Menu
Connexion Yabiladies Ramadan Radio Forum News
A Saint-Ouen, des réfugiés syriens en quête d'asile
M
23 avril 2014 14:02
A Saint-Ouen, des réfugiés syriens en quête d'asile
Laure EQUY 23 avril 2014 à 07:22
Photo supprimée par le membre  Photo supprimée par le membre

Des femmes syriennes et leurs enfants, le 21 avril au square Edouard-Vaillant de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Des femmes syriennes et leurs enfants, le 21 avril au square Edouard-Vaillant de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). (Photo Joël Saget. AFP)
REPORTAGE
Ils sont 165, regroupés depuis plusieurs semaines, et s'apprêtent à déposer une demande d'asile. Mais n'ont toujours pas d'hébergement durable.

Cette nuit, les Syriens, réfugiés dans un square de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), ne savent pas encore où ils dormiront. Mardi soir, la mairie a débloqué in extremis une enveloppe de 1 200 euros pour les loger à l’hôtel, sous la pression des associations qui ne pouvaient plus financer l’hébergement. Ce soir, ils verront bien. L’hôtel de nouveau, peut-être un local que la mairie mettrait à disposition, les banquettes de voitures pour certains. Des solutions bricolées au jour le jour.

Trois jours après l’alerte lancée par Europe Ecologie-les Verts et les associations France terre d’asile et Revivre, les réfugiés syriens – 165, dont 82 enfants selon les associations – ont reçu la visite, mardi, du directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et du préfet de l’égalité des chances. Celui-ci leur a demandé d’établir une liste des familles en exil et de monter, avec l’aide des ONG, les dossiers de demandes d’asile. Pascal Brice, de l’Ofpra, s’engage à ce que leurs cas soient traités en urgence : «En moyenne, le délai est de six mois, déjà raccourci à trois pour les Syriens. Leurs demandes, quand nous les aurons reçues, seront examinées sous quinze jours.»

Mais le préfet à l’égalité des chances admet qu’il ne peut pas les loger illico. Leurs «parcours difficiles» butent sur les propres problèmes du département avec ses centres d’hébergement bondés et ses «8 000 personnes logées à l’hôtel chaque nuit». «Il est probable qu’on trouve des solutions un peu loin, dans un peu de temps», soupire Didier Leschi.

Ce week-end, EE-LV avait demandé à l’Etat de «prendre ses responsabilités» et de «réquisitionner un lieu d’accueil d’urgence» pour ces Syriens dont certains vivotent dans le square Edouard-Vaillant depuis trois mois. Leur présence est discrète. Sur les pelouses, les femmes ont étendu quelques duvets. Les hommes discutent debout par petits groupes. Les gamins courent entre les jambes des grands, attrapent un goûter au vol, des gaufres et des yaourts distribués par un bénévole.
«Une vie comme tout le monde»

Leur périple, épuisant, chaotique, se ressemble pour beaucoup d’entre eux : passé la frontière libanaise, un vol de Beyrouth pour l’Egypte puis l’Algérie. Ensuite le Maroc, l’enclave de Melilla, l’Espagne à remonter, et la France. «En voiture, en bus, en car», «un bakchich» à toutes les étapes, sourit Mohammed, 45 ans. Cet ancien garagiste «a sorti tous [ses] sous de la banque». Il doit encore faire venir sa femme et ses trois enfants qui patientent à Alger. Il a logé un temps au Formule 1 voisin qui a fini par refuser ces pensionnaires syriens et dort place de Clichy, dans une chambre d’hôtel dont il serre la clé dans sa poche. Mohammed a quitté Homs voilà un an, menacé par l’armée syrienne qui «voulait [l’]égorger». Il raconte que les soldats d’Assad ont trouvé son contact dans le téléphone portable d’un de ses amis, entré dans la rébellion, «qui a été pendu». «Mais chez moi, personne ne fait la guerre», assure-t-il. Et lui ne parle pas de politique.

Kassem, 45 ans, est parti il y a un an, lui aussi. Vendeur sur les marchés en France depuis une dizaine d’années, il est allé chercher sa femme et ses cinq enfants, reclus dans leur maison de Banias, au bord de la Méditerranée, sans eau ni électricité. Lui a une carte de séjour, pas eux, encore coincés à Melilla. Kassem assure que «la mosquée a aidé» le groupe de réfugiés syriens, finançant quelques chambres d’hôtel et de la nourriture. Les riverains aussi sont solidaires. Mais «il faut des médecins en urgence pour les enfants» et les femmes enceintes du groupe. Trois ont été emmenées à l’hôpital après la visite de France terre d’asile et du Haut-commissaire aux réfugiés, vendredi. Jamal, 46 ans, aussi, a besoin de soins pour son fils de 2 ans, handicapé. Il s’accroupit pour l’enlacer. Le petit n’avait que quelques mois quand la famille a fui Homs avec l’aîné de 18 ans. «Bachar a tout cassé» et fauché leur autre fils d’une dizaine d’années, lâche Jamal, qui vendait des pièces de voitures dans la vieille ville détruite. Après l’entrevue avec le préfet, Jamal serre ses poings de joie. Avec les autres, il scande «le peuple syrien est uni». Est convaincu que «la France va donner l’asile».

Yahya ne semble pas attendre grand-chose de la procédure. «Tout le monde, les journalistes, les associations, me demande si je vais faire l’asile. Mais j’ai déjà frappé à toutes les portes», s’agace ce prothésiste dentaire de 44 ans originaire du quartier de Jobar à Homs. Avec ses cinq enfants âgés de 3 à 21 ans, il est sur la route depuis 2011. Le plus jeune n’a connu que ça, «les routes». Yahya se tient bien droit, porte le front haut. La prestance de celui qui avait une situation. «Je voyageais, j’avais de l’argent, mes enfants sortaient.» Malgré son sourire fatigué, il croit pouvoir s’installer en France. «Sinon, ce sera l’Australie !» Ou un autre endroit, «un quelque chose comme chez nous avec une vie comme tout le monde, l’école, du travail».
Laure EQUY
 
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com
Facebook