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temoignage: Syrie, avec les manifestants de la liberté
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20 mai 2011 23:35
Syrie : avec les manifestants de la liberté

La Syrie au bord de l’implosion est interdite aux témoins étrangers. Un jeune Syrien vivant en France (1) s’y est rendu pour visiter sa famille. Il livre un récit exclusif pour l’Humanité.

Damas, 15 avril.

À Damas même tout est calme. Grande présence militaire. Mais, dans la banlieue, plusieurs milliers de personnes ont défilé.

Rastan, 17 avril.

La ville est située entre Homs et Hama. La route était coupée le matin, on distingue des traces de pneus brûlés et des voitures blindées. La veille, la population a détruit la statue de Hafez Al Assad, le père de l’actuel président. Le soir, le régime intervient dans le village voisin de Talbissa d’où seraient originaires ceux qui ont brûlé la statue. Il y a des victimes.

Hama, 18 avril.

Dans le centre-ville alors que la foule faisant des courses était compacte, une poignée de personnes, sortant d’une prière, ont commencé à lancer des slogans pour la liberté. Cela a engendré un mouvement de panique. Tout le monde a commencé à courir, les magasins ont fermé rapidement et les services de sécurité sont arrivés en une demi-heure.

Des personnes de ma famille ont été appelées aujourd’hui pour se présenter devant le service de sécurité politique. À la fin de la journée, mes frères sont relâchés. On reproche à certains de participer aux manifestations. On leur fait signer un engagement selon lequel ils n’y participeront plus. À l’aîné, on lui pose des questions sur moi et ce que je suis venu faire en Syrie.

Hama, 22 avril.

Si les jours de la semaine sont relativement calmes, le vendredi, jour de la grande prière, c’est différent. Les entrées de la ville sont fermées depuis la veille au soir afin d’interdire toute arrivée des villages voisins, qui renforcerait la manifestation. Les services de sécurité ont pris position devant les grandes mosquées. Malgré ça, une manif est sortie d’Almanakh. Vers 14 heures j’entends des coups de feu retentir. La manif est arrivée vers le centre-ville, mais les routes sont coupées par la police. Dans une rue, les habitants me demandent de ne pas trop avancer, car un sniper se cache dans le minaret de la mosquée Alafandi qui domine cette rue. Un gamin a reçu une balle dans les pieds.

À la fin de la journée, j’apprends que les services de maintien de l’ordre ont tiré des lacrymogènes. Les services de sécurité ont tiré en l’air. Mais ce sont les tirs des snipers qui ont causé le plus de victimes. J’ai obtenu un film d’un manifestant qui montre un tireur sur le bâtiment du parti Baas. Les personnes qui tombent par terre à cause du gaz lacrymogène et les blessés sont attrapés par les services de sécurité. Elles sont transportées à l’hôpital national. Les blessés transportés par les manifestants sont soignés dans les maisons pour éviter les arrestations. Les services de sécurité ont rendu des corps aux familles et leur ont demandé de les enterrer tout de suite (afin d’éviter des funérailles qui rassemblent les manifestants).

Masiaf, 30 avril.

La ville est habitée par une majorité d’Alaouites. Le spectre de la guerre civile pousse tout le monde à récupérer son argent déposé dans les banques et à obtenir des dollars ou des euros. Le prix de ces monnaies a crû de 15 % en quelques jours.

Hama, 2 mai.

Les manifs nocturnes continuent dans le but de soutenir Deraa malgré la police. Dans la ville de Deraa, l’armée continue ses opérations. Tous les moyens de communications mobile et Internet sont coupés.

Homs, 4 mai.

On m’a confirmé avoir vu des blindés d’une division près de Hama partir en direction de Homs. On pense que c’est pour mater les groupes qui se sont séparés de l’armée à Rastan et Homs. Effectivement, quand j’ai pris le bus vers Damas le 12 mai, j’ai vu une cinquantaine de blindés au bord de la route à l’entrée de la ville de Homs.

Hama, 6 mai.

Les manifestations se poursuivent. À la fin de la journée je rencontre un jeune voisin qui se trouvait dans sa boutique. Les services de sécurité l’ont accusé de soutenir les manifestants. Ils l’ont attaqué avec des matraques électriques et des couteaux. Il a été blessé à la langue. Je lui ai demandé si je pouvais faire une vidéo avec son témoignage mais son père s’y est opposé par peur des représailles.

Hama, 7 mai.

Des funérailles rassemblent près de 10 000 personnes. Elles font un sit-in dans le centre de la ville et arrachent quatre grandes photos de Bachar, accrochées à des bâtiments publics. Ce vendredi on estime à 13 le nombre de tués.

Après les différentes agressions une délégation se rend chez le préfet pour se plaindre et lui montrer des vidéos. Il est étonné, comme me le rapporte un membre de la délégation. On dit qu’il a posé sa démission mais que celle-ci n’a pas été acceptée. Le chef de la sécurité militaire a demandé l’intervention de l’armée, alors que le préfet l’a refusée. Le 11 mai, tout le monde a remarqué un mouvement inhabituel des troupes autour de Hama, une rumeur s’est propagée selon laquelle l’armée allait encercler la ville.

Damas, 13 mai.

Avant de repartir en France, je remarque qu’aux entrées des villes rebelles de la banlieue de Damas, il y a plusieurs check points. Notre voiture est fouillée trois fois. À Damas même, des panneaux publicitaires pro régime ont fleuri, qui portent la mention « Bachar est le leader des réformes » « la liberté commence par le respect du travail » , « éviter les manifs, c’est éviter les complots » … Ce qui me laisse perplexe sur la volonté du régime de reconnaître la crise et de conduire des réformes honnêtes.

(1) Pour des raisons évidentes de sécurité – pour lui et sa famille sur place – nous avons décidé de préserver son anonymat.
[www.humanite.fr]:



Modifié 1 fois. Dernière modification le 20/05/11 23:36 par coldman.
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21 mai 2011 02:21
 
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