Alors, quel est ce programme ? Pour synthétiser les propositions d'Alain Juppé, la réponse de James Carville à ceux qui s'interrogeaient de la victoire de Bill Clinton face à George Bush (père) en 1992 semble parfaitement appropriée : "The economy, stupid !", comprendre : "l'économie, idiot !". Pour Alain Juppé en effet, les points importants de son programme sont ceux concernant l'emploi et le redressement économique. Et ce, avant la lutte contre le terrorisme ou les questions identitaires qu'il goûte moins.
Alain Juppé a détaillé son programme dans plusieurs livres thématiques ces derniers mois. Et le maire de Bordeaux, candidat et favori, s'est essayé à une synthèse dans le JDD le 2 octobre dernier. Réclamant un "mandat clair" de la part des Français, il vise une réforme générale de la France en six mois après l'élection présidentielle, en modifiant notamment le mode d'adoption des mesures et en facilitant la gouvernance par ordonnance. Le programme de Juppé sur les impôts
L'ancien Premier ministre de Jacques Chirac a fait du retour au plein emploi sa priorité. Pour y parvenir, il veut revenir aux 39 heures et revoir le CDI, pour y intégrer plus clairement les conditions de licenciement. Une manière de sécuriser le salarié, mais aussi de clarifier la situation pour les employeurs. Une réforme de l'assurance chômage est prévue, avec des allocations fixées au minimum à 870 euros pour tous les demandeurs d'emploi. En contrepartie, l'allocation deviendrait dégressive dans le temps. Le chômeur, mieux contrôlé sur sa recherche active d'emploi, perdant un quart de la somme au bout d'un an et un autre quart au bout de 18 mois.
En résumé, Alain Juppé veut revoir le code de travail en allant "beaucoup plus loin que la loi El Khomri". Il préconise d'alléger les cotisations sociales des entreprises finançant la branche famille, réduire le taux d'impôt des sociétés à 30 % des bénéfices, contre 33,33 % actuellement et remplacer le compte pénibilité par un dispositif plus simple. Pour les particuliers, sur le volet des impôts, Alain Juppé souhaite relever le quotient familial de 1500 à 2500 euros et rétablir la taxation forfaitaire des revenus de l'investissement. Le programme de Juppé sur l'ISF
Alain Juppé veut également supprimer l'ISF "pour stopper l'hémorragie fiscale et inciter les milliers de détenteurs de capitaux à investir en France". L'impôt sur la fortune est payée par les personnes en possession d'un patrimoine supérieur à 1,3 million d'euros, son barème est progressif avec cinq taux différents. La suppression de l'ISF coûterait environ 5,5 milliards d'euros à l'Etat. Alain Juppé souhaite par ailleurs relever l'imposition des droits de succession à 150 000 euros minimum. Le programme de Juppé sur les retraites
Sur les retraites, Alain Juppé vise un recul de l'âge légal de 62 à 65 ans "par étapes", à partir de 2018, ainsi qu'une convergence des systèmes public et privé. Seuls les fonctionnaires recrutés à partir de 2018 seraient concernés par cette mesure. Sur le sujet des retraites, Alain Juppé est très proche de François Fillon. Sur le budget de l'Etat, il veut supprimer 300 000 postes fonctionnaires. Le programme de Juppé sur la sécurité
Mais s'il ne veut pas du destin à la Clinton (Hillary cette fois) que certains lui promettent, Alain Juppé devra cependant mettre en avant ses propositions sur la sécurité, la lutte contre le terrorisme et les questions sociétales dans cette dernière ligne droite. Le candidat à la primaire a déjà promis qu'il donnerait plus de moyens à la lutte contre le terrorisme, en faisant appel aux réservistes de la police et de la gendarmerie. Il veut aussi donner aux forces de l'ordre plus de marges de manœuvre dans leur action, notamment sur l'usage des armes et le cadre de la légitime défense. Une des principales revendications de policiers en colère.
Alain Juppé veut également restreindre les réductions automatiques de peine et revenir aux peines plancher mises en place par Nicolas Sarkozy au début de son mandat. La création d'une véritable police pénitentiaire, qui surveillera de plus près les détenus, complétera la création de 10 000 places de prison supplémentaires. Il refuse pourtant la rétention préventive des radicalisés, prônée par certains candidats à la primaire, jugeant l'intervention d'un juge indispensable avant toute incarcération. Le programme de Juppé sur l'Islam
Alain Juppé a défendu pendant cette campagne le concept "d'identité heureuse" pour lequel il a été raillé par ses adversaires. Il souhaite un strict respect de la laïcité avec la rédaction d'une charte et la création d'un délit d'entrave à la laïcité dans les services publics, à l'heure où la religion s'invite dans les hôpitaux et les écoles. Là où Nicolas Sarkozy avait tenté une forme de sécularisation avec le Conseil national du Culte musulman (CFCM), Alain Juppé veut un "conseil des cultes", permettant aux dirigeants religieux d'échanger avec l'Etat, mais aussi entre eux.
(Suite) Sur l'Islam plus particulièrement, Alain Juppé souhaite globalement un apaisement du débat. "Le simple mot de 'musulman' suscite une hystérie disproportionnée ! (...) Si nous continuons comme ça, nous allons vers la guerre civile", a-t-il notamment déclaré au Monde en septembre. Il s'oppose ainsi à ceux qui estiment que l'Islam n'est pas compatible avec la République, préférant rappeler qu'"il ne faut pas faire d'amalgame. Un musulman n'est pas un terroriste". Concrètement, Alain Juppé ne souhaitait pas une interdiction du burkini cet été. Et il s'est positionné pour l'introduction de menus de substitution dans les cantines scolaires pour les enfants qui ne mangeraient pas de porc. Sur le terrain de la laïcité, il est également pour que les mairies aient la possibilité d'exposer des crèches au moment de Noël. Le programme de Juppé sur l'éducation
Sur l'éducation, Alain Juppé est également très prolixe. En août, il a détaillé au Parisien et dans un livre les grands axes de son programme en la matière, constituant la "mère de toutes les réformes". Il veut d'abord mettre en place un système d'évaluation "tout au long de la primaire", pour valider les fondamentaux au fur et à mesure, rattraper les décrocheurs avant qu'il ne soit trop tard et ainsi lutter contre l'illettrisme. Il prévoit également d'augmenter les salaires des enseignants du primaire de 10 % pour qu'ils soient "plus présents dans l'établissement, et plus disponibles pour les élèves et leurs parents". Pas d'augmentation du temps de travail mais une meilleure répartition selon lui, avec en parallèle une réaffectation progressive de certains postes du secondaire vers le primaire.
Pour maintenir le budget de l'Education au niveau actuel, il veut financer cette augmentation des enseignants par une réduction du coût du bac en taillant dans le nombre d'options et d'épreuves. Favorable à une plus grande autonomie des établissements, Alain Juppé veut qu'ils soient libres d'adapter les programmes scolaires et de recruter sur profil. Le raccourcissement des vacances d'été, vieille antienne de la droite, est aussi de retour dans ce programme. Pour préparer les futurs citoyens, il veut enfin "mieux enseigner le fait religieux" au collège. Le programme de Juppé sur la santé
Avec cette proposition, Alain Juppé se place clairement du côté des médecins libéraux... Comme François Fillon, le maire de Bordeaux souhaite supprimer le tiers payant généralisé qui instaurerait, selon lui, "une gratuité fictive des dépenses de soins". Il entend également renoncer aux 35 heures dans les hôpitaux et favoriser la chirurgie ambulatoire. Le candidat mise beaucoup sur la prévention avec le souhait d'augmenter le budget qui lui est dévolu de 10% sur 5 ans. Mais Alain Juppé veut du changement dès l’université : il envisage ainsi d'ouvrir la première année d'étude de médecine uniquement aux étudiants recrutés sur dossier. Enfin, il souhaite négocier "de façon plus équilibrée" les prix des médicaments avec les laboratoires pharmaceutiques.
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