les E.-U. proposent la création d'un tribunal spécial
(Sous les auspices de l'Union africaine et de l'ONU, il jugerait les criminels de guerre soudanais.)
Nations unies - Récemment, de hauts responsables américains se sont entretenus avec les membres du Conseil de sécurité afin de trouver un moyen de poursuivre en justice les individus accusés d'avoir violé les droits de l'homme au Darfour et d'y avoir perpétré des crimes de guerre.
Le représentant des Etats-Unis pour les questions liées aux crimes de guerre, M. Pierre-Richard Prosper, a fait savoir que lui-même et d'autres membres du conseil de sécurité étudiaient actuellement les diverses propositions, faisant remarquer que le plus important était de « reconnaître qu'il fallait réagir immédiatement afin de garantir une responsabilisation efficace ».
« La clé est de mettre fin à la violence, à la tuerie », a expliqué M. Prosper aux journalistes à la conclusion d'une réunion à huis clos avec les membres du Conseil de sécurité. « Nous n'ignorons pas la difficulté qu'il y a à rechercher la justice lorsque les gens continuent à se faire tuer et que le climat est instable. Nous l'avons constaté dans d'autres régions du monde (...) La tâche immédiate du Conseil de sécurité est donc de prendre toutes les mesures indiquées pour mettre fin à la violence. Après, nous serons plus à même de nous pencher sur les questions judiciaires, sur un calendrier », a-t-il dit.
Les Etats-Unis ont proposé que le Conseil de sécurité crée un « tribunal sur le Soudan » en vertu d'une résolution affirmant son mandat. Un tel tribunal serait administré conjointement par l'ONU et l'Union africaine et serait habilité à faire le procès de ceux soupçonnés d'être coupables des pires atteintes au droit humanitaire international commises au Darfour depuis le 1er janvier 2003.
De l'avis des responsables américains, un tribunal de ce genre permettrait à l'Union africaine de continuer à jouer un rôle prééminent pendant que les autres institutions débattent de la question de la responsabilité des crimes de guerre. Il contribuerait aussi à imposer la capacité judiciaire de l'Union africaine sur le continent.
L'Union africaine joue un rôle clé au Soudan. Elle a déployé 3.000 soldats dans la région du Darfour afin de vérifier le bon respect de l'accord de cessez-le-feu et s'efforce de trouver une solution politique à la crise.
Le 31 janvier, les cinq membres de la Commission internationale d'enquête sur le Darfour, nommés par le secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, à la demande du Conseil de sécurité afin de faire la lumière sur les allégations de génocide et autres crimes de guerre, ont présenté leur rapport dans lequel ils concluent que des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre « dont la gravité et l'atrocité sont tout aussi sérieuses qu'un génocide » avaient été commis.
« Tout un ensemble d'informations fiables indique que des crimes de guerre pourraient bien avoir été commis sur une grande échelle, parfois sous couvert d'un plan ou d'une politique (...) Il existe aussi nombre d'informations crédibles indiquant que des actes criminels ont été commis dans le cadre d'attaques généralisées ou systématiques ciblant la population civile, des actes qui peuvent s'assimiler à des crimes contre l'humanité », précise le rapport de la Commission.
Il souligne que les attaques, les assassinats, les viols, le pillage et les déplacements forcés se sont poursuivis alors même que l'enquête battait son plein et il recommande que des mesures soient prises de toute urgence pour mettre un terme aux violations.
La Commission a remis aux autorités internationales compétentes les noms des coupables présumés et a fourni des preuves à l'appui de ses accusations pour que ces personnes soient poursuivies en justice. Les noms figurent dans un dossier scellé remis par la Commission à M. Annan que ce dernier doit remettre à un procureur compétent, en l'occurrence au procureur attaché à la Cour pénale internationale (CPI).
L'appareil judiciaire soudanais, a affirmé la Commission, « est incapable et peu désireux de s'intéresser de près à la situation au Darfour ».
Le 8 février, lors d'une allocution devant le Conseil de sécurité, le vice-président du Soudan, M. Ali Osman Taha, a dit que son gouvernement faisait preuve de l'attachement nécessaire, qu'il était disposé à poursuivre en justice ceux qui sont accusés d'avoir commis des atrocités et porté atteinte aux droits de l'homme et qu'on ne pouvait mettre en doute le professionnalisme des juges soudanais qui, a-t-il précisé, sont capables de rendre justice.
Selon de hauts responsables du département d'Etat, les Etats-Unis, qui ne sont pas signataires du traité de Rome portant création de la Cour pénale internationale, ne doutent pas qu'il existe une meilleure solution lorsqu'il s'agit de poursuivre en justice ceux qui sont accusés d'avoir commis des crimes de guerre au Darfour.
Ils affirment que pour cette affaire, un « tribunal sur le Soudan » serait plus approprié que la CPI, car il tiendrait pleinement compte du rôle que joue l'Union africaine pour trouver une solution au conflit dans le Darfour et appuierait ce rôle.
En vertu de la proposition des Etats-Unis, ce tribunal aurait son siège à Arusha (Tanzanie) et partagerait les locaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda, mais il aurait ses propres juges, greffier, procureur et autres personnels nommés par le secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, en accord avec l'Union africaine.
Les responsables américains font valoir que la CPI ne bénéficie que d'une présence limitée en Afrique et que son personnel est actuellement occupé par des enquêtes en Ouganda et au Congo. Par contre, le Tribunal pour le Rwanda dispose déjà d'importants bâtiments sur place et a officiellement établi des relations avec des gouvernements africains. En conséquence, font-ils valoir, il n'y aurait guère de différence entre les coûts supplémentaires encourus par la CPI et les coûts liés à la création d'un tribunal tombant sous les auspices de l'ONU et de l'Union africaine. article retransmis par : acharif moulay abdellah bouskraoui.
Modifié 1 fois. Dernière modification le 11/02/05 13:20 par acharif.