir posé cette question. Lorsque vous évoquez l’Islam, vous vous référez au modèle de l’Iran par exemple. Et, en effet, le risque de l’extrémisme existe dans le monde arabe où certains veulent imposer le voile à la femme, fermer les bars et les cabarets... Mais ceci n’est pas le véritable défi. Pour réformer, il faut de la douceur et non pas une révolution qui met le pays au feu et à sang. Nous sommes contre cette idée et nous implorons Dieu qu’Il ne nous fasse pas accéder au pouvoir avant que les gens ne soient prêts. Nous avons passé 30 années à éduquer et à inculquer nos principes et nous serons en contradiction flagrante avec notre référentiel si nous nous ne faisons que reproduire le modèle autoritaire que nous rejetons.



Notre ambition est de parvenir à un jour où ces lieux de débauche et de perversion restent ouverts mais sans accueillir aucun client. Un rêve bien sûr, mais notre espoir est que ça soit le cas de la grande majorité. Nous croyons qu’il nous faut un parlement qui prenne des décisions démocratiques, même si elles sont sévères, contre une certaine minorité qui demeure accrochée à la corruption et à la débauche. Récemment, aux EtatsUnis, un état a pris la décision unanime d’interdire les jeans courts et personne ne les a qualifiés extrémistes. C’est la démocratie. C’est une question d’éducation. Mais je crois que ce sont des détails qu’il ne faut pas traiter au parlement, mais qu’il faut laisser aux instances éducatives qualifiées.



Certains pensent que la véritable problématique de la jamaa est la transition à opérer de l’idée de jamaa à celle du parti ?

Si le pouvoir était l’objectif de la jamaa, le processus éducatif que nous prônons ne serait pas indispensable pour l’atteindre, des milices auraient suffi pour faire la révolution. Or, notre option depuis le début est l’homme. La politique n’est pas notre objectif, c’est un auxiliaire pour le processus éducatif visant à réintégrer l’individu dans son véritable destin, sa relation avec son Créateur. Les facteurs sociaux et économiques ne sont que des auxiliaires permettant à l’Homme de connaître Dieu et de l’adorer comme il faut. Ceci ne veut pas dire que nous demandons aux habitants des bidonvilles de se transformer en Kamikazes pour mériter le paradis et jouir de ses délices. L’Homme est un corps et un esprit, et la dignité humaine requiert une justice sociale, un véritable enseignement, d’où l’importance de la politique.

Il est absurde qu’une minorité infime s’accapare les richesses du pays et demande à la majorité écrasante de garder foi en Dieu. Nous sommes contre une religion qui se transforme en opium des peuples .Nous voulons un Islam libérateur des peuples.



On a remarqué que Al Adl Wal Ihssane a gardé le silence après le 16 mai 2003 malgré la férocité des arrestations et l’iniquité des procès ?

Je ne fuis pas la réponse. J’ignore si la jamaa a publié des déclarations ou des communiqués ou non (Elle se retourne vers son mari Abdallah qui lui répond : il y eut des communiqués condamnant ces arrestations, la torture, les procès).



Dernièrement, le roi a présenté une initiative de développement humain, qu’en pensezvous ?

Nous en avons fini avec la moudawana, maintenant, c’est le tour de l’initiative de développement humain.



Vous pensez que ce n’est là qu’un acte de défoulement dicté par la conjoncture ?

Sans nul doute.



Veuton par là tirer le tapis sous vos pieds, vous qui aviez pris l’habitude d’accomplir des œuvres sociales dans les milieux défavorisés ?

Ils ont déjà tiré le tapis en distribuant la soupe pendant le mois de Ramadan, ils ont commencé depuis un certain mais maintenant, on n’en parle pas officiellement. Je pense que c’est une véritable mascarade qu’une institution qui symbolise le pouvoir central accomplisse une œuvre sociale ayant un caractère associatif : La soupe. Dans une véritable démocratie et un état conscient et solide ,une pareille action s’appellerait « ambulance de l’état » . Elle s’efforcerait, par exemple, de combler une lacune dans la politique sanitaire dans un lieu particulier. Les associations s’acquitteraient alors de cette tâche. Mais que l’état fasse d’un bol de soupe un objectif alors qu’il faut élaborer une politique économique globale…



Notre régime politique est il aussi fragile que ça?

Il n’y a au Maroc aucune stratégie politique et économique claire. Il n’y a qu’un système makhzénien et du bricolage politicoéconomique. Je prends 80% des richesses du pays et le reste est laissé au bricolage. Ou bien il y aura une véritable stratégie pour remettre le pays sur pieds, ou rien ne s’accomplira. Ce bricolage destiné à combler les lacunes est accompagné du détournement du capital national vers les banques suisses. Comment donc concevoir une réforme dans ce climat ?



Vous avez, une fois, comparé le régime au Maroc à un fruit vicié dont vous attendez la chute. Estce imminent ?

Tous les indicateurs le disent, Dieu le veut.



Vous voyagez beaucoup à l’étranger dernièrement, aimez vous le tourisme hors du pays à ce point ?

Je fus longtemps interdite de passeport et un proverbe marocain le dit clairement : « Gare à la recluse si on lui ouvre la porte ». Je voyage dans un cadre purement culturel et contrairement à ce qu’en pensent certains, l’Islam est pour l’ouverture sur les autres et l’expérience des autres. Notre affaire est l’éducation et l’Islam n’est pas terroriste ; ce n’est pas le modèle de Ben Laden et des apostasistes.



D’aucuns vous qualifient d’ « héritière du secret de votre père »,un titre royal par excellence. N’en êtesvous pas embarrassée ?

Je renie ces titres inventés par ceux qui s’adonnent à la fabrication des surnoms et à tailler les qualificatifs.



Etant lauréate du lycée francophone Descartes, vous êtes au diapason de la culture occidentale soutenue, comment vous êtes –vous trouvé dans une association religieuse, estce parce que votre père est son leader ?



Ce que je peux vous dire, c’est que j’ai commencé en fille du mourchid (guide spirituel) de la Jamaa mais j’ai continué le trajet avec des convictions. Oui, lorsque l’action de la Jamaa a commencé, ma relation avec le mourchid était déterminante. Il fallut d’abord que je fasse connaissance avec sa pensée car mon père est un homme de communication et de participation. C’est un facteur déterminant dans mon adhésion à l’Association Justice et Spiritualité mais la conviction a joué son rôle. Je suis restée membre de la Jamaa et je le resterai –avec la volonté de Dieu même après le départ de mon père, si je ne le précède pas dans la tombe
m
21 juin 2005 15:53
Salaam bicharasmiling smiley,

Merci pour le texte.

Je me demande toujours pourquoi beaucoup d'encre coule lorsqu'il s'agit d'une deuxieme source ou meme troisieme, quatrieme source. Mais une fois que l'on a la source elle meme on se tait!.

Si notre gouvernement [non elu (faut-il le rappeler)] poursuit Mme Nadia Yassine pour de tels propos, c'est que avons encore du chemin a faire.

On dirait Khomini qui va poursuivre Salman Rochdi car ce dernier exprime ses opinions!!!


Quiconque au Maroc doit avoir le DROIT ABSOLU ET SACRE de s'exprimer librement quand il veut, la ou il veut du moment que cette liberte est exprimee dans la paix et sans la moindre violence.

Le Maroc doit comprendre ce principe fondamental. Notre Image en depend.
Y
21 juin 2005 20:15
Oui t'as raison, on est bons que pour parler dans le vide sans arguments.
Ils disparaissent dès que la première source parle. Jusqu'à preuve du contraire il tombent plein pique sur ce que dit le Coran "...Dahara el Hak wa zahaka al batel, inna al batila kana zahouka..."




k
21 juin 2005 21:25
enfin finit merci pour le texte.
 
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