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Où va la royauté? (maghreb-canada)
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4 mars 2005 10:13
Maghreb Canada Express www.maghreb-canada.ca Volume III Numéro 3 (3ième année) MARS 2005 Page 12
POLITIQUE Maroc
Où va la Royauté..?
"....... Le seul moment où le changement est
réellement perceptible, c'est lorsqu'on
change de roi. Lorsqu'on souffle dans
le cor pour annoncer aux fidèles sujets: "Le Roi est mort, vive le Roi".
Le temps monarchique s'arrête.
Nouvelle intronisation, nouveau règne,
nouveau calendrier officiel pour déplacer
un ou deux jours fériés. Et puis, l'on
se demande si tout cela va se dérouler
dans une continuité immuable ou avec
des actes et des moments de rupture
notoire. Sans remonter jusqu'aux
Almoravides, ce qui serait le déluge par
rapport aux temps actuels, la question
était dans tous les esprits à l'arrivée de
S.M Mohammed VI sur le trône. Cinq
ans après, l'équivalent d'une législature,
on n'en finit pas d'ouvrir le cahier
des comptes pour déceler des indices
de réponses.
Plus question de s'en sortir par une
pirouette, genre "changement dans la
continuité". Parmi " le peuple souverain",
"le lecteur est roi". Ce lecteurlà
appartient, en moyenne, à la même
tranche d'âge que le Roi actuel. Il exige
des réponses qui ne soient ni vieillottes
par rapport à la mentalité de son
époque, ni décalées par rapport à ce
qu'il observe.
Un premier constat qui relève de
l'évidence: S.M Mohammed VI remplit
le champ politique, dans le temps et
dans l'espace; y compris quand il est à
l'étranger et qu'il s'y attarde, au point
que l'on trouve matière à
épingler les "longues absences du
Roi". C'est arrivé récemment, lors de
sa tournée en Amérique du Centre et
du Sud, du Mexique au Chili, sur fond
de question du Sahara. Cela ressemblait
un peu à ses déplacements éclairs
de Oujda à Agadir, sans escale à
Rabat. Il n'y a presque plus de capitale.
Le Roi est partout; et il inaugure tout.
On n'a jamais autant vu à la télévision,
autant touché un Roi. C'est l'image de
ce qu'on a appelé "le Maroc de
Mohammed VI". Cet arrêt sur image
véhicule et suscite, en lui-même,
quelques
interrogations. Deux, essentiellement,
pour faire court : Un. Lorsque le Roi
bouge, est-ce que le Maroc bouge
également et réellement ? Deux. Le
Maroc doit-il bouger uniquement par le
Roi ; autrement dit, pour parler clairement,
quitte à mettre les pieds dans le
plat de la Constitution -un plat récemment
réchauffé- le Roi doit-il et régner
et gouverner?
Procédons par ordre. "Le Maroc de
Mohammed VI" a-t-il bougé? Réponse
par une pirouette qui n'en est pas une :
oui et non; beaucoup et pas assez.
Bref recensement du "oui". Le Maroc
du statut libérateur de la femme,
envers et contre tous les réflexes conservateurs
et anachroniques. Le Maroc
de la parole retrouvée et livrée au public,
des victimes des "années de
plomb"; ce qui est en fait le procès de
l'époque Hassan II. Le Maroc de la
criminalisation de la torture par
amendement et procédure lourdement
punitive du Code pénal. Le Maroc de
l'épouse du Roi, que l'on voit et dont on
a mémorisé le visage; le terme n'existe
pas dans le lexique protocolaire, mais
c'est un peu "la reine mère du Prince
héritier", avec une présence effective
qui participe de l'image de la monarchie.
Le Maroc d'un Roi qui utilise les palais
comme espaces de travail et qui loge
dans une villa, forcément royalement
cossue. Le Maroc de la volonté
affichée de résorption
progressive des océans cumulés de
bidonvilles et des strates sédimentées
d'habitat précaire. Le Maroc du
projet, que l'on souhaite réalisable, de
l'assurance maladie obligatoire ; "un
peu" tardive, mais une reconnaissance
tout de même du droit aux soins de
santé pour tous. Le Maroc du chantier
gigantesque de Tanger-Med. Le Maroc
d'une beaucoup plus grande liberté de
la presse où la personne même du Roi
est souvent mise en équation politique.
Ce Maroc-là, un Maroc monarchique,
bouge. Il ne bouge pas que par la
volonté d'un Roi; il bouge aussi par la
force des choses. Et dans "les choses",
il y a la contrainte des problèmes qui ne
peuvent plus être différés, l'exigence
citoyenne d'une société civile émergente
et un environnement international
de plus en plus regardant.
Le Maroc qui ne bouge pas assez vite
ou pas du tout, c'est d'abord celui de
réalités réticentes, criantes et parfois
dramatiques. Un legs surmultiplié d'un
demi-siècle d'indépendance, fait de
retard, de n'importe quoi et de rapine
organisée. Toujours pour faire court, un
exemple suffit, poignant et inadmissible.
Celui de ces jeunes, dans la force
de l'âge productif, qui se jettent littéralement
et mortellement dans le
Détroit pour se donner une raison de
vivre, de l'autre côté de la
Méditerranée.
Au niveau du cérémonial du protocole
royal, qui constitue pour certains une
fixation, il y aurait à prendre et à laisser.
La présentation de la beïâ
(Allégeance) au Mechouar (esplanade
du palais de Rabat) fait partie du patrimoine
constitutif de la monarchie,
même si elle renvoie aux tableaux de
Delacroix et à la littérature imagée de
Pierre Loti. En somme, l'image d'une
monarchie attachée à ses attributs
d'ancienneté, tout comme les signes
extérieurs de royauté de la reine
d'Angleterre, tels le carosse doré et les
Rolls capitonnées. D'autres aspects
résiduels de l'étiquette protocolaire ont
été soit attenués, soit supprimés. Tel le
baise-main, qui n'est plus obligatoire.
"La prière du train" royal, annulée ; "le
baise-dahir" royal au moment de sa
lecture, annulé ; et la procession de
voitures formant cortège royal et
roulant sur des kilomètres de tapis contigus,
rendue moins voyante.
Restent deux sujets qui, eux aussi, ne
sont plus tabous puisqu'il sont étalés à
longueur de colonnes de la presse : la
liste civile incluse dans le budget de
fonctionnement de l'État votée par le
Parlement ; et le patrimoine financier
de la famille royale approximativement
identifiable et difficilement quantifiable.
Venons-en au "Roi partout", qui mange
l'espace et les attributions de l'Exécutif,
en général ; pour réduire à leurs simples
expressions les prérogatives supposées
du Premier ministre, en particulier.
Le thème a fait florès depuis la
mort de Hassan II. Les modèles
opposés à
l'activisme tonitruant de SM
Mohammed VI, prennent pour
références les monarchies
européennes. Lorsque Mohamed
Elyazghi propose un amendement constitutionnel
portant sur les pouvoirs du
Premier ministre, c'est de cela qu'il
s'agit, même si c'est politiquement formulé
et subtilement dit.
Par contre, la question qui n'est pas
posée est celle-ci : avons-nous les
moyens d'une monarchie à
l'Européenne ? "Les moyens", ce sont
d'abord, ensuite et enfin, la capacité
d'encadrement des citoyens par nos
partis politiques. Cette question n'est
jamais posée par les partis. Une rétention
qui fait figure de tabou inversé.
Mais, si l'on prend comme indice incontournable
le taux de participation aux
votations sous SM Mohammed VI, la
réponse sort des urnes: les partis ont
perdu et des plumes et de la crédibilité.
Ils peuvent toujours objecter que c'est
la répression sous Hassan II, à qui ils
avaient revendiqué une "assemblée
constituante" refondatrice et recentralisatrice
de la monarchie. La réaction de
Hassan II fut terrible et durable : il les a
politiquement "plumés", en termes de
liberté d'activité. Quant à la crédibilité, il
faut reconnaître que c'est un tout autre
registre. Totalement interne aux partis,
celui-là. Mais soit, prenons acte de ce
descriptif, tout en rappelant une autre
évidence : Il n'y a pas de démocratie
pluraliste sans partis politiques forts.
Les nôtres ne le sont pas, pour des
raisons à la fois historiques et intrinsèques.
Alors, en attendant de renverser
la tendance, l'ultime question est
celle-ci : Dans la foulée de cet épilogue
d'une transition décisive, vaut-il mieux,
pour le Maroc, une monarchie affaiblie
ou une institution monarchique fortement
appuyée, politiquement et
socialement entreprenante, dans la
perspective de la construction démocratique
avouée? Question ouverte.
Par Abdellatif Mansour [email protected]
Son image, son devenir, ses pouvoirs, ses archaïsmes"
 
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