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Poèmes-textes....
h
16 février 2014 19:09
Rêves de ma jeunesse

N'ont-ils pas, de naissance, une santé chétive et faible,
les rêves des jeunes hommes,
brisés comme des branches par les malheurs incessants
qui tombent ainsi que la grêle ?

J'ai demandé aux ténèbres où avait disparu
l'assurance de jeunesse.
Elles m'ont répondu : les vents obliques l'ont chassée,
la dispersant en tous sens.

El lorsque j'ai demandé aux vents où donc il l'avaient
emportée, ils répliquèrent :
Le torrent du destin l'a engloutie à tout jamais,
et les flots noirs du malheur.

Elle est devenue poussière, fumée, néant : tel le grain
broyé dessous la meule,
Envolé sur les rivages de fièvre, proie des flots noirs
où la vague affreuse crie.

ABOU'L-QASIM AL-CHABBI



Modifié 1 fois. Dernière modification le 16/02/14 20:41 par hux02.
h
16 février 2014 19:46
Les chansons de la vie

Cette vie est une cithare...
et c'est la cithare de Dieu.
Ceux qui s'en vont au long des jours
brodent sur elle une chanson.

Les airs font prisonnier nos sens,
par une sorte de magie;
la voix indocile et revêche
trahit ainsi la mélodie.

Et la nuit, sinistre caverne,
offre un sépulcre à la chanson,
condamne à mort le clair écho,
en étouffant sa pauvre vie.

ABOU'L-QASIM AL-CHABBI



Modifié 1 fois. Dernière modification le 16/02/14 20:43 par hux02.
h
16 février 2014 20:40
Mes chansons ivres


Nous nous sommes enivrés de notre amour;
en lui, nous nous sommes rassasiés.
Toi qui, à la ronde aux convives,
fais le geste d'offrir à boire,
enlève la boisson et les coupes.

Offre le charbon ardent
aux oiseaux,
aux abeilles,
et laisse la terre humide
enserrer ton épousée.

Qu'y a-t-il de commun
entre nous et les coupes' que nous quêtions ainsi
auprès d'elles l'étourdissement,
alors que la passion d'amour
est magie, ardente ivresse?

Prive-nous de ta présence,
car de le printemps
est pour un échanson,
et ce vaste espace une coupe de vin.

L'intensité de la vie,
nous la trouvons, comme l'oiseau,
dans le calme horizon,
et comme l'abeille,
au-dessus des fleurs vigoureuses
baignées de tendre fraîcheur.

Tu ne vois que la séduction
du monde et des êtres vivants
qui le peuplent,
celle aussi des songes hantés de créatures
au coeur ensorcelé.

Quant à nous, le plaisir de vivre,
nous le cueillons
sous le feuillage,
comme deux gamins perdus,
dans les illusions
de l'enfance;

ou sur le fier rocher isolé,
au fond de la vallée,
enlacé par les dangereux sentiers
de l'inconnu.
...


ABOU'L-QASIM AL-CHABBI
h
17 février 2014 19:58
...
Passant de grand matin
par les parairies verdoyantes,
nous assiston au déclin
du jour à peine né,
et nous chantons à l'unisson
avec le doux zéphyr
qui pour nous fredonne ses airs.

Et nous murmurons nos confidences
à l'oreille de la Nature
dont le souffle se répand
dans la création entière;
et nous écoutons battre son cœur,
poursuivant son rythme chantant.

Nous ressemblons au Printemps
dans notre marche à travers un parterre
de fleurs, de visions
et de fantômes.

Au-dessus d'elle l'amour danse,
se divertit et chante,
ivre et lançant des œillades
de familiarité coquette.

Nous vivons le plus intense de notre vie
dans un Paradis façonné par la magie,
univers qui au loin dresse ses beautés...
au loin, si loin...

Blottis dans notre nid
teint de la couleur des roses
nous entonnons les versets de l'amour,
en l'honneur de la jeunesse heureuse.

L'existence, nous l'avons laissée
aux mains des hommes
- et peu nous chaut
qu'au long de leur âge,
ils la maudissent à leur gré.

Nous nous sommes éloignés
en emportant avec nous le cœur de cette vie,
son âme; et nous avons laissé
derrière nous l'écorce,
matière inerte des jours.

Oui, nous nous sommes enivrés de notre amour;
en lui nous nous sommes rassasiés;
Et la coupe a débordé.
Éloignez-vous, les échanson!

Ainsi, avons-nous eu accès à l'intensité de la vie,
en refusant le reste de ses dons :
ô vie, nous ne voulons pas
de ces inutiles présents!

Il nous suffit de nos fleurs
qui exhalent leurs parfums;
il nous suffit de la coupe
d'où suinte sans fin l'exquise liqueur!

A nos lèvres, un vin céleste,
généreux et pur, un printemps
à l'habit de fête rayé de blanc!

Ô siècle, ô temps qui dispute
sa course, impatient d'atteindre son but imprécis,
demeure toujours changeante!

Ô création, ô sphère
tournoyante
offerte aux éclats du matin,
aux ténèbres étouffantes,
au jour!

Ô mort, ô destinée aveugle,
arrêtez-vous en ce lieu précis
où vous êtes; sinon, qu'aille à son terme
votre course folle!

Mais laissez-nous là où nous sommes :
les songes nous chantent leurs chansons,
et l'amour, et l'ample existence.

Et si vous refusez,
portez-nous tels que nous sommes,
les flammes de l'amour passionné
au bord de nos lèvres,
et dans nos mains,
les fleurs de la vie, parfumées
d'aromates sans prix, de sortilèges
semblables au souffle léger du zéphyr!

ABOU'L-QASIM AL-CHABBI
P
21 février 2014 18:24
Citation
hux02 a écrit:
Bonjour D3C9 (chez moi ton pseudo s'affiche en rectangle avec à l'intérieur D3 et C9! je suppose que c'est un idéogramme asiatique) ptdr
Merci pour ton accueil et je tiens à te féliciter pour la qualité de tes posts. Ce n'est pas évident de trouver de la poésie arabe ancienne traduite en français, à moins que ça soit tes traductions.
PS: Nizar, ce n'est pas trop ma tasse de thé, à part son magnifique poème Belqaiss. Mais j'avoue ne pas trop connaître son œuvre.

Mais je t'en prie...Je me sens moins seule maintenant grinning smiley
Non , ce ne sont pas mes traductions.. Je n'ai pas atteint un tel niveau, je suis encore loin, très loin smoking smiley
Merci, je te retourne le compliment .

Tu es un homme donc tu ne peux pas apprécier Nizar à sa juste valeur ( grinning smiley), ce n'est pas pour rien qu'on l'appelle le poète de la femme whistling smiley Heureusement que tous les goûts sont dans la nature grinning smiley
P
22 février 2014 14:01
Non loin de moi, elle prit un siège,

s'y installa sans hâte et fut comme une rose

exposant sa nonchalance

sur la lèvre du vase.



Le papier d'une lettre apparut, humble et soumis,

dans sa main,

moissonnant un reste de sa fidélité.



Ma tasse de café s'échappait, elle, sans cesse

de ma main,

dans le désir de rejoindre sa tasse.



Ô le tourment infligé par ce capuchon dont le soleil

auréolait sa tête ! ...

Et ce poudroiement d'or que met en mouvement

l'haleine de l'été !...



Le voyage d'un rayon de lumière

sur son genou

ébranle les fondations de mon âme !



Elle, de sa tasse, humait à loisir

quelques gouttes de café,

et moi j'en buvais au bord

de ses paupières !



Ah, ce récit conté par les deux yeux, qui me demandent

d'être son esclave,

comme sont les astres au ciel

en leur perpétuelle ronde !



Chaque fois que je la regarde

longuement, elle rit,

dénudant la blancheur de neige

de ses dents.



****

Partage avec moi le café du matin,

et ne t'ensevelis pas dans la noire tristesse

de l'irrésolution !



Je suis ton voisin, ô dame mienne,

et les collines elles-mêmes prennent des nouvelles

de leurs voisines.



Qui suis-je ? ... Laisse de côté

les questions. Je suis

une esquisse à la recherche des couleurs

qui la font exister...



****



Un rendez-vous, Madame ?

Elle sourit

et me montra du doigt

son adresse sur l'enveloppe.



J'y portais mes regards attentifs,

et ne pus rien voir, sauf

la marque du rouge à lèvres

sur sa tasse de café.

Nizar Qabbani
P
22 février 2014 14:16
Voici votre fille, ô prairies. Avez-vous
reconnu le bruit de ses pas ?
Elle est revenue vers vous avec le printemps
à la saveur douce, vers vous,
la maison de sa jeunesse.
Elle est revenue vers vous !
Pas de compagnon pour elle
sur les chemins, sinon celui
dont elle porte l'image,
hier comme demain abreuvée de désirs,
sa passion ayant mûri.

Ô prairies déployées au pied des monts,
elle est leur fille comme vous.
Les eaux du Djarzoûm ont abreuvé son coeur,
ont étanché sa soif
avec le vin des images conçues.
Elle a construit sur le vert de la plaine,
près des sources,
à l'ombre des bosquets,
les étages d'une âme qui s'est ouverte
à tout ce que Nature offre
de libre et de beau.

Une âme délicate que la subtilité salubre
de l'air a affinée,
de concert avec les séductions
des riches coteaux et du feuillage
au creux du val.
Une âme aux sens aiguisés, aux perceptions vives,
aux sentiments brûlés,
passionnée de la beauté, et qui boit d'un trait
le vin des sensations
issu de la vaste source du monde
- tout en restant assoiffée.

Me voici ô prairies. Je suis venue:
ouvrez-moi un coeur accueillant ;
embrassez-moi !
Je suis venue appuyer ici ma tête
contre la poitrine compatissante,
prête à me désaltérer sans fin
de cette eau pure du silence
bue à la source de paix.
Là, dans votre giron, je me reposerai,
et soustraite aux regards,
je me noierai dans l'onde
de votre immense tendresse !

Là, oui, là, dans l'air ensorcelé
que vous respirez, cet air
favorable aux poètes,
combien de fois ai-je demandé
à la limpidité
de m'accorder la vision
de fantômes purifiés !
Alors, dans l'engourdissement
de l'inspiration
m'enlaçaient des ailes secrètes qui élevaient mon âme
au-dessus de l'univers des hommes,
au-dessus de toute humanité.

Combien de fois, emportée dans mon élan
ai-je guetté l'apparition première
de la fine lame de lune,
astre solitaire, sur lequel les nuages tiraient
leurs rideaux transparents !
Ses rêves argentés s'épandaient sur l'horizon ténu
en nappes blanches, pures,
à l'unisson de mes rêves,
fantômes volatils !

Combien de fois mon coeur, ô prairies,
a pris soin de l'Etoile
tremblotante du Berger,
annonciatrice au ciel de ses compagnes et dirigeant
ses pas vers l'horizon lointain !
Comme vous avec moi elle se penchait pour saisir
le silence profond.
Et nous nous fondions ensemble, en le pénétrant,
dans un flux de vie sereine,
nous unifiant en lui.

Ô que je souhaiterais m'anéantir là,
dans la plaine,
cette plaine qui vient toucher
le pied de la montagne...
là, dans l'herbe verte, entre ces blancs rochers,
sur la plage lointaine...
dans l'Etoile du matin qui scintille là-bas,
dans la lune solitaire...
Ô que je souhaiterais m'anéantir,
selon mon désir,
en tout ce qui existe !

FADWA TOUQANE
P
22 février 2014 14:31
AMOUR SECRET

Soleil offrant son beau front à l'horizon de clarté :
le temps passé dans tes bras m'est une joue sans mélange !
Les amants qui t'ont goûtée et que tu traites à ton gré
ont péri de leur silence en emportant leur secret...


VIENS!

Groupe lourde et fine taille : telle est ma double passion.
Large lune à point offerte, fuyant le piège des mots !
L'accroche-cœur sur ta tempe, évoquant la lettre "V",
est-il, ô Maître céleste, le prélude du mot " Viens" ?

REFUS

Parvenu au pâturage du lointain plateau de Nadjd,
rappelle-lui mon angoisse et le deuil de mon exil.
J'ai supporté ses refus jusqu'au jour de leur départ :
puissent-ils s'en revenir, et me rendre ses refus !

Le DOU-BAYT
P
22 février 2014 15:12
SÉRÉNITÉ

Lorsque tu as apporté la sérénité à mon coeur,
ô 'Isâ, par toi, l'angoisse m'est devenue une joie !
Oui, par toi, mon cœur s'est sanctifié, ô fils
de mon regard , et j'ai oublié mes souffrances !

Intermède

J'ai bien vu que sa bouche
tombait amoureuse de ses joues
et mon désir en proie aux incertitudes
en fut jaloux.

Alors j'ai été vers ses yeux
et je leur ai crié : " Soyez donc ses gardiens!
Je compte sur vous pour le défendre
de toute autre convoitise !"

L'instant d'après, je revenais vers ses joues
exposées à tout regard et pourtant
si pures. Mais il détourna de moi
son visage indifférent.

Et si le voleur sournois s'approchait
pour le surprendre!... J'ai donc fait retour aux yeux
à qui j'ai fait dur reproche
de leur paresse à défende un bien entre tous précieux.

Est-ce là l'attitude de gardiens consciencieux ?
A quoi leur seule réponse
fut d'alléguer la pauvre excuse
de la nuit ou du sommeil.

Intermède

Pleine lune du mois de Cha'bâne,
l'objet de mes souhaits
a brillé parmi les constellations
placées sous le signe de la chance.

Alors j'ai dit : " Viendrais-je à succomber
sous l'excès de mes larmes ?
Que les astres aillent à leur rythme,
qu'ils naviguent à leur gré!

Oui, si Dieu a fixé leur course
à travers le temps, eh bien que mon coeur
connaisse le deuil si tel est mon lot
funeste en ce monde.

Car celui dont les larmes coulent,
quelle faute a-t-il commise ?
Mais a beau mentir la parole qui le contraire prétend,
mensonge toujours s'impose à nos esprits interdits..."

A quoi il a répondu : " Que ne jeûnes-tu plutôt
que de rêver me conjoindre ?" Mais j'ai crié en retour :
"Ô lune en son plein, ne sais-tu qu"on ne jeûne pas
au temps du mois de Cha'bâne ?"

Intermède

C'est à l'heure où le rouge de ses joues
s'est laissé envahir par la frondaison naissante
d'un fils duvet qu'il a fait prisonnier
mon cœur.

Ce jour-là je l'ai vu rire, puis sourire aux anges,
et dans le même instant mon cœur
était envahi par l'ombre
tandis que je sentais monter mes larmes.

Intermède

Voyant mon accablement
et la pâleur de mon teint,
ma peau toute terne, mes cheveux
en désordre, signes de ma passion pour lui,

il eut ces mots : " Comme ta mine
est devenue changeante ! ..."
Il avait bien noté, au bord de mes paupières,
la trace laissée par les pleurs.

Car il ajouta : " Ces peines de l'amour
par toi goûtées sont trop cruelles à ton âme."
Je m'insurgeai : " Sache que ma passion pour toi n'en a pas fini
avec les chemins, toujours ramifiés, de l'avilissement!"

Le voyant alors s'éloigner de moi,
je lui lançai : " Par Dieu, ô toi
qui sais si bien suivre la voie droite,
que ne te proposes-tu d'être mon guide!

Sache qu'après toi, mes larmes
ont changé de couleur :
vois, c'est du sang
qui aujourd'hui coule sur mes joues !"

Voyant alors l'état de mes paupières
il lâcha ces derniers mots :
" Toi, tu ne pourras après moi
porter le moindre regard sur rien !"

" Ainsi donc tu as vu , repris-je
ce qui ruisselle sur mes joues ?
Ecoute le cri de ce sang,
il te traite de séducteur!

La terre à nos pieds
se mouille de mes larmes :
ô toi, l'homme , crains Dieu
en ce qui nous concerne!"

Intermède

Ah ! ce petit de gazelle à face humaine,
cœur ombrageux, a emprunté
sa lumière aux rayons de soleil
en son plus jeune matin !

Oui, ses paupières en arc brisé
ont réduit mon cœur en pièces!
Prodige que de voir l'objet brisé
devenir briseur à son tour!

Le rouge de ses joues, emprunté au vin
de la cruche, trahit en lui l'enfant porté à querelle,
Et malgré cela, ne va-t-il pas prétendre
que c'est moi qui suis pris de vin !

Ah! le sourire de ces dents
éclatantes de blancheur!
Il suffit qu'il s'incline à peine, et je suis prêt déjà
à entendre la bonne nouvelle.

Et déjà je lui crie : " Ô mon cœur,
que l'eau de ta source est limpide!
N'es-tu pas le lien liquide qui unit
le sable avide et la branche du saule ?"

LE ZADJAL



Modifié 1 fois. Dernière modification le 22/02/14 15:18 par 평.
P
22 février 2014 15:39
Si l'homme ignare en radotant
me nomme frère de l'erreur;
il prouve alors par ses propos
que je suis frère de la science.

Celui dont l'état permanent
consiste en la sotte ignorance
- maladie et non pas défaut-
appelle erreur le dit des sages.

L'homme obtus nomme la science
fantaisie imaginative;
il a raison car celle-ci
de son monde à lui est exclue.

Si le pauvre dit : Je suis riche,
avant de lui donner crédit,
nous irons demander l'avis
des portes du noble mécène.

L'assaut d'un vulgaire roquet
pourra-t-il jamais étonner
l'homme qui a vu s'élancer
contre lui le superbe lion ?

Pouvons-nous prêter attention
à l'homme ignorant et stupide,
lorsque le sage prend sa place
au-dessus d'un tapis de cuir ?

Si un jour tous les caractères,
chose impossible, ont même rang,
comment pourrons-nous distinguer
l'homme généreux de l'avare ?

J'ai ri au spectacle des sots :
ce n'est pas que je les approuve,
mais il m'est plaisant de les voir
se perdre aux déserts du néant.

Combien de gens versent des larmes
sans ressentir de l'affliction!
Et combien d'autres sont rieurs,
qui collectionnent tous les maux !

Si un jour l'homme généreux
revêt de beaux habits de soie,
plus glorieux seront près de lui
les vêtements râpés du sage,

L'homme ne vient pas du costume
dont on s'affuble à l'occasion,
mais plutôt de l'intelligence
et de la droiture du cour

FRANCIS MARRACHE.
P
22 février 2014 15:45
Aux amants passionnés, il faut l'acquiescement
aux décrets que l'amour a prononcés pour eux :
jetés à terre, piétinés par son mépris,
ils ne craignent ni mal ni dure maladie.

Le blâme des censeurs, ils ne l'entendent point,
et restent sourds aux meilleurs conseils;
si donc tu ne crains pas d'affronter le danger,
du moins n'affecte pas l'ignorance, jeune homme.

Mon âme est la rançon de tous ceux que l'amour
a rapprochés de moi, même si le regard
n'a passé que furtif: voilà l'engagement,
alors que pour certains, amour n'est que bluette.

Ils ont pris le départ, mais n'ont point persisté
dans la course glorieuse où triomphe l'amour:
ils ont rompu le pacte avec l'unique Amant,
qui reste malgré tout fidèle à son serment.

Arrête et reçois la confidence plaintive
qui raconte la mort d'un jeune adolescent.

Ils l'ont tué et lui-même s'était forgé
une obligation de mourir par l'amour.

La flèche d'un coup d'œil, lancée à l'improviste,
s'est plantée en son cœur sans qu'il s'en aperçût,
il languit et mourut, consumé par l'amour,
sans être parvenu au but tant souhaité.

Un regard. Il aima de toute son ardeur.
Il demanda l'étreinte, on la lui refusa.
Dans la passion mortelle, il voulut demeurer,
sans accepter d'échange et sans consolation.

MARYANA MARRACHE
P
22 février 2014 15:56
Arrête, voyageur, et contemple ces ruines :
sois témoin qu'au pouvoir s'oppose un Roi glorieux.

Débris d'une nation jusqu'au ciel élevée,
que le siècle a vaincue après l'avoir portée,

Ont déchiré son bandeau royal les épreuves,
jetant le porteur de sceptre dans la poussière.

Ruines près d'un tas de fumier, et des vestiges :
un livre dont l'usure a effacé le titre.

Des figures de pierre, et des réalités
auxquelles les lointains prêtent leur évidence...

Qui les voit se dit : Tels sont donc les Rois du temps
telle est leur gravité, et tel leur juste aplomb.

Là, des restes d'autels, ici de grands palais,
harassés, ont cédé à la noire gangrène.

Le Temps s'est joué d'eux et de leurs desservants,
et lulius n'a point eu la pourpre en patrimoine.

Là se sont déroulés de grands événements
dont la trace a traîné jusqu'au viles servantes.

Un culte est parti, un autre culte est venu;
un roi a disparu, un autre a pris sa place.

Et ce qui a provoqué cette gloire illustre,
c'est l'effusion d'un sang digne d'être gardé!

AHMAD CHAWQI
P
22 février 2014 16:14
ELLE SE NOMMAIT DÉSIRÉE

L’œil reçoit le souhait
d'un bonjour favorable,
chaque fois que de toi
la lumière épandue
le touche et le ravit
à chaque aube.

La traîne de sa robe
bien que volumineuse
ne peut courber sa taille,
fleur que n'abîme point
le vent dans les fourreaux
qui gémit.

Associée aux bienfaits
que dispensent les femmes,
leur confiant le soin
de placer les bijoux,
elle arrange avec goût
la ceinture.

De toutes parts tassée,
elle ne peut saisir
la mèche sur le front,
et ne veut acquérir
au sommet des cheveux
la couronne.

Des cheveux sur la tempe,
au-dessus de la joue,
comme une ligne noire
à l'encre, qu'a tracée
un doigt fort convenable,
gracieux.

Cheveux mouillés de musc
qu'un doigt a ramenés
en trait bien arrondi,
harmonieuse courbe,
menée entre l'oreille
et l'épaule.

Un bel adolescent,
sauf que c'est un garçon
qui veut lui ressembler.
Basilic de la vie,
savoureux à qui veut
embrasser.

Ici sont réunis
l'agrément de la forme,
la beauté de l'habit,
et ne peut la décrire
dans les moindres détails
aucun mot.

poésie arabe
Prudence d'un athée,
oeillade d'une fille
adressée au client
qui recherche l'amour,
le suprême désir
de l'amant.

Froncement de sourcils,
désespoir de prison;
faux semblant de dégoût,
une ruse subtile;
regard de Djinn, coup d'oeil
hypocrite.

Un oeil qui te contemple
a remporté trois fois
la victoire, au profit
de ton admirateur,
ô toi des créatures
le beau charme.

ABOU-NOWAS
P
22 février 2014 16:18
SATAN

Aux clartés du matin je me suis confié,
et Satan soutenait ce qui me fait pécher

Je l'ai vu s'élevant jusqu'au plus haut des cieux,
et puis il s'abattit, entraînant les étoiles.

Il voulut étonner afin d'être entendu;
ne fut pas long pourtant sans tomber lapidé.

Me dit en s'élevant: "Salut à toi, pécheur,
toi dont le repentir est fait d'illusions.

As-tu auprès de toi des jambes de pucelle,
au corps frais, qu'embellit une poitrine saine?

Chevelure opulente épandue à torrents
sur le dos, d'un noir vif qui raconte la vigne?

- Non! lui dis-je. - As-tu donc un imberbe garçon
aux fesses bien remplies, qui tremblent, qui frémissent,

engourdi, ainsi qu'une pucelle naïve,
et la gorge nue, orpheline d'un collier?

- Non! lui dis-je. - As-tu donc un garçon babillard
qui sait parfaitement claquer des doigts, chanter?

- Non! lui dis-je. - Alors, va renoncer fermement
à tout ce qui ressemble aux plaisirs que j'ai dits,
car moi j'espère un jour te voir me revenir,
malgré ta décision, ô illustre imbécile.

Aussi vrai que j'ai nom (Abou-Mourra) partout,
te conduire autrement, c'est agir comme un sot."

ABOU-NOWAS
P
22 février 2014 16:43
LE POIDS DU DÉSIR

Qui porte le poids du désir
est vite fatigué, mais un
élan joyeux vient l'alléger
Quand il voit son amour comblé.

Si tu le vois verser des larmes,
dis-toi qu'il convient de pleurer
en son état, car ce qui est
en lui, ne peut sembler frivole.

Et toi, femme, tu ris gaiement
et cours vers ta distraction,
tandis que ton amant se livre
à sa douleur, à ses sanglots.

Le mal qui chaque jour m'étreint,
à tes beaux yeux tout étonnés
semble étrange et bien singulier:
l'étrange serait ma santé.


ABOU-NOWAS
P
22 février 2014 16:45
Pour tous ceux que Dieu a créés,
elle simule un grand amour,
et leur jette à tous son salut,
ainsi que ses meilleurs souhaits.

A sa porte je suis venu
pour me plaindre de mon tourment;
or je n'ai pu m'en approcher,
tant l'affluence y était grande.

Toi qui ne peux te contenter
d'un seul ami et compagnon,
ni même, je crois, de deux mille
pour ton propre usage, à chaque an.

Et même tu dois être un reste
des fameux gens de Moïse
qui ne supportaient pas d'attendre
pour manger, qu'un repas fût prêt.


ABOU-NOWAS
P
22 février 2014 16:52
REFUS

Femme, que je sois ta rançon!
Mes yeux ont saisi les mots
que cette bouche se refusait à prononcer,
sentence qui tombait,
énoncée au loin par un si beau visage.

Je sais ce que tu as déclaré au messager :
" Que cet homme en trouve une autre que moi,
car il n'est plus de route pour lui
qui lui permette de me rejoindre!"

Le messager est revenu
les yeux baissés
et son aspect seul m'a appris
qu'elle ne m'acceptait pas;

si " Bulle d'eau" m'avait fait
une réponse favorable,
celle-ci n'aurait manqué de paraître
sur un visage radieux !

ABOU-NOWAS
P
22 février 2014 16:59
A LA MESSAGÈRE

Ô toi qui es là à me donner
des nouvelles de " Bulle d'eau",
par Dieu, parle encore,
répète ce que tu as dit,
ô l'homme à la conversation savoureuse!

Elle a donc affirmé
que je lui donnais des motifs
de se plaindre de moi.
Elle a donc dit : " Je me trouve éprouvée

par sa faute, je le vois à ma suite
partout où je vais. Quand je le rencontre
sur mon chemin, il lève sur moi son regard
et me fixe avec intensité
jusqu'à ce que je rougisse de honte..."

N'a-t-elle pas dit aussi : " Si je viens à m'arrêter
dans quelque endroit désert
où il puisse me parler à son aise,
il demeure silencieux
sans même avoir la force
d'articuler un mot.

Ainsi n'a-t-il cessé d'en agir envers moi,
répétant sans cesse
les mêmes scènes,
jusqu'à devenir
l'unique objet de mes soucis,
mon but nécessaire:"

ABOU-NOWAS
P
22 février 2014 17:07
EN VÉRITÉ

" Bulle d'eau" m'injurie.
Malgré cela, je désire
que l'on mentionne son nom
pour attirer sur lui mille bienfaits.
Elle prétend que je suis
un homme hypocrite,

que mon affection est feinte,
que je lui joue la comédie,
que je n'ai pas renoncé
à mes anciennes amours.

Elle se trompe. Je ne réfuterai pas
ses allégations : je dirai simplement
qu'il n'est d'autre souverain
que le cœur.

Le mien trouve sain
le désir ardent qu'il éprouve
pour elle, car la soif d'amour
se cache insidieusement
entre mes côtes.

Elle a vu mon assiduité
auprès d'elle
et la persistance de mon pacte,
puis elle m'a volontairement
abandonné. Voilà ce qui s'est passé
en vérité!


ABOU-NOWAS
P
30 mars 2014 14:35
ENTRE LE FRUIT DU LOTUS ET SES OMBRES

C'est entre le fruit du lotus au détour de l'oued et ses ombres
Que s'est perdu celui que l'amour a fait esclave, et c'est par son
égarement même qu'il a retrouvé le chemin.

Dans ce défilé yéménite est l'objet des désirs
De l'amoureux, il est hors de portée de tout espoir.

Ô mon compagnon, fais halte dans cette vallée de 'Aqiq,
En affectant d'avoir perdu l'esprit, quand bien même ce ne serait pas le cas.

Regarde-la à ma place, car mes larmes qui coulaient
M'ont empêché de diriger vers elle mes regards.

Demande à la gazelle dans son gîte si elle a connaissance
De l'état de mon cœur, et de l'amour que je lui porte.

Elle n' rien su, je crois, de l'humiliation de ma passion,
Distraite qu'elle était par la fierté que lui inspire sa beauté.

Mon âme accablée se donne à elle en rançon,
Ce n'est pourtant pas un don, puisque mon âme, déjà, lui appartient.

Soupçonne-t-elle que je voudrais qu'elle renonce à moi,
Soupçonne-t-elle que je désire qu'elle m'abandonne tout comme je
désire lui être uni ?

Je passe la nuit éveillé, traçant devant mes yeux son image,
Pour rencontrer le fantôme de son fantôme.

Puissé-je ne goûter un seul jour de repos envers quiconque me blâme
Si j'ai prêté l'oreille à ses vains propos.

Je le jure, par la douceur que j'éprouve à satisfaire le Bien-Aimé et à lui être uni,
Ce n'est pas parce qu'il s'est lassé de moi que mon cœur, lui, s'est lassé de l'aimer.

Comme j'ai désir de l'eau de 'Udayb, comment pourrais-je
Étancher la soif de mes entrailles à la fraîcheur de son eau limpide

Son onde est trop sublime, elle est inaccessible à mon désir,
Ma soif ardente se porte vers le miroitement de son reflet.

'Umar b. al-Fârid
Emission spécial MRE
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