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Point de vue : La preuve est faite, la dette du tiers-monde est effaçable
S
22 mars 2008 11:15
Point de vue

La preuve est faite, la dette du tiers-monde est effaçable, par Damien Millet et Eric Toussaint

LE MONDE | 20.03.08 | 14h40

[www.lemonde.fr]

Depuis août 2007, les banques nord-américaines et européennes traversent une crise très sévère, en passe de s'étendre au système économique néolibéral dans son ensemble. Le montant actuel des dépréciations d'actifs auxquelles elles ont dû procéder dépasse 200 milliards de dollars (127,4 milliards d'euros). Selon les experts les plus chevronnés, la facture dépassera 1 000 milliards de dollars.

Aux Etats-Unis, 84 sociétés de crédits hypothécaires ont fait faillite ou cessé leur activité entre le 1er janvier et le 17 août 2007, contre seulement 17 sur toute l'année 2006. En Allemagne, la banque IKB et l'institut public SachsenLB ont été sauvés d'extrême justesse. L'Angleterre a dû nationaliser la banque Northern Rock en faillite. Le fonds Carlyle Capital Corporation, proche du clan Bush, vient de s'effondrer : ses dettes représentaient 32 fois ses fonds propres. Quant à la prestigieuse banque américaine Bear Stearns, elle vient d'appeler à l'aide la Réserve fédérale des Etats-Unis pour obtenir un financement d'urgence ; elle sera rachetée par la JP Morgan Chase pour une bouchée de pain.

Ainsi, plusieurs segments du marché de la dette sont en train de s'effondrer et entraînent dans leurs déboires de puissantes banques et les fonds d'investissement (hedge funds) qui les avaient créés. Le sauvetage de ces institutions financières privées est réalisé grâce à l'intervention massive des pouvoirs publics.


Une question se pose donc : pourquoi les banques, qui aujourd'hui n'hésitent pas à effacer des dettes douteuses par dizaines de milliards de dollars, ont-elles toujours refusé d'annuler les créances des pays en développement ? Elles font la démonstration que c'est possible et tout à fait nécessaire. Rappelons qu'à l'origine des dettes actuelles réclamées par les banques à ces pays, on trouve des dictatures criminelles, des régimes corrompus, des dirigeants fidèles aux grandes puissances. Les grandes banques ont prêté sans compter à des régimes aussi peu recommandables que ceux de Mobutu au Zaïre, de Suharto en Indonésie, des dictatures latino-américaines des années 1970-1980, sans oublier le régime d'apartheid en Afrique du Sud.

Comment peuvent-elles continuer d'infliger le joug de la dette à des peuples qui ont souffert de régimes dictatoriaux qu'elles ont elles-mêmes financés ? Sur le plan juridique, de nombreuses dettes odieuses figurent dans leurs livres de comptes et n'ont pas à être remboursées. Mais les banques continuent d'exiger leurs remboursements. Rappelons également que la crise de la dette du tiers-monde a été provoquée en 1982 par la hausse brutale et unilatérale des taux d'intérêts décidée par la Fed.


Auparavant les banques privées avaient prêté à tour de bras à taux variable à des pays déjà surendettés, finalement incapables de faire face. L'histoire se répète, mais au Nord cette fois, et d'une manière spécifique : les ménages surendettés des Etats-Unis sont devenus incapables de rembourser leur emprunt hypothécaire à taux variable, car la bulle de l'immobilier a éclaté. Les effacements de dette que les banques réalisent donnent raison à tous ceux qui revendiquent une annulation de la dette des pays en développement : cette dette publique du tiers-monde envers les banques internationales atteignait 181,9 milliards de dollars en 2006, soit un montant inférieur à ce qui vient d'être effacé en quelques mois...


Les grandes banques privées ont triplement fauté : elles ont construit de désastreux montages de dette privée qui ont conduit à la catastrophe actuelle. Elles ont prêté à des dictatures et obligé les gouvernements démocratiques qui leur ont succédé à rembourser jusqu'au dernier centime cette dette odieuse ; elles refusent d'annuler la dette du tiers-monde, alors que son remboursement implique une détérioration des conditions de vie des populations.


Il faut donc exiger qu'elles rendent des comptes. Les gouvernements des pays du Sud doivent réaliser des audits de leur dette, comme le fait l'Equateur aujourd'hui, et répudier toutes leurs créances odieuses et illégitimes. Les banquiers leur démontrent que c'est possible. Il s'agira du premier pas pour rendre à la finance le rôle qui lui revient, celui d'outil au service de l'être humain. De tous les êtres humains.

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Damien Millet est porte-parole du Comité pour l'annulation de la dette du tiers-monde (CADTM France).

Eric Toussaint est président du CADTM Belgique.
 
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