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14 juin 2006 09:14
Les immigrés : un débat aujourd'hui sans frontières

13.06.2006 | 14h24


Depuis qu'il y a des frontières, les hommes les franchissent pour visiter les pays étrangers mais aussi pour y vivre et y travailler. Chacun prend alors des risques, animé par la volonté de surmonter l'adversité et de vivre mieux.

C'est cette volonté qui est depuis toujours le moteur du progrès. L'histoire nous enseigne que les migrations non seulement améliorent le sort de ceux qui s'exilent mais font avancer aussi l'humanité tout entière.
Et le présent nous le confirme.

Le rapport que j'ai soumis le 6 juin à l'Assemblée générale des Nations unies s'inspire d'études qui montrent que les migrations sont avantageuses, en tout cas dans le meilleur des cas, pour les migrants eux-mêmes et pour les pays qui les accueillent, et même pour les pays qu'ils quittent.

Cela mérite une explication. Dans les pays d'accueil, les immigrés assument des fonctions essentielles dont les habitants ne se chargent pas volontiers.
Ils assurent de nombreux services personnels indispensables à la vie sociale : ils s'occupent des enfants, des malades et des vieillards, ils ramassent les récoltes, ils préparent les repas, ils nettoient les maisons et les bureaux.

Mais il ne faut pas croire qu'ils ne font que de petits boulots et de basses besognes : près de la moitié des adultes de plus de 25 ans arrivés dans les pays industrialisés dans les années 90 étaient très qualifiés.

Qualifiés ou pas, beaucoup ont montré assez d'initiative pour créer leurs propres entreprises, qui vont de l'épicerie ouverte jour et nuit jusqu'à Google, le géant de l'Internet.

D'autres sont artistes ou écrivains et enrichissent de leur créativité la culture de leur ville d'accueil.

Les immigrés accroissent aussi la demande de biens et de services, renforcent la production nationale et, d'une manière générale, versent à l'État plus d'impôts qu'ils ne réclament d'aides et de prestations sociales.
Dans des régions comme l'Europe dont la population stagne ou ne croît que très lentement, les jeunes arrivant de l'étranger aident à redresser les caisses de retraite en déficit de financement.

Au total, les pays qui accueillent des immigrés et savent les intégrer sont parmi les plus dynamiques du monde en termes économiques et sociaux aussi bien qu'en termes culturels.

En amont, les pays d'origine profitent des fonds que les émigrés envoient chez eux qui, l'année passée, représentaient 232 milliards de dollars, dont 167 milliards destinés à des pays en développement.

Soit davantage que l'aide publique au développement actuellement accordée par la totalité des donateurs, sans que ces fonds puissent bien sûr s'y substituer.
Leurs destinataires ne sont pas les seuls à en bénéficier, il y aussi ceux qui fournissent les biens et les services auxquels cet argent est consacré.
Au total, le revenu national augmente, l'investissement est stimulé.

Les familles dont un membre travaille à l'étranger consacrent davantage d'argent à l'éducation et à Quand elles sont pauvres – comme dans Le mandat, ce classique du cinéma sénégalais – ces envois leur font parfois découvrir la vie financière, les banques, les coopératives de crédit et le microfinancement.

Les gouvernements eux-mêmes sont de plus en plus nombreux à comprendre que leurs citoyens expatriés peuvent participer au développement et ils cherchent à resserrer leurs relations avec leurs émigrés.

Ils leur octroient la double nationalité, permettent le vote à distance, renforcent les services consulaires et collaborent avec eux à l'amélioration de leur milieu d'origine, multipliant ainsi les effets positifs de l'émigration.

Dans certains pays, des associations d'émigrés assurent la transformation de leur société d'origine en envoyant collectivement des fonds qui servent à soutenir telle ou telle réalisation locale.

Les émigrés qui réussissent investissent souvent dans leur pays d'origine et incitent les autres à suivre leur exemple.
Avec les qualifications qu'ils ont acquises, ils concourent au transfert de technologies et de connaissances.

L'industrie indienne du logiciel, par exemple, doit en grande partie sa vitalité aux réseaux très actifs qui se sont créés à l'extérieur et en Inde même entre expatriés, émigrés revenus et chefs d'entreprise indiens.
Après avoir travaillé en Grèce, les Albanais rapportent dans leur pays un savoir-faire agricole qui leur permet d'accroître la production.

Certes, il est indéniable que les migrations ont des effets négatifs, même si, paradoxalement, les pires résultent des efforts que l'on fait pour en maîtriser les flux : ce sont les immigrés illégaux ou sans papiers qui sont les plus exposés aux agissements des passeurs, trafiquants et exploiteurs de toute
Il est également indéniable qu'il y a des tensions d'adaptation entre habitants établis et nouveaux arrivants, surtout quand leurs croyances, leurs coutumes et leurs formations sont très différentes.

Enfin, il est indéniable qu'un pays pauvre subit une perte quand il voit partir ceux de ses citoyens dont il a le plus besoin – par exemple le personnel de santé de l'Afrique australe –, attirés par les salaires et la qualité de la vie à l'étranger.
Mais les pays apprennent à gérer ces problèmes et ils le font d'autant mieux qu'ils le font ensemble et tirent chacun la leçon de ce qu'ont fait les autres.
Tel est le sujet du «débat de haut niveau» que l'Assemblée générale consacrera en septembre aux migrations et au développement.

On n'attend d'aucun pays qu'il abandonne la maîtrise de ses frontières et de ses politiques, mais tous les pays et tous les gouvernements peuvent tirer profit du dialogue et de l'échange d'idées.
C'est pourquoi j'espère que le débat de septembre marquera un début et non une fin.

Tant qu'il y aura des nations, il y aura des migrants.
On aura beau souhaité le contraire, les migrations

Il ne s'agit donc pas d'empêcher les migrations mais de mieux les gérer et de faire en sorte que toutes les parties coopèrent davantage et comprennent
Les migrations ne sont pas un jeu à somme nulle mais un jeu où il ne peut y avoir que des gagnants.

* Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies



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