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Le savoir s'évalue en fonction de ses fruits
Aujourd’hui, le savoir est devenu pour beaucoup la décoration de leur bibliothèque personnelle de gros livres portant des titres dorés, le téléchargement de milliers de livres sur leur ordinateur, le copier-coller. Pour certains, le savoir c’est l’accumulation de diplômes. Pour d’autres, le savoir s’arrête à l’apprentissage par cœur des textes scientifiques -mutûn- sans aller plus loin dans leur compréhension profonde et dans leur mise en œuvre. D’autres essaient de cacher leur affreuse nudité en matière de savoir par un piteux réseau de flatterie qu'ils tissent autour des grands savants en se collant à eux et en quémandant des « tazkiya ». Or le vrai savoir se manifeste sur les sens, les actes, l’aspect, la plume, le discours, les projets de réforme et les positions de celui l’a acquis. On juge le savoir d’après ses fruits ! Prenons l’exemple de l’imâm Abû Hâmid Ghazâlî. Les spécialistes de la méthodologie juridique -usûl al-fiqh- sont unanimes pour dire que son livre al-mustasfâ est la référence dans ce domaine et qu’aucun savant jusqu’aujourd’hui n’a réussi à ajouter une brique complète à cette construction des usûl qu’il a élevée. Voici ce fait qui lui est arrivé durant sa jeunesse et qui explique ce dont on parle :
Alors qu’Abû Hâmid Al-Ghazâlî quittait la cité de Gorgan pour se rendre à sa ville natale Tûs (près de Mashhad en Iran), une bande de brigands attaqua la caravane dans laquelle il se trouvait et le dépouilla de tout ce qu’il possédait. Abû Hâmid ne regretta qu’une chose, c’est qu’il y avait dans ses affaires ses cahiers dans lesquels il avait écrit et commenté -ta`lîqa- tout ce qu’il avait appris de l’imâm Abû Nasr Al-Ismâ`îlî. Il suivit les brigands et leur chef le menaça : « Gare à toi ! Pars, sinon ce sera ta fin ! » Il lui dit : « Je t’adjure au nom de Celui auprès duquel tu espères le salut de me rendre uniquement ma ta`lîqa. Elle ne vous servira à rien » - « C’est quoi la ta`lîqa, demanda le chef de la bande ? » - « Ce sont mes cahiers qui sont dans le sac que vous avez, lui répondit Al-Ghazâlî. Ils contiennent la science que j’ai acquise et j’ai dû quitter mon pays pour connaître ce savoir » Il rit et lui dit : « Comment prétends-tu connaître le savoir qui se trouve dans ces cahiers alors qu’il suffit qu’on te les enlève pour que tu te dévoiles et tu deviens dénué de tout savoir ? » puis il ordonna de lui rendre le sac. Al-Ghazâlî a dit : « Allah a fait dire à cet homme cette maxime pour me guider. Quand je suis arrivé à Tûs, je me suis concentré durant trois ans sur ce que j’avais écrit jusqu’à tout apprendre et comprendre. Même s’il m’arrive maintenant d’être dépouillé de mes écrits, je ne serai pas dépouillé de mon savoir » [tabaqât ash-shâfi`iyya d’As-Subkî]