Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
Le sens chez l'homme intérieur
f
23 décembre 2011 18:10
Assalam alaikoum

Je mets en partage cet extrait de conférence (que je poste en parties) de Cheikh Khaled Bentounès, intitulé "le sens chez l'homme intérieur".




Un jour, quelqu'un a posé cette question à mon grand-père (cheikh ‘Adda) : " Mais qui êtes-vous, Cheikh ? " Il répondit : " Je suis un, de la fraternité. " Je crois sincèrement, et je ne vous l'apprends pas, que toute personne qui cherche la vérité souhaite à travers cette quête donner un sens à sa vie.

Une existence qu'il n'a d'ailleurs nullement désirée ou programmée puisque aucun d'entre nous n'a décidé de lui-même de naître dans ce monde.

Cette décision a été prise pour lui, par son père et sa mère, qui un jour ont choisi d'avoir des enfants et parfois malgré eux. Entre une femme et un homme, la nature, par malice, suscite des désirs qui entraînent la venue au monde d'un enfant, ne sachant ni pourquoi ni comment. A nous, aujourd'hui, se posent donc les questions qui se sont posées à toutes les générations et civilisations qui nous ont précédés sur cette terre. En effet, de tout temps l'homme s'est interrogé sur le sens de la vie : Qui suis-je ? Pourquoi est-ce que j'existe ? Où vais-je ? Et après la mort ?...

Dans la tradition soufie, nous considérons qu'il y a pour l'homme qui s'interroge deux manières d'aborder cette problématique : soit nous attendons que les réponses viennent d'autrui et il peut s'agir de maîtres, d'églises, de philosophies, ou bien des livres révélés, etc., soit nous cherchons en nous- mêmes profondément, en allant pas à pas vers cette quête de l'homme que nous portons en nous.

Si nous n'avons pas choisi de vivre, la vie est donc un don qui nous est fait, et qui vient de très loin car si nous en renvoyons la responsabilité à nos parents, eux-mêmes la renverront à leurs propres parents... Nous voyons bien que nul n'est responsable, il y a donc une volonté autre qui a voulu que la vie soit, pour nous ainsi que pour toutes les créatures.
Pour les soufis, cette vie provient d'un nom divin : le Vivant. Dieu a voulu se manifester, se voir, c'est la manifestation du " trésor caché '', comme le dit Christiane Singer. Il a créé le monde afin qu'un de Ses noms, un de Ses attributs, se réalise.
Cet attribut est le Vivant, et nous manifestons cette volonté. Nous ne sommes au fond que le réceptacle, le miroir de cet attribut divin - et, du reste, que nous le voulions ou pas, et cela dans toutes les situations, sage ou ignorant, assassin ou gendarme, justicier et juge, balayeur ou président. Chacun de nous va vivre ce destin voulu par une volonté qui lui est supérieure. C'est pour cette raison que les soufis considèrent que ce qu'il y a de plus sacré dans l'existence c'est justement la vie elle-même. Nous devons faire très attention à la préserver, dans ce qu'elle a de plus sacré, de plus beau et surtout de plus divin. C'est donc à chacun de réfléchir à ce qu'il a d'essentiel en lui-même.

Qu'est-ce que la vie pour nous ? Est-ce manger, boire, procréer, jouir des bienfaits matériels, ou a-t-elle une autre dimension qui se manifeste dans l'amour qu'on a pour autrui, pour ses enfants, dans cette fraternité universelle que nous partageons tous à travers notre identité adamique ? Cette origine commune qui dépasse les races, les philosophies, fait de nous non pas des individus limités à une sphère, à un environnement, culturel, philosophique ou religieux (qui va d'ailleurs être souvent pour nous une limitation), mais au contraire un être universel. Un être à qui les autres renvoient, comme lui-même, le témoignage de l'unité.

Nous sommes un de la fraternité, cette unité qui a voulu que chacun de nous ne ressemble pas à l'autre dans sa façon d'être, de voir, dans sa façon de comprendre et d'agir. Il est toujours un. Dans cette multiplicité dans laquelle nous vivons, nous incarnons toujours l'unité, et cette diversité est une volonté divine, une richesse considérable que les hommes doivent préserver et méditer. C'est en méditant la création qu'on se rapproche du Créateur. Mais, malheureusement ou heureusement, je ne sais pas, l'éducation que l'on reçoit ne fait pas de nous des êtres libérés mais au contraire des êtres conditionnés pensant qu’eux seuls détiennent le vrai et que l'autre est dans l'erreur. Ma civilisation, ma religion, ma démarche est toujours supérieure à l'autre, et l'on se prive par cette attitude de connaître et de jouir de l'extraordinaire richesse contenue dans la multiplicité.

La tradition soufie situe l'homme dans sa globalité et dans une démarche évolutive vers l'unité incarnée par l'homme universel. Dans le tassawuf, nous situons symboliquement chaque chose dans un cercle. L'homme est donc à l'image de la sphère, comme les planètes dans l'univers. Ce cercle est fait de deux parties : une apparente, corporelle, et l'autre spirituelle ou métaphysique, et l'harmonie de l'être se trouve dans l'équilibre des deux.

La partie corporelle est faite de plusieurs acquisitions qui nous viennent de nos origines lointaines ; minérale, végétale et animale. Nous faisons partie de cette chaîne de la Création. Nous avons en nous-mêmes transité par ces mondes qui ont, pour revenir à la question du sens, un rôle très important dans notre état et notre comportement (voir le schéma).

ESPRIT
CONSCIENCE
RAISON
ANIMAL
VÉGÉTAL
MINÉRAL


En effet, chez certains, cet état minéral va se manifester par une dureté extrême tandis que l'état végétal fera d'eux des individus surtout soumis au désir et au besoin. La croissance d'une plante est déterminée par la quête de l'eau nourricière et de la lumière. Un végétal peut donc pousser tout à fait de travers, conditionné par les besoins qui l'animent. Ainsi, l'homme sera conditionné lui aussi par ses désirs, par ses sens, le toucher, la parole, l'estomac, le sexe, etc. Il obéira à ces lois naturelles qui lui viennent de ses origines lointaines. Quant à l'état animal, je pense que vous le voyez se manifester si souvent qu'il n'est pas nécessaire de le décrire : l'agressivité constante, la reproduction, la force brutale, la puissance aveugle, la timidité, etc., ces caractéristiques sont issues de l'origine animale qui se trouve en nous et conditionne, de fait, notre comportement.

Si nous avons bien compris cette partie de l'homme, alors nous allons essayer de l'équilibrer par la partie spirituelle qui vient atténuer l'influence de ces états inférieurs, c'est elle qui va éduquer l'homme et donner un sens véritable à sa trajectoire humaine. A ce stade, l'enseignement soufi décrit plusieurs étapes contenues dans cette partie spirituelle. La première est celle du mental ou de la raison. C'est elle qui engendre le questionnement en nous, provoque le discernement, fait que nous choisissons et agissons, que l'on nomme les choses... tout cela est de l'ordre de la raison. N'est-ce pas ce mental qui au fond nous a poussés à venir aujourd'hui ici, pour chercher, entendre, échanger des idées afin de nous aider à éclaircir cette quête du sens ?

Cependant, le mental lui-même ne suffit pas, même si nous devons nous réjouir de son existence ; n'est-ce pas lui qui permet de distinguer l'homme de l'animal (et qu'est-ce qu'un homme sans la raison ?) En vérité, la raison ne suffit pas en elle- même, elle nécessite d'être accompagnée par une conscience. Ce qui correspond à la deuxième étape. Cette conscience a besoin elle-même d'une direction pour naître et croître, elle a besoin d'une guidance et de repères. Là intervient l'enseignement spirituel qui a accompagné l'humanité depuis son origine jusqu'à aujourd'hui. Par l'entremise de l'intervention divine, à travers les prophètes, les sages et les envoyés, s'est transmis un enseignement d'éveil qui nourrit et fait croître notre conscience individuelle jusqu'à ce qu'elle atteigne la conscience universelle, océan divin, domaine du pur esprit contenant le tout. C'est lorsqu'il est arrivé à cette ultime étape que l'homme réalise sa totalité et l'équilibre de sa personnalité.
f
24 décembre 2011 12:59
Assalam alaikoum



C'est sûrement très simple et très facile à représenter sur un schéma, mais comment le réaliser dans notre vie ? Toute la difficulté sera de s'affranchir de sa partie minérale, végétale, et animale, de la vaincre en quelque sorte. Mais cette partie lourde a son rôle à jouer, elle n'est pas néfaste, il ne s'agit donc pas de chercher à la détruire car nous en perdrions l'équilibre. A contrario, rester prisonnier de cette partie inférieure aboutirait à négliger le plus noble de nous-mêmes et abolirait le sens véritable de la vie. La partie matérielle est un réceptacle qui est là pour être fécondé, revivifié par la partie supérieure, métaphysique, de l'homme. Par cette manière de concevoir l'homme, le tassawuf nous apprend que ce cheminement se fait d'étape en étape jusqu'à la conscience suprême.

Mais en tout premier lieu il nous met en garde : ne peuvent aller dans ce chemin que les gens humbles. Tout orgueil, toute prétention, doivent être délaissés. L'homme doit réaliser en lui cet état d'humilité. Comprendre ce qu'est la fraternité, être sincère dans son comportement, dans sa pensée, dans ses actes et dans sa parole, est nécessaire à tout cheminant qui veut aller à la découverte de lui-même. Sans ces trois états : humilité, fraternité et Sincérité, on ne peut entreprendre cette quête intérieure et parvenir à ce que les soufis appellent la réalisation. Trois nouveaux cercles correspondent à différents états d'être (de la périphérie au centre) :

LE PARFAIT, L'HARMONIE (au centre)
L'ORDONNÉ
L'ACTIF DÉSORDONNÉ
LE PASSIF INERTE (le plus périphérique)


D'abord il y a ceux qui se trouvent à la périphérie et qui sont marqués par la passivité. S'il arrive qu'un homme tombe dans la rue devant eux, ils restent inertes, et font semblant de ne rien voir. Les personnes de cette catégorie disent toujours " Je ne suis pas concerné ! Je ne peux pas changer les choses ! " C'est l'expression d'un aveu constant d'impuissance. Ce sont des êtres qui n'agissent pas par leur propre volonté, mais qui sont soumis à celle des autres. Ils sont à l'état minéral, comme la pierre qui ne se meut pas par elle-même, et nécessite qu'on s'en saisisse pour la déplacer d'un endroit à un autre. Il y a par contre ceux qui prennent conscience que cela ne va pas de soi, je ne vais pas ou bien ma société ne va pas, et ils agissent, " je vais essayer de faire quelque chose ". Mais ce " quelque chose ", chacun le pense à sa façon, de manière individualiste, ce qui entraîne un désordre effroyable. Nous voulons agir et bien faire, mais nous le faisons d'une manière tellement égoïste que cela entraîne plus de problèmes que de bien. Nous sommes, dans cet état, encore dominés par l'influence du monde végétal en nous. D'autres, plus avancés que cette deuxième catégorie, vont au contraire militer dans des partis ou des mouvements divers. C'est ce groupe d'hommes qui, souvent, gouvernent et dirigent les partis politiques ou religieux. Ils s'imposent au peuple en prétendant détenir une certaine vérité.

Si les premiers n'ont pas agi, les deuxièmes se meuvent dans le désordre, et les troisièmes dans un ordre limité à leur propre compréhension, il existe une autre catégorie, minoritaire. Celle-ci n'agit que dans l'unité, mue par un amour divin porté à la Création toute entière. Comment font-ils ? Comment vivent-ils ? On peut là aussi subdiviser le caractère humain en trois catégories, en premier lieu les hommes qui ne comptent que sur eux-mêmes, puis en second les croyants, au sens le plus étendu du terme (que leur croyance porte sur une religion, le matérialisme et même l'athéisme). Ceux-là agissent soutenus en partie par eux-mêmes et en partie par ce qui fait l'objet de leur foi, et puis enfin les troisièmes qui sont les sages et les saints qui ne comptent, en toutes circonstances, que sur Dieu. Dans toutes leurs actions, ils ne s'appuient que sur Lui. Et quand on dit Dieu, ce n'est pas pour eux une abstraction, un concept philosophique ou métaphysique, nous entendons par là qu'ils Le vivent dans une présence permanente et Le perçoivent à travers toutes les créatures. C'est un état de conscience en résonance avec la création toute entière.

Alors, avant de déplacer une pierre, de planter un arbre, de cueillir un fruit, en regardant le soleil se lever, en entendant un oiseau qui chante, en buvant cette eau pure, ou en apportant du secours, ils ne voient que Lui, ils ne le font que pour Lui. Peu importe la personne, la créature qui est devant eux, ils n'agissent qu'en vue de Dieu, de l'amour divin. Ils ne sont conditionnés que par cela. Ils ne cherchent ni renommée ni pouvoir, uniquement l'agrément divin pour les actes, les paroles et les pensées qu'ils émettent. Les soufis disent que cet état n'est atteint que par une totale purification...

Les sens nous ont été donnés, mais ils sont en quelque sorte atrophiés, il est nécessaire de les éduquer pour les éveiller à une perception plus vaste et plus universelle, éduquer l'ouïe, la parole, le toucher, etc., afin de ne pas devenir prisonnier de notre ego et de sa nature minérale, végétale, ou animale. Comme l'a écrit un soufi, Izz I-dûn al-lrbilî :

Parfais-tu l'éphémère, par l'action, en négligeant le permanent,
Tu ne t'intéresses point à son ordre.
Le corps est pour l'âme un précieux instrument,
ce que tu peux en obtenir tu ne l'auras jamais.
Il s'éteindra et tu seras après lui soit dans un bonheur louable soit dans un malheur sans fin.
Tu as reçu ton corps pour qu'il te serve, mais tu l'as servi.
Oubliant ainsi le serment que tu as prêté dans les temps premiers.
Tu as fait régner l'esclave en diminuant ta dignité.
Le meilleur n'a-t-il pas le meilleur comme esclave ?


Il s'agit bien de se libérer, de s'alléger de la tendance lourde et dominatrice du moi ; c'est en fait une question de transcendance : transformer ce qu'on a reçu, ce que l'on est, pour l'élever vers cet état d'universalité que symbolise le centre du cercle, où tous les rayons de la sphère, quel que soit leur sens, même opposés, viennent se rejoindre et s'équilibrer.
Avoir une vie saine, pure dans le vrai sens du terme : ne pas nuire à autrui, ne pas blesser autrui, ne pas agresser la nature, essayer dans la mesure du possible de vivre dans cette présence où chaque acte, chaque parole, chaque geste que je fais est accompagné par la présence divine. De là, ma conscience petit à petit va s'agrandir, s'épanouir au-delà des idées reçues, au-delà de la forme, des croyances, des philosophies, parce que tout se rejoint en elle. Je ne juge pas, je médite. Je ne condamne pas, je réfléchis. A partir de là, naît en nous une détermination, une volonté mue par l'énergie de l'amour qui nous pousse, d'étape en étape, à. réaliser l'homme universel.
f
25 décembre 2011 22:12
Assalam alaikoum



Par ailleurs, ce qui concerne l'individu concerne aussi la société. C'est pourquoi je reprends la figure du cercle.

Le premier, et le plus central des cercles, correspond au " système philosophique ". Il s'agit d'un centre dynamique qui va animer l'élite (les gouvernants, les décideurs), la faire tendre vers l'unité, l'aider à harmoniser les différentes parties de ce tout que représente une société humaine. Ce cœur va impulser dans le corps social des valeurs universelles, épanouissantes pour la civilisation. Cependant, dès qu'elle perd ce centre, donc sa raison d'être, elle se transforme en un système politique, régi par des lois, et influencé par les intérêts des partis. C'est le deuxième cercle, correspondant au système politique.

Cette rupture avec le principe de l'unité entraîne la division qui se manifeste par exemple dans l'opposition des partis politiques. Cette séparation fragmente la société et l'affaiblit. Tôt ou tard, la sphère politique s'effondrera à son tour, laissant la place à un principe encore plus extérieur le système économique, figuré par le troisième cercle. Si au départ le pouvoir était nourri par une légitimité métaphysique, basée sur l'unité, donc l'égalité, le partage et la justice totale entre les hommes, dans un second temps il devient un pouvoir entre les mains d'un groupe au détriment des autres et dans un troisième temps, sous l'influence du pouvoir de l'argent, il deviendra une sorte d'arme aux mains de quelques nantis qui imposeront leur point de vue au reste de la société.

C'est le temps de la décadence. Par son éloignement progressif du principe de l'unité, cette civilisation va peu à peu se dissoudre et finira par disparaître dans un marasme qu'elle aura elle-même engendré. Vous pensez que nous sommes entrain de faire de la politique alors que nous sommes censés parler de spiritualité, c'est intentionnel.

Cet enseignement est universel et son universalité l'oblige à parler de la condition humaine dans sa globalité. Nous ne pouvons pas séparer, dans le cadre de l'unité, l'apparent de ce qui est caché. S'il y a des maux dans la société, identifions-les et cherchons les solutions afin d'apporter notre contribution au bonheur et à l'harmonie de l'humanité. En effet, toute décadence entraîne une renaissance, ne l'oublions pas. Le fait que de plus en plus de gens aujourd'hui cherchent la vérité est porteur du signe d'une nouvelle espérance.

Pouvons-nous nier le fait que nous sommes en pleine décadence ? Elle est palpable, l'esprit matérialiste domine aujourd'hui toute l'humanité, l'économie est devenue la mesure de toute chose, l'homme n'est plus considéré qu'en fonction de sa richesse monétaire. N'est-ce pas la raison de la crise profonde dans laquelle nous nous trouvons ? Tout cela oblige les êtres humains quels qu'ils soient à réfléchir au devenir de l'humanité. Allons-nous continuer dans cette voie, à produire une croissance sans fin qui détruit l'environnement, la nature mais aussi l'homme dans ce qu'il a de plus essentiel ? Par un nivellement total, une pensée unique que, horizontale, elle évacue les repères et ainsi naissent les intégrismes. Car la peur et le refus de cette situation obligent certains à s'enfermer dans des idéaux stériles et dangereux qui ne font qu'accroître le désordre ambiant. Ainsi, peu à peu, la paix quitte à la fois nos cœurs, nos foyers, nos vies et nos pays. Cette guerre dont on ne dit pas le nom est partout, elle est ici comme ailleurs, différente en apparence seulement.

Ce malaise insistant procure en nous une révolte, et cette révolte nous éloigne de plus en plus de cette unité, facteur d'équilibre et d'harmonie. C'est elle qui nous appelle à la paix et à la sagesse pour arriver à percevoir dans l'autre une partie de nous-mêmes.
MK-
25 décembre 2011 23:43
Je me disais bien que le titre me disait quelque chose...
J'ai lu son livre "L'Homme intérieur à la lumière du Coran".
J'ai beaucoup apprécié la description qu'il a fait de tous les principaux prophètes et de leur relation avec Dieu.
Il a une vision très intéressante...

En tout cas merci du partage smiling smiley
f
26 décembre 2011 19:57
Assalam alaikoum

De rien ma soeursmiling smiley

Effectivement, moi aussi j’ai lu ce livre, il consiste en une lecture du texte coranique, et plus spécialement l’histoire coranique concernant les prophètes, et sa symbolique, en relation avec la dimension de l’homme intérieur.

On peut qualifier cette vision, dont tu fais allusion, de vision d’unité et d’unicité, où il n‘y a pas de dualité et de rupture entre l’individuel, entre le spécifique et l’universel, entre le temporel et le spirituel, entre le traditionnel et l’actuel, mais parfaite continuité. Vision par laquelle on est amené à découvrir, à retrouver la dimension universelle du message coranique, ne concernant pas seulement le musulman, mais l’homme en général.

Revenant à la conférence, j’en poste la dernière partie.


Questions-réponses


Quelle est la place et l'histoire du soufisme par rapport à l'islam ?

C'est la tradition ésotérique de l'Islam. Mais si elle a existé dans l'islam, cela ne veut pas dire qu'elle n'ait pas préexisté à sa venue. En effet, c'est une sagesse qui nous vient de très loin et que l'on retrouve dans toutes les traditions. Dans la dernière religion, née du monothéisme, qu'est l'islam, on la reconnaît, on l'identifie et on la nomme " soufisme " parce qu'elle s'est structurée, qu'elle a des maîtres et des chaînes initiatiques. Elle a toute une approche et un enseignement existant depuis plusieurs siècles. S'il existe des ouvrages excellents à ce sujet, je vous avertis cependant qu'on ne peut pas découvrir le soufisme à travers les livres. Les livres sont comparables à des cartes géographiques qui décrivent un pays...


Comment le soufisme se situe-t-il par rapport aux approches de la psychologie ou de la psychanalyse dans la façon de voir, par exemple, comment il faut déconstruire sa propre histoire pour la rebâtir ?

Pour pouvoir être neutre et juste, il faudrait que je sois à la fois soufi et psychanalyste, et je pense que je ne suis ni l'un ni l'autre. Moi-même, je ne fais qu'apprendre à être soufi. Je ne prétends donc pas amener une réponse qui satisfera tout le monde. Je témoigne à partir de ma propre expérience.

Nous l'avons dit, notre environnement culturel est un conditionnement. La première des choses à mettre en œuvre, dans cette tradition, c'est d'amener l'être à se regarder lucidement et à interroger son héritage. A celui qui est croyant nous disons : remets en question ta croyance ! A celui qui est athée nous disons remets en question ton athéisme.

Je reviens à la notion de sphère. Nous disons que l'homme est comme une planète. La terre, par exemple, a toujours une partie qui est éclairée et l'autre dans l'obscurité. En nous, à chaque instant, il existe une partie mise en lumière et l'autre qui reste dans l'ombre. C'est par la rotation de la Terre sur elle-même que la face obscure s'éclaircit et que la part qui se trouvait à la lumière regagne l'obscurité. Il faut donc à l'homme une certaine patience. Mais ce qui caractérise le plus l’homme moderne c'est certainement son impatience de vouloir tout, tout de suite. Laisser le temps au temps, cette sagesse nécessite une certaine maturité.

Aimer, cela s'apprend, cela se vit. Mais comment peut-on aimer si nous n'avons jamais haï ? Là est le problème. Il faut accepter cette partie négative de nous-mêmes. Qui ne connaît pas la jalousie ? Qui n'a pas été violent ? Qui n'a pas commis des fautes ? Mais cela fait partie d'un équilibre. Nous découvrons peu à peu la complexité de nous-mêmes face à autrui. Le maître ou le guide dans le chemin s'efface de plus en plus et fait simplement effet de miroir pour que l'être spirituel du cheminant naisse et grandisse en découvrant sa partie animale, végétale et minérale ; afin qu'il ne la rejette pas mais au contraire qu'il l'intègre et l'accepte. Il est un tout. Qu'il agrée ce qu'il est aujourd'hui car il ne le sera plus demain.

En effet, ce que nous sommes à vingt ans, nous ne le serons certainement plus à quarante ans ni même à soixante ans. C'est à lui de choisir le moyen et le chemin qui le conduisent à ses retrouvailles avec lui-même, à cette réalisation.


On constate depuis des générations, des siècles, des millénaires, que les sociétés se construisent et se détruisent. Pourquoi n'y a-t-il pas dans l'humanité de progrès de la morale et de spiritualité qui iraient crescendo ?

Dans l'hindouisme, il existe la fameuse doctrine des cycles, que l'on peut transcrire comme comprenant : l'âge d'or, l'âge d'argent, l'âge de bronze et l'âge de fer. Nous subissons l'influence des cycles en permanence et c'est notre propre destin, le destin de l'humanité en quelque sorte. Mais je crois qu'il y a un progrès. Je pense qu'entre la société grecque ou la société romaine et notre société, il y a des différences. Ils ont eu les mêmes préoccupations que nous. Quand nous lisons aujourd'hui la philosophie grecque, nous ne pouvons pas nous empêcher de nous interroger sur cette démarche de l'esprit, sur cette recherche sur la condition humaine, la cité... à tel point que peut-être furent-ils beaucoup plus avancés que nous dans certains domaines. Il en est ainsi avec la société égyptienne, chinoise ou indienne. Il y eut des progrès, mais ils furent toujours limités à une élite, à une société, à un peuple. Aujourd'hui, nous assistons à la mondialisation et pourtant jamais le monde n'a été si petit. Nous subissons les influences des uns et des autres. Qui aujourd'hui n'a pas de connaissance sur l'Inde, la Chine, ou les Mayas ? La communication s'accroît de plus en plus, pour nos enfants et nos petits-enfants, cela sera davantage encore. Ils vivront dans une société plus ouverte, mondiale. Ce que va devenir le village planétaire ? Tout le problème est là. Les générations futures arriveront-elles à gérer les rapports humains dans un cadre universel, c'est-à-dire dans l'unité, vivront-elles dans le partage, l'égalité des richesses, des savoirs, de l'information, de la technologie... ? Ou cette mondialisation n'est-elle rien d'autre qu'un groupe puissant - fait de multinationales - voulant mettre le reste du monde sous sa coupe ? Ce sont là les véritables enjeux de demain. S'il y a un éveil spirituel, si l'homme à travers la communication qui s'accroît parvient à voir dans l'autre une richesse complémentaire, cette société dont nous rêvons toujours, et que tous les livres sacrés ont annoncée, arrivera. C'est l'état messianique où les hommes seront frères, où le lion ne mangera pas l'agneau, et le serpent ne piquera pas l'enfant. C'est l'ère de la prospérité, où l'argent n'aura plus aucune valeur. Cela a été annoncé. Portons en nous l'espérance d'une humanité renouvelée. Bien sûr, on nous traitera de rêveurs et d'utopistes, mais peu importe : plus il y aura d'êtres qui s'éveilleront à cela, qui porteront ce projet en eux et le transmettront à leurs enfants et leurs petits-enfants, plus nous avons une chance - peut-être une sur un million - de voir arriver un jour la venue de ce temps messianique.
6 janvier 2012 00:11
Salam frère faqir

Ne pense tu pas que certain porte en eux cette vision du soufisme ?
Car je suis sur que l'on doit apprendre afin de se perfectionner dans l'apprentissage de l'Islam et que le soufisme est un réel abandon de soi à Dieu .
Si l'on suit le précepte de la graine ne sommes nous pas prédestiné a etre ce que nous sommes ?
Nous avons notre libre arbitre et des choix mais ces choix au bout du compte ne nous ramènent-ils pas toujours au point initial .



Modifié 2 fois. Dernière modification le 06/01/12 00:15 par sheera.
La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu,et qui s'est brisé.Chacun en ramassa un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve. [center]Amazighiya face à l'homme et soumise uniquement à Dieu .[/center]
f
6 janvier 2012 12:25
Assalam alaikoum

Soeur sheera

Tous les questionnements que tu poses et les paroles que tu donnes sont justes et portent un sens.

Tous nous portons en nous cette graine, cette fitra, et le soufisme n’est en fait que le retour à cette origine, à ce point initial, à cette fitra, à cet abandon de soi à Dieu, où il n’y a pas place à la dualité, en l’humain, on vit le divin, ce qui procure un sens à cet humain. Le soufisme consiste à retrouver ce sens.



Modifié 2 fois. Dernière modification le 06/01/12 12:43 par faqir.
11 janvier 2012 16:03
Assalam Alaikoum

" Les limites du moi "

Je pourrais me définir par mon corps physique, comme se définissent beaucoup de personnes. Mais cette approche n'est pas sans me limiter.

Certes, j'ai un corps, j'ai un visage, j'ai un cerveau, j'ai des bras et des jambes, j'ai un sexe, etc. Je peux user de ce corps dans le monde : je peux porter des choses, construire des choses matérielles, je peux séduire avec mon corps, je peux faire exprimer à mon corps divers sentiments. Pour autant, les limites de ce corps me sont floues.

Car si j' ai un corps, je ne peux pas dire que je suis un corps.

Il me suffit de regarder des choses simples comme le pain et l'eau. Sans pain et sans eau, je ne suis pas un corps, du moins dans la durée. Sans pain et sans eau, je meurs de faim et de soif. Je n'existe que parce que ces choses autour de moi existent. Ces choses, qu'on me présente souvent comme des « objets extérieurs à moi », ne sont pas des objets, elles sont une partie de moi, et je suis une partie d'elles. Si je regarde mon corps dans sa globalité, il est composé du corps tel que je le vis, dans le présent, mais aussi de ce que j'ai mangé pour le faire vivre, à la fois dans le passé et dans le futur.

Mon corps n'existe donc pas en lui-même, il existe dans la mesure où je lui adjoins le pain et l'eau. Mais d'où vient cette eau que je bois et ce pain que je mange ? Du monde qui m'entoure. Je suis donc, physiquement, « composé du monde », monde que « je compose ».

Car cette eau, que traversa-t-elle ? Des montagnes, des vallées et des plaines. J'ai donc en moi un peu de ce limon de ces montagnes, de ces vallées et ces plaines. Je fais partie de la même essence que ces endroits qui m'ont nourri. Le pain est fait d'une farine qui est faite d'un blé qui pousse dans des terres qui me constituent. Si je suis fait du pain, je suis fait de la plante et je suis fait de la terre.

Si je voulais faire l'état des lieux des limites de mon corps, je trouverais qu'il est composé de parties en provenance d'une multitude d'endroits et que sa substistance sera encore, dans le futur, assumée par une multitude d'autres endroits. Je suis similaire au ver dont le corps est de terre et qui mange de la terre. Il est par essence de la terre, mais il n'est pas de la même nature.
Nous créâmes l'homme d'une argile crissante, extraite d'une boue malléable.[1]
Je suis toujours composé de cette argile crissante, comme au temps d'Adam. Je suis un fils d'Adam.




En même temps, si je regarde de quoi ma « raison » est constituée, je pourrais dire la même chose.

Mes nourritures intellectuelles ont laissées des traces en moi. Certaines ont été digérées et appartiennent au passé, et certaines sont encore vivantes. Quand je dis « je pense », est-ce vraiment moi qui pense ou sont-ce mes nourritures intellectuelles du passé qui me suggèrent ce que je dois penser ? Et qu'est-ce que le moi, sinon de l'eau et du pain intellectuels que j'ai un jour absorbé ? Comme le corps qui est l'agrégation de ce que j'ai pu manger un jour, l'intellect est l'agrégation que ce que j'ai un jour absorbé du monde des hommes.

Ce verset du Coran peut donc prendre un autre sens plus global sur ce que « je » suis. Je ne suis qu'un agrégat, agrégat de matière et agrégat d'idées. Si je suis fait physiquement d'argile, ma raison est aussi issue d'« une argile crissante, extraite d'une boue malléable ».




Mais cela n'est, encore, pas suffisant. Car je me vois être ce que je suis.

Si je considère, dans l'immédiateté illusoire de ma pensée, que je suis un objet sur lequel je peux penser, alors je vais voir le monde comme empli d'objets séparés. Je vais donc me positionner dans le monde de la multiplicité. Je vais pouvoir discourir sur les liens entre les objets entre eux, sur leur différence, je vais pouvoir les classifier, les ranger, les représenter.

En revanche, si je veux raisonner depuis le fait que ni mon corps physique, ni mon corps intellectuel, ne peuvent se limiter à un objet que je nommerai « moi », je ne peux plus me bercer dans l'illusion de m'immédiateté.

Parler de « moi » n'a plus aucun sens, car je ne connais pas les limites du moi. Je suis donc contraint, si j'accepte la réalité de ne pas pouvoir définir mon moi par le corps physique ou par le corps intellectuel, de raisonner dans le référentiel de l'Unité. Je suis uni au monde d'une façon si intime que ma vue des choses du monde change : je « suis » une partie de la montagne, je « suis » une partie des plaines et je « suis » dans les champs de blé, et vice versa.

Je vois alors que les gens qui se prennent pour des objets se trompent dès le départ de leur raisonnement. Ils se représentent de manière erronée, simplement parce qu'ils vivent dans le monde de l'éphémère et non dans le monde du Permanent. Quand ce moi extérieur ou intérieur change, les personnes sont déstabilisées : elles recherchent une jeunesse perdue, un trait physique attrayant, un état spécial de leur passé. Cela n'est pas mon cas, puique je sais que je n'ai pas de moi, du moins pas dans ce mode de représentation.




Si je prends la voie de Dieu, je prends la voie du Permanent. Ma conception des choses change au fur et à mesure que je progresse sur la voie.

Mon existence matérielle est liée à l'existence du monde. Mon existence intellectuelle est liée à l'existence du Verbe, de la civilisation, de la culture, de ma famille, existence qui est liée aux textes saints. Mais, en rapport avec le Permanent, je m'ouvre au Permanent en moi, je m'ouvre à mon âme. Mon âme, c'est cette partie qui est liée au Permanent, c'est cette partie qui est liée au Bien-Aimé, au Tout Miséricordieux.
Votre Seigneur connaît mieux ce qu'il y a dans vos âmes. Si vous êtes bons; Il est certes Pardonneur pour ceux qui Lui reviennent se repentant.[2]
Je vais alors commencer à sonder mon âme pour voir si, réellement, elle est « mon moi ». Mais le mot « moi » n'a plus de sens depuis bien longtemps.

Reste un péril, celui de voir en mon âme une divinité, comme j'ai pu autrefois faire des idoles matérielles, intellectuelles ou affectives. De fait, mon âme n'existe que par le reflet de Sa Lumière sur mon coeur. Et encore, que dis-je, « mon » coeur.

Le Bien-Aimé, dans toute sa Permanence, dans toute son Intelligence, est le seul à exister. Lorsque je vois d'autres existences, ma non-existence me voile par rapport à son Existence.
Ceci est un message (le Coran) pour les gens afin qu'ils soient avertis, qu'ils sachent qu'Ils n'est qu'un Dieu unique, et pour que les doués d'intelligence s'exhortent.[3]
La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu,et qui s'est brisé.Chacun en ramassa un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve. [center]Amazighiya face à l'homme et soumise uniquement à Dieu .[/center]
f
11 janvier 2012 22:04
Assalam alaikoum

Merci soeur sheera pour ce partage.

A travers ce texte, on peut envisager les trois niveaux de l'évolution de la conscience.

le premier plan, c'est celui de la multiplicité, de la dualité, celui de la conscience individuelle, "moi c'est moi, toi c'est toi"

Le deuxième plan, celui de la conscience collective, "moi c'est toi, et toi c'est moi"

Le troisième plan, celui de la conscience universelle, "ni moi ni toi, seulement Lui".

Ainsi, le cheminement se fait de la conscience individuelle à la conscience universelle en passant par la conscience collective. On passe, par l'éveil à soi, de la culture du "moi" à la culture du "soi".
14 janvier 2012 22:25
Assalam Alaikoum

Merci frère Faquir , tu as très bien résumé et expliqué le texte
Ce doit etre un vrai cheminement entre soi et Dieu .

Progres et soumission


Ami, toi qui es épris de liberté, écoute ces paroles.

Les hommes se sont toujours affrontés, s'affrontent et s'affronteront toujours à l'aide de doctrines, de « théories ». Toutes ces doctrines sont humaines, dans le sens où elles sont crées par des hommes qui ont des intentions, bonnes ou mauvaises pour les autres et souvent bonnes pour eux-mêmes. On trouve ainsi de grandes variations dans les doctrines, et il se peut qu'il y ait autant de doctrines qu'il n'y a de créatures, si ce n'est plus.

La religion n'est pas à la base une doctrine. Certains hommes, néanmoins, pour faire comprendre la religion aux créatures n'ont pas hésité à en faire des doctrines. Comme tous les créateurs de doctrines, ces derniers avaient des intentions, bonnes ou mauvaises pour les autres et souvent bonnes pour eux-mêmes.

La grande différence entre les doctrines humaines et la religion est que les premières sont relatives et la seconde est absolue. Ainsi, le monothéisme est pure relation personnelle entre l'homme et Dieu. Ce que les « créateurs de doctrines humaines » nomment « doctrine religieuse » est l'ensemble des rites et des textes qui permettent d'établir cette relation directe entre l'homme et Dieu.

Certaines religions ont, au cours du temps, dérivé en doctrines, et les « créateurs de doctrines humaines » en ont profité pour dire que toutes les religions étaient des doctrines humaines. Cela leur permettait de dénigrer la religion, de se venger des ministres de cette religion qui avaient parfois pris un certain pouvoir, et de mettre sur le même plan leur doctrine personnelle et la doctrine religieuse. Les religieux qui ont laissé cette assimilation se faire se sont égarés ; mais peut-être eux-mêmes n'avaient-ils pas compris que la religion n'était pas seulement une doctrine.

Encore plus fautifs sont ceux qui ont décrété que la relation entre Dieu et l'homme n'était pas du ressort de l'homme lui-même, mais d'un ministre du culte. Honte sur eux ! Chaque homme est responsable de ses actes devant Dieu ; il est donc indispensable qu'il puisse entretenir sa relation avec Dieu, personnellement.

Dieu est l'anti « arbitraire humain », Il est l'anti-doctrine. Il est la seule direction qu'un cœur doive prendre, car il est l'Amoureux. Il est la seule direction qu'un intellect doive prendre car il est derrière toute pensée, toute discipline, tout résultat tangible. Il est Celui qui Est, « plus proche de toi que ta veine jugulaire ». Et il est dans la poitrine de nombreuses personnes qui ne savent pas si elles « croient », tant ce terme a perdu de son sens avec les âges.




Une doctrine humaine qui a sous-tendu beaucoup d'autres doctrines humaines récentes est la croyance dans le « progrès de l'homme maîtrisé par des hommes ». Cette croyance est une superstition qui prétend qu'« il existe une ou plusieurs doctrines humaines pour que l'homme devienne meilleur collectivement ». On trouve cette croyance derrière la philosophie occidentale, le communisme, le fascisme, le nazisme, le New Age, et malheureusement derrière certaines doctrines religieuses.

La notion de « progrès de l'homme » est une création du Shaytan, car elle divise les hommes en hiérarchies. La plupart du temps, on trouvera dans ces doctrines deux catégories de créatures : celles qui dirigent le « progrès collectif » et celles qui doivent se soumettre aux premières. Cette notion est à l'opposé de la vision monothéiste qui ne fait pas de hiérarchie entre les hommes. Tout le monde est égal devant Dieu.

Spirituellement, cette superstition a séparé l'Orient de l'Occident et divisé l'homme potentiellement complet en deux parties. L'intellect y a gagné en considération mais, comme le cœur y a perdu, l'intelligence de l'homme a globalement diminué.

« Toute chose est un pont vers le Réel »[1]. L'idée de « progrès humain » est aussi un pont vers le Réel, vers la Vérité, vers Dieu : car il est vrai que l'homme peut se parfaire, mais non collectivement, en tous cas pas sous la coupe d'une idéologie maîtrisée par d'autres hommes. Il le peut personnellement dans son chemin vers Dieu. Collectivement, les créatures devraient déjà respecter les lois exotériques de la religion, ce qu'elles font plus ou moins selon les temps et les lieux.

L'erreur de la doctrine du « progrès humain » réside dans le fait que certains hommes prétendent savoir comment améliorer collectivement les autres hommes, sans s'améliorer eux-mêmes. Quelle simplicité dans le mensonge, quelle flagrante erreur, quel stupéfiant et si simple illogisme, quel fil conducteur de l'époque moderne, de ses théories et de ses dérives ! Et quel beau reflet de l'homme dans toute son imperfection, quelle leçon pour celui qui voit !

Le nihilisme ou le matérialisme (qui est aussi une forme de nihilisme) sont aussi des « ponts vers le Réel » : ils sont l'écho respectivement d'un vrai désespoir et d'une abdication devant l'équivalence formelle de toutes les doctrines humaines et devant le fait que toutes ces doctrines réclament l'adoubement d'humains à d'autres humains.

La philosophie (purement intellectuelle) occidentale est un échec pour les mêmes raisons : elle ne cesse de penser sur les variantes des pensées des hommes qui l'ont créée ; par conséquent, elle ne cesse de brasser des représentations relatives des choses, construites par des individus qui ne sont souvent pas exemplaires. Là encore, pour exister, il faut s'adouber à d'autres hommes, il faut entrer dans une lignée. Qu'y a-t-il de plus idolâtre, et de plus navrant, qu'un philosophe passant sa vie à commenter les autres philosophes ?

Il n'y a, en effet, formellement, pas de sens à chercher la vérité dans les écrits de quelqu'un. On peut chercher dans les écrits de quelqu'un, au mieux, de bonnes questions à se poser ou des méthodes pour se construire soi-même. Mais dans les deux cas, le travail est à faire en soi, dans la tête peut-être, mais surtout dans le cœur. Car penser sans son cœur, ce n'est pas penser. Les livres saints et les livres des saints sont d'un autre genre car ils parlent avec le cœur au cœur, ce qui explique que beaucoup ne les comprennent pas ou les comprennent mal.

Dans le cas où l'on trouverait des « solutions » (ce qui signifierait déjà qu'il y aurait un « problème » et que nous l'aurions bien identifié), ces solutions n'auraient aucune raison a priori de s'appliquer aux autres, en raison de leur nature différente de la nôtre. Si nous prétentions le contraire, nous nous placerions dans l'hypothèse implicite que le monde est à notre image, ce qui est faux.

C'est pourquoi la seule leçon qui se puisse donner est d'appeler les hommes à entrer dans leur chemin personnel vers Dieu. Car, il est nécessaire d'être soumis à Dieu : car la soumission à Dieu libère de la soumission aux autres hommes ; Dieu est le Libérateur.

Dieu a fait l'homme pour qu'il ne s'adoube pas aux autres hommes mais aux règles divines. Chaque doctrine humaine demande l'adoubement à des hommes, vivants ou morts, hommes devenus l'objet du culte d'autres hommes, hommes devenus des idoles.




C haque homme devrait chercher à se découvrir et à s'accepter tel qu'il est, pour son bien. Il pourrait ainsi trouver le meilleur moyen d'être utile à ceux qu'il aime et à ses semblables d'une manière générale. Pour cela, il peut rentrer dans la voie de l'Absolu, chemin dans lequel tant d'hommes saints et de prophètes ont laissé des traces et des signes.

Pour le mouride engagé dans cette voie, l'immense et prétentieux intellect esclave de l'ego barre la route vers Dieu. Cet ego peut être dompté au cours de la jihad.

Dans ce combat contre soi-même, le maître spirituel ne prétend pas améliorer tous les hommes, mais aider quelques hommes volontaires dans leur coeur à aller vers Dieu, chacun à leur façon. Sur le chemin, le mouride verra que chaque homme lui ressemble et que pourtant ils sont tous différents de lui. Beaucoup de « problèmes » humains, relatifs et éphémères disparaîtront d'eux-mêmes lors de la levée des voiles.

Car les choses sont. Et le mouride est. Et il est en dehors du fait qu'« il pense ».



Modifié 1 fois. Dernière modification le 14/01/12 22:29 par sheera.
La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu,et qui s'est brisé.Chacun en ramassa un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve. [center]Amazighiya face à l'homme et soumise uniquement à Dieu .[/center]
17 janvier 2012 01:30
Assalam Alaikoum

Le changement intérieur


L'ego, si sa puissance dictatoriale n'est pas combattue, prend le contrôle de notre être. Il masque notre âme et par conséquent nous cache la lumière d'Allâh, que Son Nom soit exalté.

Car il y a essentiellement deux chemins dans la vie : le premier est de suivre son ego et ses désirs changeants, ses passions, ses colères, ses haines et ses envies ; le second est de suivre un chemin vers le Bien-Aimé.

L'ego se valorise des gains matériels, il s'en nourrit. Il se nourrit de l'attachement au monde, mais est insatiable dans cette nourriture, jamais il ne se repaît. Car la satiété de l'âme ne vient qu'avec le Bien-Aimé. Seul le Bien-Aimé peut ôter les doutes des chemins intellectuels et des plaisirs ou déceptions matérielles. Car plaisir et déception sont tous deux œuvres de l'ego.

L'ego, au contact des autres egos, se fortifie, combat, tente de devenir le plus fort, le plus «loué». S'il n'y parvient pas, il jalouse, il ment, il détourne, il convoite, il détruit, il agresse. L'ego se prend toujours quelque part pour Allâh, Son créateur, inspiré qu'il est par le Chaytan, toujours caché sous quelque nouveau voile.

Si tu vas dans le chemin de l'Amour, l'ego soufflera la possession, la soumission, la fierté, l'orgueil, la supériorité, la vanité, le mépris, la séparation, la distance ;
Si tu vas dans le chemin de Connaissance, l'ego souffle l'érudition, les références, la connaissance des détails, l'illusion de l'exhaustivité, l'argumentation biaisée qui clôt le débat, l'opinion personnelle qui se dit vérité.
Dans ces deux chemins, il faut prendre garde à l'ego.

La plupart des egos des créatures dominent les cœurs, les éclipsant. Ainsi est-il bon de prier le Bien-Aimé d'ouvrir les poitrines des personnes dominées par leur ego. Car l'ego ne peut être raisonné par l'homme de «l'extérieur», il ne peut être changé que de «l'intérieur», par une volonté et un travail sur l'Ihsan.

On dit : - Pourquoi lutter contre l'ego ? Qu'est-ce que cela apporte ?
Réponds :
- Justement, cela ne te rapportera rien de matériel, mais tu verras naître d'autres fruits, si tu es patient. Lutter contre l'ego est œuvre pour Allâh.
La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu,et qui s'est brisé.Chacun en ramassa un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve. [center]Amazighiya face à l'homme et soumise uniquement à Dieu .[/center]
a
17 janvier 2012 22:55
Assalamou alaikoum

J'ai beaucoup apprécié ces textes notamment sur l'importance de l'égo, qui est omniprésent dans notre interaction à autrui
Cela amène en fait à une question majeure: "Quelle partie de mon adoration est réellement destinée à Allah?"
Certains hadith sur la prière parlent par exemple de la récompense en rapport avec le degré de recueillement.


A sheera,
En ce qui concerne le texte les limites du moi,

Je ne suis pas d'accord la définition du moi employée
Même si nous avons des similarités entre la nature et nous, moi, c'est moi.
Je suis indépendant en tant qu'être pensant dans cette immensité, même si j'ai besoin
En fait, si tu dis que le pain et l'eau sont une partie de moi, je ne peux dire que je suis une partie d'elle

ll n'y a qu'un pas avec ce que je vais citer:
Ce qui est gênant dans cette phrase, c'est que la spiritualité est en gros la nourriture de l'esprit
Si l'idée d'Allah est vitale pour moi, et que nous ne pouvons pas vivre sans Allah, je ne peux déduire de cela que je fais partie d'Allah et inversement: car Allah, c'est Allah et moi, c'est moi.
Je pense que ce concept que l'on rencontre chez les soufis hétérodoxes est très blasphématoire et est probablement le fait d'influences extra-islamiques.

Pourquoi parler de cela? Car la relativisation de la conscience individuelle ne doit pas amener à nier notre individu car Dieu nous a créé de manière autonome de manière à dominer cette nature. Dieu a voulu que nous nous affirmions pour mieux le servir, pour mieux nous rendre compte des bienfaits qu'il nous a accordé.
a
17 janvier 2012 23:04
Peut-on considérer ce cheminement entre soi et Dieu dont parle le frère Faqir comme de l'ésotérisme?
L'ésotérisme fait bien référence à une connaissance cachée, ce qui ne semble pas cohérent avec les données de l'Islam
Le Prophète nous a fourni les données pour reconnaitre le chemin, et pour que le voyage se déroule bien
Il nous a absolument tout dit

Après, la manière dont on vit cela fait partie de l'expérience, tout le monde peut y accéder.

Le shaykh ne peut que nous dire ce qu'il sait, qui a été enseigné par le Prophète au final
17 janvier 2012 23:21
Assalam Alaikoum

As300 j'ai bien compris ton questionnement et ton raisonnement et j'y reviendrais plus tard si tu le permets
Et ce texte pourra répondre en partie .

"Le Miroir et l'escalier"

Ami, ce que tu critiques chez les autres, tu l'as en toi-même mais, souvent, tu ne le vois pas. Pourquoi ne le vois-tu pas ?

Les autres sont ton miroir : tu te vois en eux, mais ce que tu vois n'est pas exactement toi-même, sinon tu te reconnaîtrais. C'est le toi que tu refuses, celui que tu ne veux ou ne peux pas voir. Si malgré tout, tu parvenais à le voir, tu pourrais gravir une marche.

Cette marche est composée des efforts que tu ferais contre ton nafs pour n'être pas comme ce que tu critiques chez les autres. Une fois la marche gravie, tu verrais, chez d'autres, d'autres traits tiens que tu voudrais corriger. Tu pourrais gravir une autre marche en t'aidant de ce merveilleux et impitoyable miroir de toi que Dieu a mis à ta disposition. Ainsi, tu progresserais sur le grand escalier.

Le monde matériel foisonne d'opportunités pour les mourides qui veulent progresser sur ce grand escalier. Sans miroir, pas d'escalier.




Progresser le long de l'escalier purifie le coeur.

Cet escalier n'a pas les mêmes marches pour tous, et tous n'y progressent pas à la même vitesse. Cela importe peu, car Dieu a prévu un escalier adapté à chacun.

Certaines marches seront plus difficiles que d'autres à gravir ; certaines marches paraîtront être des montagnes ; certaines marches seront faciles à gravir car tu les auras empruntées dans un certain ordre. Parfois, une marche pourra manquer de bloquer ta progression dans ce grand escalier. Invoque-Le afin qu'Il t'aide.




Progresser le long de cet escalier polit le coeur afin que ce dernier puisse refléter les attributs de l'Unique.

Viendra le moment où le monde t'apparaîtra parfait, à la Virgule près. Tu auras saisi la beauté et la perfection du Verbe divin, et la Majesté de Son écriture dans les Signes qui t'entourent.

Sur l'escalier, tu découvriras que tout ce que tu nommes "toi" n'existe pas, que ton ego veux te faire croire que tu as un "toi", que tu crois que tu existes, ce qui est une grande prétention. Ce "toi" est un mirage, un mirage qui protège les gens de Sa splendeur et de Sa puissance. Sans protection, les créatures seraient pulvérisées.

Sur l'escalier, tu sauras que ton âme avait toujours su qu'il n'y a d'existence que Lui.

Sur l'escalier, tu pourras entendre en toi ces milliers de voix parler au sein de ton nafs, ces voix même que les années et les vents ont conjugué dans ce grand assemblage du "moi". Quand "tu" penses, est-ce "toi" qui pense ou ton ego ? Et de quoi est constitué cet "ego" ? De toutes tes attaches au monde matériel.

Quand ces attaches disparaissent, tu découvres que, depuis toujours, tu vogues sur la Mer et que tu ne contrôles rien de ce qui t'advient, excepté ce que ton ego refuse qu'il t'advienne.
Tout bien qui t'atteint vient d'Allah, et tout mal qui t'atteint vient de toi-même.[1]



Modifié 1 fois. Dernière modification le 18/01/12 02:08 par sheera.
La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu,et qui s'est brisé.Chacun en ramassa un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve. [center]Amazighiya face à l'homme et soumise uniquement à Dieu .[/center]
f
18 janvier 2012 00:51
Citation
as300 a écrit:
Assalamou alaikoum

J'ai beaucoup apprécié ces textes notamment sur l'importance de l'égo, qui est omniprésent dans notre interaction à autrui
Cela amène en fait à une question majeure: "Quelle partie de mon adoration est réellement destinée à Allah?"
Certains hadith sur la prière parlent par exemple de la récompense en rapport avec le degré de recueillement.


A sheera,
En ce qui concerne le texte les limites du moi,

Je ne suis pas d'accord la définition du moi employée
Même si nous avons des similarités entre la nature et nous, moi, c'est moi.
Je suis indépendant en tant qu'être pensant dans cette immensité, même si j'ai besoin
En fait, si tu dis que le pain et l'eau sont une partie de moi, je ne peux dire que je suis une partie d'elle

ll n'y a qu'un pas avec ce que je vais citer:
Ce qui est gênant dans cette phrase, c'est que la spiritualité est en gros la nourriture de l'esprit
Si l'idée d'Allah est vitale pour moi, et que nous ne pouvons pas vivre sans Allah, je ne peux déduire de cela que je fais partie d'Allah et inversement: car Allah, c'est Allah et moi, c'est moi.
Je pense que ce concept que l'on rencontre chez les soufis hétérodoxes est très blasphématoire et est probablement le fait d'influences extra-islamiques.

Pourquoi parler de cela? Car la relativisation de la conscience individuelle ne doit pas amener à nier notre individu car Dieu nous a créé de manière autonome de manière à dominer cette nature. Dieu a voulu que nous nous affirmions pour mieux le servir, pour mieux nous rendre compte des bienfaits qu'il nous a accordé.


Assalam alaikoum

Rien n’est nié, au contraire, c'est dans l'universalité que l'individualité s'affirme, prend sa vraie dimension, au-delà des limitations du moi. Il s’agit de faire ce retour sur soi afin que nous nous affirmions comme des êtres responsables et autonomes. L'humain ne devenant pas une partie du Divin, mais il devient son objet, son canal, son support. C'est la station de serviteur en Dieu, signifiant que l'individu ne s'appartient plus, il appartient à son Créateur, mais c'est une appartenance consciente et volontaire. Elle est en fait la station des affranchis; elle incarne l'homme délivré des différentes tentations négatives et qui coopère avec le vouloir divin.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 18/01/12 16:16 par faqir.
f
18 janvier 2012 16:26
Citation
sheera a écrit:
Assalam Alaikoum

Le changement intérieur


L'ego, si sa puissance dictatoriale n'est pas combattue, prend le contrôle de notre être. Il masque notre âme et par conséquent nous cache la lumière d'Allâh, que Son Nom soit exalté.

Car il y a essentiellement deux chemins dans la vie : le premier est de suivre son ego et ses désirs changeants, ses passions, ses colères, ses haines et ses envies ; le second est de suivre un chemin vers le Bien-Aimé.

L'ego se valorise des gains matériels, il s'en nourrit. Il se nourrit de l'attachement au monde, mais est insatiable dans cette nourriture, jamais il ne se repaît. Car la satiété de l'âme ne vient qu'avec le Bien-Aimé. Seul le Bien-Aimé peut ôter les doutes des chemins intellectuels et des plaisirs ou déceptions matérielles. Car plaisir et déception sont tous deux œuvres de l'ego.

L'ego, au contact des autres egos, se fortifie, combat, tente de devenir le plus fort, le plus «loué». S'il n'y parvient pas, il jalouse, il ment, il détourne, il convoite, il détruit, il agresse. L'ego se prend toujours quelque part pour Allâh, Son créateur, inspiré qu'il est par le Chaytan, toujours caché sous quelque nouveau voile.

Si tu vas dans le chemin de l'Amour, l'ego soufflera la possession, la soumission, la fierté, l'orgueil, la supériorité, la vanité, le mépris, la séparation, la distance ;
Si tu vas dans le chemin de Connaissance, l'ego souffle l'érudition, les références, la connaissance des détails, l'illusion de l'exhaustivité, l'argumentation biaisée qui clôt le débat, l'opinion personnelle qui se dit vérité.
Dans ces deux chemins, il faut prendre garde à l'ego.

La plupart des egos des créatures dominent les cœurs, les éclipsant. Ainsi est-il bon de prier le Bien-Aimé d'ouvrir les poitrines des personnes dominées par leur ego. Car l'ego ne peut être raisonné par l'homme de «l'extérieur», il ne peut être changé que de «l'intérieur», par une volonté et un travail sur l'Ihsan.

On dit : - Pourquoi lutter contre l'ego ? Qu'est-ce que cela apporte ?
Réponds :
- Justement, cela ne te rapportera rien de matériel, mais tu verras naître d'autres fruits, si tu es patient. Lutter contre l'ego est œuvre pour Allâh.


Assalam alaikoum


C’est pourquoi il y a un adage soufi qui dit : « l’ego (an-nafs) est plus virulent (akhbath) que soixante dix chaytans ». Tu lui bouches un trou, il te sort par un autre trou, tu lui fermes une porte, il te vient par une autre porte, il te vient, comme c’est dit dans le texte, par la connaissance, il te vient par l’œuvre, il te vient par l’acquis. L’ego, le moi considère tout comme son propre acquis; ma connaissance, mon œuvre, ma voie, ma religion.

L’histoire de Moïse et sa symbolique nous éclaire sur cet aspect intérieur.

« Un prophète n’est qu’un homme, même s’il est le véhicule de la Vérité. En réalité, c’est toute l’évolution spirituelle de l’être qui est décrite à travers celle de Moïse. Son histoire est celle de l’homme immergé dans le monde temporel, éphémère et illusoire et qui, soudain, prend conscience des limites de ce monde. A ce stade, il revient vers le dénuement, la simplicité et la pauvreté. C’est lorsqu’il peut dire : « je ne sais pas » (état de vacuité), qu’il s’ouvre à la réception de l’Enseignement dans toute sa résonance. Puis il doit le réaliser et le vivre. »

Quand Moïse, entra dans la vallée sainte, il reçut l’ordre d’ôter ses sandales.

« Etre pieds nus signifie se débarrasser des dernières traces d’impureté et être soumis devant la majesté divine. Pour accéder à la Vérité, nous devons nous dépouiller, ôter nos apparences, dépasser nos prétentions et dominer notre orgueil. Chacun de nous pense souvent, en effet, que sa connaissance est meilleure que celle des autres, que tel maître spirituel est supérieur à tel autre. »

Après que Dieu lui ait révélé ce qui lui fut révélé, et comme preuve de sa mission prophétique pour laquelle Il l’a choisi, Moïse reçoit l’ordre de jeter son bâton, sur lequel il s’appuyait et avec lequel il abattait du feuillage pour ses moutons, que le prophète Shu’aib lui a donné lorsqu’il était en sa compagnie.

« Moïse reçoit l’ordre d’abandonner son bâton, c’est-à-dire tout le savoir reçu de Shu’aib et sur lequel il s’appuyait pour s’élever, éclairer et convaincre. En d’autres termes, il devait se défaire de cet acquis culturel de l’ego et s’ouvrir à l’universel, telle la chrysalide se métamorphosant en papillon pour prendre son envol. De maître qu’il était, l’ego sera désormais serviteur.
Pour dépasser les connaissances que nous avons accumulés et nos systèmes de valeurs, nous devons être capables de nous remettre totalement en question. Ceux qui s’attachent à leurs idées et pensent posséder une vérité définitive et sacrée s’enferment. En fait, ce n’est que l’ego qui se flatte, s’entête et s’enorgueillit. Dans cette remise en question, l’homme craint de perdre sa personnalité et de disparaître dans l’Absolu qu’il confond avec l’inconnu. Pour vaincre cette peur, Dieu nous invite à la confiance. C’est à partir de là qu’Il nous donne. »


Une fois jeté, le bâton se transforma alors en serpent rompant !

« Moïse, en s’exécutant, se soumet. Le bâton devient un serpent rompant. Cette transformation signifie qu’une fois totalement vidé de l’acquis, le savoir est revivifié par la grâce de Dieu et devint Connaissance. Le serpent, emblème de la médecine et de la pharmacie, est à la fois le venin et le sérum. Ce venin, symbole de la perversion de l’âme, peut se transformer, par la Connaissance, en thérapie de l’âme et en sérum nécessaire à sa purification. Ainsi, le savoir reçu par Moïse devait se métamorphoser et s’intérioriser.
Lorsque Dieu nous demande de jeter ce que nous possédons, c’est qu’Il nous réserve mieux. Si nous acceptons d’abandonner nos connaissances intellectuelles, Il les renouvelle et les transforme en connaissance intérieure. En d’autres termes, si nous laissons Dieu agir en nous et à travers nous, cette Connaissance s’accroît et devient active. Mais comment jeter le bâton ? Si nous voulons être guidés vers la Lumière, il nous faut accepter, comme lui (Moïse), l’épreuve du feu. Celui qui cherche Dieu en suivant un enseignement traditionnel et lié au Divin saura pourquoi et comment jeter. »
(Cheikh Khaled Bentounès, l’homme intérieur à la lumière du Coran)

C’est pourquoi, nous finissons par dire que la voie de la Vérité c’est la voie de l’abandon, c’est la voie, tel a dit Cheikh Abu sa’id, « au long de laquelle on se libère de son moi ».
22 janvier 2012 20:43
Citation
faqir a écrit:
Citation
as300 a écrit:
Assalamou alaikoum

J'ai beaucoup apprécié ces textes notamment sur l'importance de l'égo, qui est omniprésent dans notre interaction à autrui
Cela amène en fait à une question majeure: "Quelle partie de mon adoration est réellement destinée à Allah?"
Certains hadith sur la prière parlent par exemple de la récompense en rapport avec le degré de recueillement.


A sheera,
En ce qui concerne le texte les limites du moi,

Je ne suis pas d'accord la définition du moi employée
Même si nous avons des similarités entre la nature et nous, moi, c'est moi.
Je suis indépendant en tant qu'être pensant dans cette immensité, même si j'ai besoin
En fait, si tu dis que le pain et l'eau sont une partie de moi, je ne peux dire que je suis une partie d'elle

ll n'y a qu'un pas avec ce que je vais citer:
Ce qui est gênant dans cette phrase, c'est que la spiritualité est en gros la nourriture de l'esprit
Si l'idée d'Allah est vitale pour moi, et que nous ne pouvons pas vivre sans Allah, je ne peux déduire de cela que je fais partie d'Allah et inversement: car Allah, c'est Allah et moi, c'est moi.
Je pense que ce concept que l'on rencontre chez les soufis hétérodoxes est très blasphématoire et est probablement le fait d'influences extra-islamiques.

Pourquoi parler de cela? Car la relativisation de la conscience individuelle ne doit pas amener à nier notre individu car Dieu nous a créé de manière autonome de manière à dominer cette nature. Dieu a voulu que nous nous affirmions pour mieux le servir, pour mieux nous rendre compte des bienfaits qu'il nous a accordé.


Assalam alaikoum

Rien n’est nié, au contraire, c'est dans l'universalité que l'individualité s'affirme, prend sa vraie dimension, au-delà des limitations du moi. Il s’agit de faire ce retour sur soi afin que nous nous affirmions comme des êtres responsables et autonomes. L'humain ne devenant pas une partie du Divin, mais il devient son objet, son canal, son support. C'est la station de serviteur en Dieu, signifiant que l'individu ne s'appartient plus, il appartient à son Créateur, mais c'est une appartenance consciente et volontaire. Elle est en fait la station des affranchis; elle incarne l'homme délivré des différentes tentations négatives et qui coopère avec le vouloir divin.

Assalam alaikoum

Merci khoya faqir pour ta réponse , elle est des plus juste comme à l'accoutumée
La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu,et qui s'est brisé.Chacun en ramassa un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve. [center]Amazighiya face à l'homme et soumise uniquement à Dieu .[/center]
f
23 janvier 2012 16:43
Assalam alaikoum

De rien oukhti, nous sommes ici pour l'échange et le partage, dans l'amour et la fraternité en Dieu.
23 janvier 2012 23:18
Citation
faqir a écrit:
Assalam alaikoum

De rien oukhti, nous sommes ici pour l'échange et le partage, dans l'amour et la fraternité en Dieu.

Wa alaikoum assalam khoya

" Ego et miséricorde "

On peut sentir la miséricorde divine avec de l'attention et de la patience. L'attention nous rend disponibles à Dieu, ouverts, dans le rappel de la présence de Dieu. La patience élimine les obstacles et nous guérit des maux qui chez les autres empirent.

Il y a, en effet, deux types de personnes : celles qui guérissent de leurs maux avec le temps, et celles qui aggravent leurs maux avec le temps ; les premières sont des personnes ouvertes à la miséricorde divine, les secondes sont des personnes fermées à Dieu et ouvertes seulement à leur ego. Il n'appartient qu'à Dieu de transformer les secondes dans les premières.

Pour le second type de personnes, la représentation courante les montre comme des personnes heureuses alors qu'il n'en est rien. Il est au contraire affreux d'être sans arrêt soumis aux désirs impétueux de son ego, car rien ne contente l'ego. Plus on lui donne et plus il veut. Et ses plaisirs sont toujours évanescents, toujours de courte durée, pauvres : ils ont un goût de sable et de poussière, comme une nourriture qui ne contenterait pas.

Vient un moment où l'ego veut dominer les autres comme il domine déjà en soi, il veut soumettre le dehors, et le faire plier à sa propre volonté au lieu de composer avec sa différence. L'ego ne comprend pas que le monde ne soit pas à son image. Il est impétueux, impulsif, il se cabre, n'accepte pas les critiques, il nous mène une vie infernale si on ne tient pas sa bride.

Le monde dit moderne a sublimé les frasques de l'ego, les a valorisées au point que chaque ego se sent profondément différent des autres, se prend pour Dieu, ce qui est faux et ce qui est très orgueilleux. La plupart des personnes, ayant oublié que leurs talents venaient de Dieu, se sent légitimée à se vanter de ses talents et à louer son ego comme une idole. Comme l'ego change souvent de volonté, ces personnes sont versatiles. Ne cherche pas de cohérence chez les personnes soumises à leur ego : seules sont cohérentes les personnes soumises à Dieu, que ces dernières le sachent ou qu'elles ne l'aient pas réalisé. On ne vit que dans l'instabilité quand l'ego domine.

L'affrontement du monde est l'affrontement des egos. O quelle belle foire que celle des egos luttant les uns contre les autres, quelle danse bigarrée et colorée !

Ami, sache que la lutte contre l'ego est une lutte de tous les instants, la guerre contre l'ego est la grande guerre sainte. La miséricorde divine vient nous supporter dans cette guerre. Sans elle, nous ne pourrions trouver de courage pour nous parfaire.

Dieu le Majestueux nous envoie des signes qu'il est à nous de prendre, Il nous encourage par Ses présents. Qu'Il soit louangé !
La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu,et qui s'est brisé.Chacun en ramassa un fragment et dit que toute la vérité s'y trouve. [center]Amazighiya face à l'homme et soumise uniquement à Dieu .[/center]
f
24 janvier 2012 12:56
Assalam alaikoum

Ainsi, on peut dire qu'il y a essentiellement deux situations : être soumis à Dieu ou être soumis à son ego. Peut-être que ceux qui sont vraiment soumis à Dieu, ceux qui sont des muslims, au sens propre du terme, sont rares, souvent nous nous mettons dans une situation de soumission, d'une façon ou d'une autre, à notre ego, et même sans en prendre conscience, ce qui aggrave encore la situation, car reconnaître sa propre maladie est le premier pas pour la guérison, et pour s'exposer à la miséricorde divine, car Dieu est avec les nécessiteux, un verre plein ne peut être rempli, alors que la seule possibilité de l'ego, c'est d'être uniquement en Dieu et rien d'autre, le reste n'est qu'illusion, et l'illusion elle-même est nécessaire pour découvrir la réalité, elle (l'illusion) est en même temps un voile et un accès, l'important c'est de ne pas s'attacher à elle.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 24/01/12 15:09 par faqir.
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook