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Le projet d’autonomie a brouillé les cartes du Polisario et de l’Algérie
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3 juillet 2006 11:26
Interview de Dahi Aguai, Président de l’Association des disparus du Polisario et petit Fils du Khalifa du Sultan Moulay Youssef au Sahara : «Le projet d’autonomie a brouillé les cartes du Polisario et

Entretien réalisé par Mustapha El Asri

26 Juin 2006


Avec quelques dizaines de membres de sa tribu, Dahi Aguai, petit fils du Khalifa du Sultan Moulay Youssef sur les provinces sahariennes et Président de l’Association des disparus du Polisario, est considéré comme l’un des plus vieux détenus du Polisario.

Incarcéré dès 1974, du temps de l’occupation espagnole, il ne sera libéré qu’en 1980. Cadre du Polisario au camp «S’mara», il profite de sa première sortie à l’étranger pour se transformer en défenseur acharné de la cause des disparus, des détenus et des séquestrés des camps de Tindouf. Il nous livre, ici, ses impressions sur la deuxième Intifada et le projet d’autonomie qui a brouillé les cartes du Polisario et de l’Algérie.



La Gazette du Maroc : En votre qualité de Président de l’Association des disparus du Polisario, et deux semaines après l’Intifida dans les camps de Tindouf, quelles sont les nouvelles et les nouveautés en provenance des camps de séquestration ?

Dahi Aguai : Je peux vous assurer que le fait nouveau est que la tribu des Laâyaicha a rejoint la liste des tribus ayant perdu leurs enfants dans les geôles du Polisario. Ils réclament aujourd’hui, et ouvertement, le droit de se venger des leaders et responsables de cette organisation.

Une nouvelle tribu sahraouie qui affirme avoir un «contentieux de sang» à régler avec le Polisario. Lorsque cette tribu a participé à l’Intifada dans les camps, elle a été soutenue par l’ensemble des autres tribus qui réclament des informations fiables sur le sort de leurs enfants disparus. Ce qui a contraint le leader du Polisario à accueillir une délégation de Chioukhs venus s’enquérir du sort de leurs enfants. Sa réponse était, bien sûre, l’éternel refrain : «Vos enfants sont en bonne santé. Ils poursuivent leur formation à l’étranger. Certains sont à Moscou, d’autres à Cuba, d’autres à Alger». Or, tout le monde sait, à l’intérieur et en dehors des camps, que ce type de monsonges est bel et bien dépassé par les événements.

Vous avez évoqué dernièrement le fait que le Polisario entretient des lieux de détention mobiles en dehors des camps de réfugiés et que ces prisons peuvent facilement être transformées en cas de visite de délégations étrangères.

Effectivement, ce type de prisons a été mis en place dans les environs des camp du 22 février. A l’intérieur d’une école militaire spécialement réservée à l’entraînement des femmes.

C’est ce qu’on prétend officiellement, mais, dans la réalité, il s’agit d’un camp où la dignité sahraouie est chaque jour bafouée et violée. Ce que les femmes sahraouies subissent dans ce maudit camp de la part des chefs du Polisario, qui en ont fait leur siège principal, est tout simplement incroyable. En toute franchise, dans cette prétendue école militaire des femmes, des crimes et des viols sont exécutés chaque jour, et cela sans qu’aucune forme de justice ne puisse intervenir pour mettre fin à ces atrocités et juger leurs auteurs. Ce pénitencier est “démontable”, facilement transformable en un laps de temps très court, au cas où il y aura, par exemple, une quelconque visite extérieure. Particulièrement, lorsqu’il s’agit d’une commission onusienne d’enquête. Il a été mis en place spécialement pour interroger et torturer les citoyens sahraouis, notamment ceux impliqués dans la récente Intifada. Cela se fait par de gros moyens comme cela a été révélé sur les corps de plusieurs personnes ayant séjourné dans les camps ces dernières semaines.

Ce qui a poussé leurs familles à refuser de les accueillir aussi longtemps qu’une commission de l’ONU n’a pas été désignée pour enquêter sur leurs conditions de détention.

Pour ce qui est du rôle propre à notre association, nous avons adressé une lettre au Secrétaire général de l’ONU. Une deuxième lettre a été adressée à l’ambassadeur des Etats-Unis à Rabat et à Amnesty International. Nous avons tout particulièrement réclamé que les autorités algériennes, qui abritent ces camps, puissent être interrogées à leur tour sur cette affaire où des cas avérés d’enlèvement et de torture ont été signalés.

En réponse à ces accusations, le Polisario a pourtant tout nié en bloc dans un communiqué officiel. Il prétend qu’il s’agit d’allégations et a exprimé sa disposition à accueillir toute commission d’enquête.

Ce communiqué m’a fait rire. Par exemple, lorsque j’étais moi-même détenu en 1974 parmi quelque 170 personnes, les chioukhs de nos tribus avaient réclamé qu’on soit libéré. La réponse du Polisario était la suivante : «Vos enfants vont devenir des cadres importants au sein du Front. Ils sont actuellement en période d’entraînement pour participer à la libération du Sahara du colonialisme espagnol». En réalité, nous subissions en ce moment même les formes de torture et de privation les plus abjectes, les plus impitoyables et les plus atroces.

Bien entendu, le Polisario affirme qu’il est disposé à accueillir toute commission d’enquête parce que ses responsables sont des experts en matière de fraude et de falsification. Ils sont capables d’enlever une famille entière, de la placer en lieu sûre, loin des yeux, et d’amener à sa place une autre famille et lui délivrer des cartes d’identités en bonne et due forme pour la faire passer pour celle disparue ou détenue quelque part dans le désert.

C’est la raison qui me pousse à déclarer aujourd’hui, haut et fort, que si jamais il y a une commission internationale d’enquête qui décide de se rendre dans les camps, je réclame d’en faire partie en ma qualité de Président de l’Association des disparus du Polisario. Je suis en mesure de dévoiler ces pratiques et de montrer aux organisations internationales où se trouvent les camps.

Si le Polisario est certain que ses mains sont propres, qu’il n’est pas souillé par le sang des Sahraouis, alors pourquoi refuse-t-il ? Pourquoi nous fuit-il lors des conférences et des forums internationaux consacrés à la situation dans les camps. Pourquoi se dérobe-t-il lorsqu’il s’agit d’un face-à-face avec les victimes.

Vous venez de nous dire que vous avez adressé des lettres à plusieurs organisations internationales et à l’ambassade américaine à Rabat pour les informer sur ce qui se passe dans les camps. Quelle a été leur réaction ?

Les fonctionnaires onusiens et les responsables américains nous ont assuré qu’ils ne laisseront pas les Sahraouis innocents errer dans le désert de Tindouf sans aucune intervention de leur part et de toute la communauté internationale. Je pense que dans les jours qui viennent, ces réactions vont être vérifiées sur le terrain.

Ne pensez-vous pas que nous vivons une guerre médiatique d’information et de renseignements entre le Maroc, d’une part, le Polisario et l’Algérie, d’autre part ? Dès que les médias algériens signalent des incidents dans les villes du Sahara sous autorité marocaine, les médias marocains réagissent en évoquant des incidents dans les camps de Tindouf et même dans certaines villes algériennes. Qu’en pensez-vous ?

Je pense que les choses sont différents en ce concerne le Maroc. Le Royaume a mis en place une Instance d’Equité et de Réconciliation et a décidé de tourner la page du passé en compensant les victimes des années de plomb et leurs familles durant les décennies 50 à 70.

Je ne pense pas que celui qui cherche à clore définitivement le dossier des Droits de l’Homme puisse en ouvrir d’autres. Contrairement à cette optique, le Polisario et ses protecteurs sont le fruit de la dictature et du totalitarisme. Ils continuent de dissimuler leurs crimes antérieurs et s’efforcent chaque jour d’en commettre de nouveaux.

Comment expliquer le fait que les médias espagnols et algériens ont exercé un embargo quasi total sur tout ce qui s’est passé ces dernières semaines dans les camps de Tindouf.

Pour ce qui est de l’Algérie, il s’agit d’un associé, d’un complice du Polisario et vous ne pouvez pas demander à un complice de porter préjudice à son partenaire. Vous ne pouvez pas demander à l’Algérie et à ses médias, qui reçoivent leurs consignes des généraux de l’Armée, d’agir contre la politique de leur pouvoir. Surtout lorsqu’il s’agit du Maroc et des affaires marocaines.

Pour ce qui est des médias espagnols, il faut rappeler, à cet égard, qu’en dépit de l’existence d’une partie de la presse espagnole inféodée aux thèses du Polisario, cela ne concerne pas toute la presse de la péninsule ibérique. La presse espagnole est indépendante et a besoin de communication et de clarification. C’est nous, les Marocains, qui n’avons pas été suffisamment communicateurs. Nous avons laissé le terrain au Polisario et à ses acolytes. C’est ce qui a donné à ce front fantôme le statut du seul et unique porte-parole des populations sahraouies.

Cependant, je pense que nous avons commencé à dépasser cette situation. La société civile au Maroc, et en particulier au Sahara, commence à bouger, à travers tout le territoire espagnol et prend la peine de s’adresser aux grandes instances espagnoles et aux institutions les plus représentatives.

A travers l’Association pour la défense des disparus du Polisario, nous tentons, chaque jour, d’aller vers ce but qui consiste à mieux édifier et éclairer l’opinion publique internationale sur les crimes du Polisario à l’encontre de l’homme sahraoui dans les camps de concentration de Tindouf.

Qu’est-ce que vous avez accompli depuis la création de cette Association des disparus du Polisario ?

Je dois rappeler à cet agard qu’avant de créer cette association, j’ai travaillé au sein d’une autre association portant le nom de “L’association des personnes sauvées des geôles du Polisario”. Son siège était en Hollande, et c’est là où nous avons eu des contacts avec plusieurs organisations internationales. Après, et suite à la visite historique de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à Laâyoune, nous avons pensé que ce qui importait le plus pour nous, militants sahraouis, était le fait qu’on ne peut affronter le Polisario qu’en dénonçant ses pratiques dans les camps au détriment des enfants du Sahara. C’est ainsi que nous avons créé l’association des victimes dans les camps de Tindouf. Notre action était centrée sur la défense des droits des victimes dans les camps de concentration. Et en particulier ceux ayant réussi à sortir des camps de Tindouf. Après quoi plusieurs familles sahraouies nous ont demandé d’enquêtrer sur le sort de leurs enfants disparus et c’est ainsi que nous avons créé l’Association des disparus du Polisario. Et nous avons réussi en un temps record à sensibiliser de nombreuses organisations internationales qui ont fustigé les pratiques du Polisario sur la base des informations précieuses et fiables que nous leur avons fournies.

Notre action à l’heure acturelle est centrée sur les milieux qui soutiennent la thèse du Polisario selon laquelle le Maroc, généralement, est présenté comme étant l’ennemi des Sahraouis. Mais le Maroc a au moins eu le courage de reconnaître les violations des droits de l’homme commises durant les années de plomb qui ne sont pas limitées aux Sahraouis mais qui ont touché l’ensemble des Marocains. Plus encore, le Maroc a pris des initiatives qui ont étonné le monde entier lorsqu’il a décidé de compenser ses victimes et leurs familles touchés directement ou indirectement par cette répression. Par contre le Polisario qui prétend être le représentant unique des Sahraouis et leur porte-parole officiel n’a rien fait pour se faire pardonner les atrocités commises durant plus de trente annnées. Pour moi, le vrai ennemi du peuple sahraoui est bel et bien le Polisario et non le Maroc. On ne peut parler au nom des Sahraouis tout en continuant à les torturer, à les affamer et même à les tuer individuellement et collectivement.

Que pensez-vous de ces voix soutenant le Polisario et qui se disent marocaines ?

Parlons en toute franchise. La démocatie, la liberté d’expression et de mouvement ont été faites pour les Marocains. Si vous dites que vous l’êtes marocain, vous avez le droit d’en user.

Mais si vous prétendez que vous ne lêtes pas, il n’est pas honnête d’utiliser notre démocratie et notre liberté pour propager des idées séparatistes. Il est temps d’gir contre ceux qui tentent de diviser notre pays et de l’affaiblir au nom de la démocratie et de la liberté d’expression. On ne peut instaurer ces principes au détriment de nos valeurs et nos institutions sacrées et des constantes de la nation marocaine. Et laissez moi vous dire que ceux qui parlent de séparatisme ne sont pas en général d’authentiques Sahraouis. Car les Sahraouis, les vrais, sont fiers d’être Marocains.

Pour ce qui me concerne, moi, mes parents, mes grands-parents et tous mes ancêtres nous nous considérons comme de purs Marocains.

Notre famille possède des Dahirs délivrés par les Sultans du Maroc et officiellement approuvés par les autorités espagnoles d’occupation, ce qui équivaut à une reconnaissance tacite de la marocanité du Sahara par les autorités espagnoles.

Passons maintenant à votre situation personnelle. Vous êtes l’un des plus anciens détenus du Polisario. Vous avez été arrêté et détenu depuis 1974 du temps de l’occupation espagnole. Pour quelles raisons avez-vous été arrêté ?

Nous n’avons jamais compris les raisons réelles qui ont conduit à notre détention et en ce moment précis. Seulement, et après plusieuirs années, j’ai compris qu’il s’agissait d’une opération. La plupart de ces détenus appartenaient à des tribus précises qui vivaient au Sahara occidental du temps de l’occupation espagnole. C’est-à-dire les authentiques habitants du territoire. Les Sahraouis d’Algérie même, s’ils sont considérés comme étant issus du Sahara occidental n’avaient pas été touchés. Et laissez-moi vous dire aussi que les Sahraouis étaient considérés comme des citoyens algériens de deuxième catégorie et lorsqu’ils ont accepté de se mettre sous l’étendard du Polisario, ils sont devenus les maîtres-directeurs de Tindouf.

Pouvez-vous nous décrire le type de torture que vous avez subi ?

Je ne peux vous décrire les méthodes sataniques que l’on pratiquait. Je me contenterai de dire à ceux qui ne le savent pas que ce que nous avons subi est l’oeuvre des services de renseignements algériens et que ces pratiques rappellent un peu ce que les services de renseignements français ont pratiqué à l’encontre des militants et résistants du FLN algérien. Je ne peux pas vous dire plus.

Et pourquoi on vous a libéré en fin de compte ?

C’est principalement grâce à un compagnon, un détenu sahraoui, Hmed Laaroussi, qui avait réussi à trouver refuge au pays. C’est là qu’il a organisé plusieurs conférences de presse où il avait transmis au monde le calvaire des détenus politiques dans les camps du Polisario. Il a également pris attache avec plusieurs organisations internationales dont notamment Amnesty International. A qui il a transmis une liste complète et détaillée des détenus. Et c’est ce qui a conduit le Polisario à nous libérer en 1980. En raison de mon état de santé, j’ai été transféré à Alger où j’ai séjourné pendant plusieurs semaines à l’Hôpital militaire du 20 mai sous escorte militaire. Puis on m’a affecté au camp dit «S’mara» où j’ai été cadre jusqu’au jour où le maire de Cordoue, Irminio Trepot, s’est rendu dans les camps du Polisario et j’ai signé avec lui un accord de jumelage entre l’Hôpital de S’mara et l’Hôpital de Cordoue. Il m’a proposé d’effectuer une visite, et c’est là où j’ai rompu officiellement avec le Polisario et commencé mon action pour dénoncer la situation des détenus du Polisario et celles des populations séquestrées.

Vous avez évoqué des fausses communes …Quelle est leur ampleur ?

Ces fosses communes se trouvent en grande partie à la prison Arrachid que le Polisario a fermée depuis longtemps. Il y en a d’autres dans la zone de Guerat Bla.

Dernièremement, le Maroc a proposé un plan qui consiste à doter les provinces sahariennes d’un statut d’autonomie interne. En tant qu’ancien cadre du Polisario, quelle est votre appréciation de ce projet ?

Il faut reconnaître que le projet de large autonomie est une action stratégique de l’Etat marocain et qu’il est la clef qui garantit l’évolution non pas du Sahara, mais de toutes les régions du Maroc. Dans les pays occidentaux, l’évolutuion et le progrès n’ont pu être réalisés que grâce à l’apport de la régionalisation dans le cadre d’autonomie interne élargie.

Cette proposition de sa Majesté le Roi, c’est l’idée qui m’inétresse en elle-même et non les membres qui ont été désignés au sein du CORCAS. L’autonomie est la meilleure façon de permettre aux habitants du territoire de gérer leurs affaires eux mêmes.

Si ce projet d’autonomie a été bien accueilli par les populations sahraouies, force est de constater que la situation du Polisario et de l’Algérie qui ne cachent plus leur colère est particulièrement compliquée. Car si ce plan est appliqué cela signifie que les Sahraouis séquestrés à Tindouf finiront par retourner chez eux, chez leurs familles et leurs proches.

N’oubliez pas que ceux qui ont le droit de quitter Tindouf et rentrer au territoire ne représentent plus que 15 % des Saharouis marocains.

Ils ont tous les documents attestant qu’ils ont vécu sous l’occupation espagnole jusqu’en 1975. Par contre, les Sahraouis d’origine algérienne représentent quelque 75 % et n’ont aucun document attestant qu’ils avaient vécu au Sahara du temps des Espagnoles.

Plus que cela, la plupart des responsables et des chefs du Polisario sont mariés à des Algériennes. C’est notamment le cas de Mohammed Abdelaziz et le secrétaire général et président de la chimérique RASD surnommé H’mitou et dont la femme n’est autre que la fille d’un certain Hamdi, président du conseil municipal de Tindouf.

Ce Mohamed Abdelaziz qui, d’ailleurs, n’a aucun acte de naissance dûment délivré par les autorités espagnoles et peut donc être considéré comme un non Sahraoui.

Traduit de l’arabe par

Omar El Anouari

[www.lagazettedumaroc.com]
 
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