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Le quota, une démocratie ségrégative
k
19 mai 2009 14:05
Aujourd'hui beaucoup de monde joue sur la fibre féministe. Hommes politiques, responsables gouvernementaux, journalistes de tous bords et associations semblent être piqués par la mouche du féminisme.

On découvre soudain que les problèmes du pays ont pour cause la condition de la femme, oubliant que les facteurs responsables du sous-développement chez nous sont la pauvreté, la répartition inéquitable des richesses, la restriction de la liberté d'expression, la corruption, le clientélisme... Les lobbies étrangers, dont les intentions sont peu catholiques, œuvrent pour "l'émancipation" de la femme, en exerçant de grandes pressions sur le gouvernement. Et comme par enchantement, la solution de tous ces problèmes réside dans l'amélioration de la condition de la femme. Bien sûr, améliorer cette condition ne consiste pas à combattre la précarité dans les hameaux oubliés et les ghettos des villes, ou à interdire le travail des petites bonnes (on se tourne les méninges pour légaliser leur travail), il ne s'agit pas d'assurer les soins nécessaires aux parturientes qui meurent bêtement au cours de l'accouchement, il ne s'agit pas de tirer les jeunes femmes du bourbier de la prostitution mais de trouver des euphémismes "ouvrières sexuelles" pour normaliser la prostitution et l'ennoblir. Il ne s'agit pas d'inculquer aux adolescentes les valeurs morales, religieuses et culturelles qui les immunisent contre toutes les dérives et turpitudes, mais de les pervertir par une pseudo-modernité qui fait d'elles une chair consommable dont se réjouissent les pervers sexuels de chez nous ou d'ailleurs.
Personne ne nie que les droits de la femme soient bafoués, mais il y a femme et femme. Celles qui roulent à bord de limousines, qui habitent dans des villas cossues et des appartements de haut standing, qui s'offrent des voyages dispendieux dans les sites touristiques les plus cotés du monde, qui font leur shopping dans les magasins des grandes franchises et qui ont à leur service une armée d'autres... femmes. Ces dernières triment à longueur de journées comme des esclaves dans des usines ou elles courent le risque d'être grillées comme des rats, se gangrènent les mains en lavant le linge foireux de séniles nantis, en astiquant le marbre du sol, celles qui exposent leur corps meurtri et flasque comme une mauvaise marchandise dans les grandes artères des ville, celles qui meurent silencieusement d'un cancer de seins ou d'utérus causé par un microbe insignifiant qui aurait pu être soigné à l'aide de médicaments qui ne coûtent guère le plat à grignoter avec chichi par une femme de la haute société, celles qui sont exploitées comme des esclaves corvéables à merci par celles qui ambitionnent de devenir députées ou ministres, celles qui rêvent pendant toute leur vie à posséder une djellaba bon marché et non celles qu'on invite à des défilés de mode pour choisir le caftan chamarré qui coûte le prix d'une masure à Sidi Moumen...

Vers un Parlement de quotas

Récemment, un député islamiste a réclamé le même traitement pour les oulémas du pays: octroyer un quota aux docteurs de la foi. Peut-être demain ou après-demain, les journalistes, les enseignants, les militaires, les médecins, les poissonniers, les marchands de légumes, les cordonniers, les chiffonniers, les mécaniciens, las paysans, les enfants de la rue, les veuves, les amazighs, les doukkalis, les hrizis, et j'en passe, exprimeront la même revendication, ce qui est d'ailleurs légitime: ils sont des citoyens à part entière qui jouissent des mêmes droits quelle que soit leur appartenance sociprofessionnekke; tous les citoyens sont égaux, la constitution garantissant ce principe imprescriptible. Le parlement serait alors un agrégat de corps représentant des catégories socioprofessionnelles, des ethnies culturelles ou linguistiques, des tribus. Logiquement c'est le principe de citoyenneté qui est en péril: les femmes représenteront uniquement les femmes, les enseignants ne feront valoir que les droits des enseignants, les amazighs défenderont uniquement des droits économiques et culturels des amazighs...
En un mot, cette logique inouïe est symptomatique d'une fracture sociale grave; les lobbies dangereux sont en train de se constituer pour défendre les intérêts étroits d'une caste, d'un groupe restreint ou d'un clan. C'est la manifestation de l'ostracisme, de l'individualisme égocentrique et de l'égoïsme excessif qui minent notre société où chacun fait cavalier seul en quête d'un salut personnel qui fait fi de l'intérêt commun.
k
19 mai 2009 14:05
Une démocratie ségrégative

Le système des quotas au parlement est une grave menace pour la démocratie. Tout d'abord, imposer aux électeurs dans les élections communales ou législatives certains candidats pour lesquels ils doivent voter malgré eux à l'encontre de la démocratie fondée sur la liberté de choix. C'est une inconséquence! Ensuite, la méritocratie et la compétence ne sont plus de mise étant donné que les candidates qui se présentent aux élections ne sont pas forcément les meilleures: il se peut qu'une femme ou que des femmes imposées soient moins aptes que les hommes pour gérer la chose publique. Par ailleurs, le quota instaure un esprit de isogynie puisque ce système supposerait que les "mâles" ne défendent pas les droits des femmes. Mais là où le bât blesse c'est que le quota semble signifier que les femmes sont une caste à part dans la société, une entité qui a une existance indépendante de celles des autres catégories sociales. Le parlement ne serait plus une instiution qui représente l'ensemble des citoyens, mais une tribune squattée par les groupuscules qui ont les moyens financiers, idéologiques et politique d'y accéder. Lorsqu'on y réfléchit profondément, on trouve la situation caricaturale sinon inepte; dans l'hémicycle, la femme se fera le porte-parole de la petite bonne victime de l'esclavagisme et non du petit garçon asservi par le mécanicien, de la paysanne hâlée aux mains calleuses qui se tue à la tâche et non du pauvre paysan qui se ruine la santé. Bref, les catégories sociales démunies qui n'ont pas de mandataire au parlement sont condamnées aux oubliettes.
On semble oublier que les destins de l'homme et de la femme sont intimement liés. La condition de la femme ne pourra être transfigurée que si celle de l'homme est améliorée; et vice-versa. aussi faut-il s'attaquer aux vrais problèmes qui minent la société: analphabétisme, précarité, chômage, crise des valeurs... Et surtout, il faut moraliser la vie politique. Le pays a besoin de députés honnêtes, compétents, clairvoyants et créatifs, qu'ils soient hommes ou femmes. La femme a les mêmes droits que l'homme. Pour devenir chef de service, PDG d'une entreprise publique, doyen d'une faculté, édile communale, député au parlement ou ministre, elle doit s'imposer par son génie et ses efforts, et non pas par son identité sexuelle. C'est la plus grande injure qu'on puisse faire à l'intelligence de la femme que de la nommer à un poste important uniquement parce qu'elle est femme: c'est de la misogynie, du sexisme et de la condescendance. Le cas échéant, c'est commettre une injustice à l'égard de l'homme compétent qui jouit des atouts nécessaires pour occuper les postes en question, mais qui se voit écarté de la course uniquement pour faire plaisir à la marquise. La démocratie et la méritocratie en pâtiront dangereusement.

Mustapha Laabou: Professeur agrégé

P.S: J'ai une mère, une sœur, une femme et une fille que j'aime et que je respecte. Elles savent fort bien que ces réflexions ne sont point les émanations d'un esprit bilieux ou phallocratique, comme le penseront certaines personnes malintentionnées, mais d'un sincère vœu d'égalité entre les deux sexes.
 
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