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Le phénomène « Marock »
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20 juillet 2006 09:59
Le phénomène « Marock »
MAROC - 16 juillet 2006 - par SAMY GHORBAL

Virulentes polémiques et énorme succès commercial : l’audacieux film de Laïla Marrakchi en dit plus long que bien des discours sur la société d’aujourd’hui.

Le tir de barrage déclenché par les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) - et leurs appels au boycottage - auront donc eu l’effet inverse de celui recherché : loin de le bouder, les Marocains se sont rués dans les salles pour découvrir Marock, le film de la jeune réalisatrice Laïla Marrakchi. Un premier long-métrage libre, audacieux, parfois iconoclaste, fondé sur les souvenirs autobiographiques de la cinéaste, née en 1975 à Casablanca et ancienne élève de « Lyautey », le grand lycée français de la capitale économique.
L’intrigue se résume à une banale histoire d’amour entre deux adolescents, Ghita, l’héroïne du film, remarquablement campée par la prometteuse Morjana Alaoui, et Youri, interprété par Matthieu Boujenah, le neveu de Michel Boujenah, le célèbre acteur français d’origine tunisienne. Elle se déroule en plein mois de ramadan à Anfa, un quartier huppé de Casa, fief d’une jeunesse dorée, insouciante et souvent arrogante, qui s’affranchit allègrement des codes et des convenances d’un Maroc profond dont elle ignore tout, ou presque. Et dont elle ne veut rien savoir. On mange, on boit, on fume, on se moque pas mal des préceptes religieux - quand on ne les tourne pas en dérision -, on joue aux cartes et aux jeux de hasard. Et l’on batifole, bien sûr…

Les bien-pensants ont voulu voir dans ces scènes une attaque en règle contre l’islam, alors que la réalisatrice n’a fait que porter à l’écran une réalité bien ancrée dans certains milieux, certes pas très représentatifs du « Maroc d’en bas ». Sans prendre explicitement position et sans faire œuvre militante, Laïla Marrakchi jette simplement un pavé dans la mare de l’hypocrisie ambiante et montre, sans le dénoncer ni d’ailleurs le défendre, le fossé existant entre les classes.

On peut comprendre que certaines images aient choqué. Celles notamment où l’on voit Ghita apostropher son grand frère Mao (Assaâd Bouab, remarquable), fraîchement rentré d’une université londonienne, alors que celui-ci s’est prosterné pour prier : « Mais tu es devenu fou ? Tu te crois en Algérie ou quoi ? Tu vas devenir barbu ? » Tout est dit. Le malentendu est total, l’incompréhension mutuelle.

Là où les choses se corsent vraiment, c’est lorsque Ghita tombe amoureuse de Youri, sorte de James Dean casablancais (la filiation de Marock avec La Fureur de vivre, le film de Nicholas Ray, est pleinement assumée, revendiquée), faux macho, mais vrai cœur tendre. Problème : Youri est juif. Un juif avec une musulmane ? N’en jetez plus ! Les détracteurs du film s’en donnent à cœur joie. Leur angle d’attaque est tout trouvé : Marock est un « film sioniste ».

Ces anathèmes, qui n’émanent pas seulement des milieux islamistes mais aussi d’une partie de la gauche, n’ont pas nui à la carrière du film. Projeté d’abord en France, en février, il a enregistré 150 000 entrées. Il devrait rééditer cette performance au Maroc, bien que le royaume ne compte qu’environ 70 salles, contre plus de 5 000 dans l’Hexagone. « Nous n’en sommes qu’à la huitième semaine d’exploitation et le cumul des entrées s’élève déjà à 127 000. Le film devrait franchir le cap des 150 000 spectateurs. Deux fois plus que Chouchou [le drolatique opus de Gad Elmaleh] », s’enthousiasme Hamid Marrakchi, l’oncle de la réalisatrice, qui exploite le complexe Mégarama (14 salles), sur la Corniche de Casablanca. Marock n’a pas encore détrôné À la recherche du mari de ma femme, la comédie d’Abderrahmane Tazi, plus gros succès obtenu à ce jour par un film marocain, mais il est déjà devenu un phénomène de société.

L’affaire est intéressante à plus d’un titre. La polémique qui a précédé la sortie du film s’explique, d’abord et avant tout, par des considérations… corporatistes. Elle a pris naissance en décembre 2005, lors de la 8e édition du Festival de Tanger, où il était en compétition, après la virulente mise en cause par Mohamed Asli, le réalisateur de À Casablanca, les anges ne volent pas, de sa « marocanité » et de son prétendu financement « sioniste ». Une sortie parfaitement nauséabonde. « C’était surtout de la jalousie, analyse un patron de presse marocain. Marrakchi a réuni un budget de 1,8 million d’euros grâce à des financements essentiellement français, après s’être heurtée à un refus de la part de la Commission d’aide au cinéma marocain. Comme ses confrères, Asli était indigné que le film ait été autorisé à concourir et qu’il ait raflé des prix dans un festival national. » La polémique prenant de l’ampleur, Noureddine Saïl, le directeur du Centre cinématographique marocain (CCM), monte au créneau pour défendre Marock. Fin du premier acte.

La commission de censure, l’instance qui statue sur la correction et la moralité des œuvres avant d’autoriser leur projection, accorde, sans discuter ni exiger de coupes, son visa au film, qui est simplement interdit aux moins de 12 ans. La sortie devait avoir lieu simultanément au Maroc et en France, au mois de février, mais elle est différée de quelques semaines dans le royaume, le temps d’apaiser les passions allumées à Tanger. C’est alors que les islamistes entrent en scène.

Interrogé dans J.A., Saad Eddine Othmani, le secrétaire général du PJD, déclare qu’il n’a pas vu le film, mais qu’il n’est pas question de recourir à la censure. Un discours très modéré qui provoque des remous dans son parti. La réplique ne se fait pas attendre. Dans son édition du 3 mai, At-Tajdid, le journal dirigé par Abdelilah Benkirane, l’un des principaux responsables du PJD, déclenche une attaque en règle. Au Parlement, les députés islamistes posent au gouvernement la question de l’interdiction du film. Nabil Benabdallah, le ministre de la Communication, leur oppose une fin de non-recevoir. Le PJD demande alors à ses partisans de manifester devant le Mégarama, avant de se raviser. Tel Quel, l’hebdomadaire francophone d’Ahmed R. Benchemsi, et Al-Ahdat Al-Maghribiya, le quotidien arabophone de Mohamed Brini, l’un et l’autre farouches adversaires des islamistes, prennent la défense de Marock, ce film qui ose braver tabous et interdits. Le public, jeune surtout, se déplace en masse : Marrakchi a gagné son pari.

Tempête dans un verre d’eau ? Sans doute, mais pas seulement. Car rien n’interdit de tirer de l’affaire quelques leçons. En politisant l’affaire, les islamistes espéraient mobiliser les foules, au nom de la défense de l’islam, des valeurs identitaires et de l’authenticité marocaine, thèmes qui leur avaient jusqu’ici plutôt bien réussi. Ils se sont trompés. Depuis les attentats du 16 mai 2003, le PJD s’efforce de présenter de lui l’image rassurante d’un parti conservateur bon teint, faisant de la moralisation des mœurs son cheval de bataille. Une posture populiste qui lui a permis de marquer de précieux points. Sa dénonciation du tourisme sexuel et, surtout, de la pédophilie, a par exemple rencontré un large écho et a sans doute contribué à une salutaire prise de conscience. « Le PJD était une force politique promise à un bel avenir, constate, amusé, notre patron de presse. Rien ne semblait pouvoir contrarier son ascension. Mais il a fini par se couper bêtement de la jeunesse. D’abord en partant en guerre contre les “festivals de la débauche”, en particulier celui d’Essaouira, qui connaît chaque année une très forte affluence populaire. Ensuite, en jetant l’anathème sur un film qu’ils ne se sont même pas donné la peine de voir. Or les Marocains ont mûri, ils veulent juger sur pièce. »
l
20 juillet 2006 10:09
l'attitude des PJDISTES : il ne faut pas que le peuple marocain verse dans la danse et les chants et tout ce qui incite à la joie de vivre...il faut etre pieux ,,un peu triste et prier beaucoup et aller dans les mosquées au lieu d'aller aux festivals
l
20 juillet 2006 10:26
les autorités catholiques accusaient le rock'n roll d'étre l'oeuvre de satan dans les années soixante.
ça entrainait la jeunesse dans la debauche d'aprés eux.
k
20 juillet 2006 14:36
Citation
lunik a écrit:
l'attitude des PJDISTES : il ne faut pas que le peuple marocain verse dans la danse et les chants et tout ce qui incite à la joie de vivre...il faut etre pieux ,,un peu triste et prier beaucoup et aller dans les mosquées au lieu d'aller aux festivals

je ne suis pas d'accord avec toi l'ami, j'ai vu une partie du film, quelques critiques sur le fond artistique du film, et il et cruellement vide et non representatif du pays!! certes quelques aspects font partie de la realité mé ils sont plutot presentés pour etre positifs bien que la realisatrice n'a pas eu le courage de dire toute sa pensée...
sur la premiere scene, un policier arrete une nana avec son copain dans la voiture, lui cherche un arrangement avec le flic elle rale et quitte la voiture, passe a coté d'un SDF(chamkar) lui demande une cigarette, font quelques metres ensemble et croise une bagare, la elle est charmée par le bagareur...
le lendemain avec ces copine du lycée elle leur fait defi qu'elle va se le faire (le bagareur)...., bon j'arrete la parceque c'est nul ma foi!!

ton intervention je n'arrive pas a la bien situer par rapport au film, car danse chant et joie sont des besoins naturels, et le film ne m'as pas fait specialement plaisir...,
etre pieux, aller a la mosquée sont plutot de bonnes choses, malheureusement que je ne le fait pas!!!

marier les 2 aspects serait merveilleux, mais a la vue du film, c'est pas ce positivsme qui en reste, car l'histoire si on considere qu'il y a une histoire dans ce film, ne ressort avec rien et concerne une classe tres tres restreinte si on croit bien la realisatrice sur les aspects presentés surtout dans un milieu d'adolescents tres deboussolés...

l'europeen, les aspirations des societés sont differentes, et la on ne fait des considerations sur le cinema d'un mauvais oeil, par contre les films peuvent l'etre et la il faut voir le film et en parler et c tout!!
k
20 juillet 2006 14:37
une des questions soulevées dans une critique sans avoir une reponse, pkoi a t on choisit un titre comme : Marock?? qu'il est le message qu'on veut transmettre?
b
20 juillet 2006 15:00
Bonjour,

J'ai eu l'occasion de voir ce film et je l'ai trouvé excellent.
L'objectif n'est pas d'etre representatif, mais de raconter une verité quand il veut la raconter.
Et la je trouve que l'auteur de l'articel a tout a fait raison par cette phrase: "Laïla Marrakchi jette simplement un pavé dans la mare de l’hypocrisie ambiante et montre, sans le dénoncer ni d’ailleurs le défendre, le fossé existant entre les classes".

Tout le monde sait que ce que raconte la realisatrice est au fond vrai, ca existe, et ca fait partie du Maroc.

Le PJD ainsi, plusieurs medias et plusieurs acteurs de l'opinion publique se sont trompés d'estimation. Voici qu'ils avaient négligé comme l'ecrit l'auteur que les gens veulent juger eux-memes et que, aussi et surtout, le nombre de ceux qui sont pour la liberté, l'ouverture, sont une immense majorité mais silencieuse.

A entendre et a lire beacoup du premier camp on aurait predit des incidents au Maroc a la sortie du film, mais voila qu'il est montré partout et en plus accueuilli avec enthousiame. D'ailleurs le site web et son blog du film en temoignent.

J'ai vu le film, en France, la salle etait complete deja en apres-midi, beacoup de marocains et de marocaines, je ne sais d'ou ils sont sortie. Beacoup sont restés longtemps dans la salle apres le film, avaient l'air de méditer.

Une des forces de ce film, c'est que par la fin il dilue cette frontiere entre les couches sociales de manier est-ce qu'on n'a pas besoin d'etre super riche pour s'identifier aux personnages et leurs histoires. C'est peut-etre une raison pourquoi il n'a laissé personne indifferent.
l
20 juillet 2006 17:01
[
l'europeen, les aspirations des societés sont differentes, et la on ne fait des considerations sur le cinema d'un mauvais oeil, par contre les films peuvent l'etre et la il faut voir le film et en parler et c tout!![/quote]



je faisais juste un raprochement avec nos integristes à nous qui ont toujours eu horreur de la jeunesse, de la musique... etc
s
20 juillet 2006 20:02
non seulement c'est la vérité mais en plus les personnages sont authentiques, les acteurs parlent de leur propres vies, il n'y avait rien de comédie dedans, c'était bel et bien leur vie qu'ils confiaient au spectateur...tout est réel dans le film, les casablancais vous l'attesteront! car même le gars qui vend du shit et qui est surnommé dans la vie réelle "la gazouille" vend véritablement du shit dans la live...
 
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