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Sahara : Des mines et des hommes
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9 février 2007 20:45
Par Driss Bennani, Tel Quel n° 259



Trois morts, dont deux notables sahraouis… Et voici le dossier des mines antipersonnel au Sahara qui refait surface. Et à en croire un rapport de l'Observatoire des mines, elles se comptent en milliers, voire en millions.


Le dossier des mines antipersonnel refait violemment surface au Sahara. Jeudi 18 janvier, le véhicule transportant un député sahraoui du parti de l'Istiqlal vole en éclats dans la région de Bir Anzarane, suite à l'explosion d'une mine antipersonnel. Laroussi Mohamed Lamine Ould Lamghimid décède sur le coup. Ses trois compagnons sont grièvement
blessés, mais survivent miraculeusement à l'explosion. Quatre jours plus tard, soit le lundi 22 janvier, un autre député et membre du Corcas, Mohamed Khatri Joummani, périt dans l'explosion d'une mine antichar alors que quelques kilomètres plus au nord, une famille de nomades sahraouis pleurait la mort de leur fillette de huit ans, tuée par une mine antipersonnel que les vents ont déposé à côté de la tente familiale.

Si au Sahara l'émotion est encore vive, à Rabat, l'agacement est plus que palpable. Dans la foulée des trois incidents, Chakib Benmoussa et Fouad Ali El Himma, respectivement ministre et secrétaire d'Etat à l'Intérieur, tiennent des réunions marathoniennes à Laâyoune. Objectif : réactiver les opérations de déminage. Les deux responsables assistent personnellement aux obsèques des victimes, à côté de Khelli Henna Ould Errachid et d'autres membres du Corcas. Mohammed VI, qui se trouvait en visite officielle dans la région d'Azrou, insiste quant à lui pour joindre l'aîné des Joummani sur le téléphone d'Ali El Himma. Sollicitude officielle sincère ou inévitable récupération politique ? “Il y a un peu des deux, explique cet observateur sahraoui. Tout ce qui se passe au Sahara préoccupe sérieusement les autorités centrales de Rabat. Plusieurs personnes sont mortes ou ont été amputées des membres inférieurs à cause des mines antipersonnel tout au long de ces dernières années. Mais c'est bien la première fois que deux notables, appartenant à deux grandes tribus du Sahara, décèdent lors de la même semaine suite à l'explosion de mines. Rabat ne pouvait rester insensible à une situation pareille”. Selon des sources locales, plusieurs “régions contaminées” par les mines ont été bouclées par les membres du génie militaire tout au long du Mur de défense, en attente d'une éventuelle opération de déminage de grande envergue.

Des mines, par millions
Un récent rapport de l'observatoire des mines estime que “le nombre de mines au Sahara occidental varie entre 200 000 et 10 millions”. Malgré l'imprécision des chiffres, le rapport de l'observatoire onusien comporte la seule estimation plus au moins fiable. Lors de ses différentes opérations de surveillance, la Minurso a simplement confirmé la présence de 35 différents types de mines antipersonnel et de 21 types provenant de 12 pays, surtout de l'ex-Union soviétique. Tous ces explosifs ont été posés à partir de 1975 par les forces marocaines et polisariennes, lors de la guerre qui a opposé les deux armées jusqu'en 1991, date de la signature d'un accord de cessez-le-feu. Les mines sont généralement enfouies à moins de 30 cm sous le sable et explosent, selon leur nature, au passage de chars, de véhicules tout terrain, ou de simples caravanes de chameaux. La grande inconnue de toute cette équation explosive ? L'emplacement exact des mines, information sans laquelle toute opération de déminage serait compromise. “Alors que le Maroc affirme disposer de plans précis concernant l'emplacement de ses explosifs, le Polisario a été dans l'incapacité de fournir un document similaire depuis 1991”, explique un cheikh sahraoui qui a participé aux opérations d'identification, avant de poursuivre : “Théoriquement, le Maroc reconnaît avoir placé des mines le long du Mur de défense. C'est d'ailleurs une zone interdite à la circulation. La situation est plus complexe du côté du Polisario. Après chaque incursion en territoire sous contrôle marocain, l'armée polisarienne posait des mines avant de se replier. Le problème : cela se faisait de manière anarchique et souvent aux abords des villes”. Il y a quelques années, une mine a d'ailleurs explosé au beau milieu d'un quartier de la ville de Smara, que le Polisario avait occupé pendant quelques jours vers la fin des années 70. En tout, depuis 1975, 534 personnes ont trouvé la mort et plus de 2000 ont été blessées ou amputées des membres inférieurs, suite à l'explosion de mines au Sahara.

Déminage conjoncturel
Au lendemain de la signature du cessez-le-feu pourtant, les Nations Unies avaient promis de soutenir les efforts de déminage de la région et d'y participer activement. Cela ne s'est finalement jamais fait. “Jusque-là, après chaque explosion, le génie militaire marocain repérait les mines enfouies dans la région et déminait les alentours”, explique Noureddine Darif, président de l'Association des victimes des mines antipersonnel à Smara. D'autres opérations de déminage ont permis de tracer des pistes sécurisées pour les déplacements des différentes patrouilles de la Minurso ou pour le passage du Rallye Dakar, “mais cela reste insuffisant vu le nombre impressionnant de mines posées à l'aveuglette par telle ou telle partie du conflit dans différentes régions du Sahara occidental”, affirme un responsable associatif à Laâyoune. En plus, les vents et les crues de quelques oueds de la région provoquent des déplacements fréquents des mines anti-personnel et anti-char, rendant presque impossible toute tentative de localisation des champs piégés. Quelques kilomètres à l'est de Smara, des champs de mines, déplacés par les crues des oueds, sont mêmes visibles à l'œil nu. “N'oubliez pas que le Sahara est peuplé de nomades et que ces derniers se déplacent au rythme des pâturages, fait remarquer un responsable à Laâyoune. Ils courent un véritable danger quand ils s'aventurent en dehors des pistes tracées”.

Aujourd'hui, le dossier est plus que jamais d'actualité. C'est l'occasion, selon Noureddine Darif, de remettre sur la table la question de la prise en charge et du dédommagement des victimes des mines au Sahara, d'accélérer les opérations de déminage et “de mettre l'ONU ainsi que toutes les parties du conflit devant leurs obligations”. Et même au-delà des mines, le Sahara est rempli d'obus qui n'ont pas encore explosé, de débris d'armes et de munitions qui continuent de faire des ravages, surtout parmi les plus jeunes. Selon les dernières informations, des opérations de déminage auraient effectivement démarré le mercredi 31 janvier, aux alentours de Smara. Cette fois sera-t-elle la bonne ?




Officiel. Le déminage en chiffres


Pour la première fois depuis plus de trente ans, les autorités marocaines publient un communiqué détaillant les opérations de déminage menées au Sahara, ainsi que l'emplacement supposé des principaux champs minés. C'est ainsi qu'on apprend que “depuis le début de l'opération de déminage en 1980, les démineurs marocains ont récupéré et détruit 20 469 mines anti-chars et 44 253 mines antipersonnel”. Parallèlement, les officiels marocains affirment avoir entrepris “le balisage d'axes et de zones assainis pour la protection des populations nomades, la formation des militaires dans la zone sud sur le repérage, l'identification et la destruction des mines et des engins non explosés”. Mais malgré tous ces efforts, les accidents restent inévitables, de l'aveu même de certains responsables militaires. Lors de chaque détection de mines, indiquent les mêmes sources, “les unités du Génie procèdent systématiquement à l'identification des objets trouvés et à leur destruction, tout en y associant les observateurs onusiens, comme le stipule l'accord militaire N 3 signé dans ce cadre”. Alors que le Maroc affirme disposer de mines dans le seul but de la formation et de l'instruction militaire, le responsable technique du Polisario avait déclaré en 2000 que “le Front ne pouvait s'engager à détruire toutes les mines en sa possession, car il pourrait à nouveau entrer en guerre demain”.
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13 février 2007 18:44
L'armée marocaine a lancé une vaste opération de déminage près de Smara !
 
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