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Précarités: Par Jacques Attali
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12 juin 2005 12:27
Notre pays ne pourra rester deux ans de plus dans une double précarité - économique et politique - sans dommages irréversibles


Voici qu'à la précarité sociale, qui a provoqué le refus de la Constitution européenne, le président répond par la précarité politique, qui pourrait un jour entraîner le refus de la République.


Le marché, fondé sur la liberté de choix des acteurs économiques, entraîne la réversibilité de leurs décisions et provoque la précarité des emplois, des implantations industrielles et des placements financiers. En poussant, par le jeu de la concurrence, à l'innovation, le marché transforme même cette précarité en une tyrannie du neuf, qui s'installe peu à peu dans tous les domaines de la vie économique, sociale, culturelle et privée. Et, au total, la précarité n'est donc plus un effet secondaire de la mondialisation, mais bien l'autre nom de la liberté. En étant incapables de mettre en place des moyens d'en protéger les peuples, les gouvernants poussent les électeurs à accepter d'échanger des libertés contre de la sécurité. Ainsi, ce n'est pas un hasard si les moins diplômés, c'est-à-dire les moins bien préparés à supporter le changement, ont voté non au référendum. Ni si les rares régions où le neuf est encore synonyme de progrès ont voté oui.


La démocratie, fondée sur la liberté de choix des électeurs, installe la précarité des gouvernants et ajoute à l'incertitude des gouvernés. Aujourd'hui plus encore, en France, à un moment où, plus que jamais, le pays a besoin qu'on lui montre la route vers une liberté protégée, voici que la politique se réduit à une lutte à mort entre les deux meilleurs talents de la droite et entre les meilleurs espoirs de la gauche.


Ce n'est donc pas non plus un hasard si les citoyens les plus menacés de précarité économique votent pour ceux, extrémistes de gauche comme de droite, qui laissent entendre que la précarité pourrait disparaître avec la fermeture des frontières et la réduction des libertés.


Notre pays ne pourra rester deux ans de plus dans cette double précarité sans dommages irréversibles, c'est-à-dire sans ouvrir un boulevard à une alliance brun-rouge, même si celle-ci se déguise en bleu ou en rose.


Afin d'éviter cela, il serait urgent que la classe politique se mette au travail pour proposer au pays des programmes permettant de maintenir le goût du risque tout en protégeant contre ses effets les plus pervers. Cela passe par des réformes très audacieuses, touchant à la pratique démocratique, à l'émergence de nouveaux champs d'économie hors marché, par la mise en place de mécanismes efficaces et justes de protection contre les risques du chômage et par l'incitation à la reconversion et à la création d'entreprises individuelles. Cela suppose, par exemple, qu'un chômeur se voie reconnaître un statut de travailleur s'il accepte de recevoir durablement une formation qualifiante, aussi exigeante et rémunératrice qu'un emploi.


Il y faudrait pour cela du courage et du temps. Deux des denrées les plus rares, par les temps qui courent.
La liberté des autres étend la mienne à l'infini.
 
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