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Les pays du G8 veulent utiliser notre argent...
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26 mai 2004 03:17
Les pays du G8 veulent mieux utiliser l'argent des immigrés pour financer le développement
LE MONDE | 25.05.04 | 14h18 •

100 milliards de dollars sont envoyés chaque année par les travailleurs vers leur pays d'origine. L'objectif du sommet est de faire baisser sensiblement les coûts de ces virements.
Trouver de l'argent pour le développement. Cette lancinante question, relancée par l'engagement de l'ONU de réduire la pauvreté de moitié d'ici à 2015, donne lieu à toutes sortes d'initiatives. En Grande-Bretagne, le chancelier Gordon Brown tente de convaincre la communauté internationale de faire appel aux marchés financiers. En France, le président Chirac a lancé une étude sur la faisabilité d'une taxe internationale. Les Américains, quant à eux, ont choisi une approche différente : utiliser l'argent qui existe.

Chaque année, quelque 100 milliards de dollars sont envoyés par les travailleurs immigrés dans leur pays d'origine, dont un quart en provenance des Etats-Unis. Washington veut faciliter le transfert de ces fonds. Il a convaincu ses partenaires. Le sujet est l'une des "priorités" du sommet des chefs d'Etat du G8 (G7 plus la Russie) prévu du 8 au 10 juin à Sea Island en Géorgie (Etats-Unis).

"FACTEUR DE CROISSANCE"

Ces sommes, par leur volume, sont "un facteur-clé de la croissance et de la réduction de la pauvreté", ont déclaré les ministres du G7 à l'issue de leur réunion des 22 et 23 mai à New York. "Nous sommes engagés à surmonter les obstacles institutionnels à leur transmission", ont-ils ajouté, dans une allusion aux frais élevés imposés pour leurs transferts. Selon le sous-secrétaire américain au Trésor, Samuel Bodman, il faut surmonter "les barrières qui entravent le flux des transferts vers le destinataire", telles que la "faible concurrence" sur ce marché, les infrastructures technologiques "faibles" et les barrières réglementaires "excessives". Dans un récent rapport, la Banque mondiale indique que le coût des transferts "peut atteindre jusqu'à 20 % du montant pour les petites sommes".

L'institution affirme que les transferts sont, derrière les investissements directs, la deuxième source de financements externes pour les pays en développement. Ils sont en progression constante : 72,3 milliards de dollars en 2001, soit 42 % des flux privés ; 80 milliards en 2002, quelque 100 milliards en 2003. Officiellement, les transferts ont progressé dans le monde de 20 % en deux ans. Non seulement il s'agit de sommes énormes, mais elles sont stables et ne sont pas soumises aux aléas pro-cycliques des flux privés.

Pour réduire les frais de transfert, la Banque mondiale suggère plusieurs moyens : encourager la concurrence, améliorer le climat de l'investissement dans les pays bénéficiaires en supprimant, par exemple, les restrictions sur les changes ou encore faciliter l'accès des immigrés aux services bancaires dans leur pays d'accueil, tout comme celui de leurs familles dans les pays d'origine.

Des organisations et réseaux financiers mondiaux, comme le World Council of Credit Unions, permettent déjà de transférer des montants de 1 000 dollars entre les Etats-Unis et le Mexique avec des frais ne dépassant pas les 15 dollars contre 76 dollars appliqués par les grandes banques commerciales. Le groupe canadien Meli Melo Transfert ne facture que 3 dollars par virement international jusqu'à un maximum de 400 dollars pour des virements importants et, à Hongkong, certaines agences spécialisées ont même ramené les frais fixes à 2,50 dollars par transfert vers les Philippines, affirme la Banque.

LUTTE ANTITERRORISTE

La communauté internationale ne découvre pas le phénomène mais elle vient de prendre conscience de son ampleur. Le changement s'est opéré en 2002-2003 quand, selon l'économiste de la Banque mondiale spécialisé dans ces sujets, un réexamen de la manière dont ces flux étaient évalués a montré que leur définition variait d'un pays à l'autre. Des études précédentes du Fonds monétaire international suggéraient que les montants vers les Philippines étaient, par exemple de 125 millions en 2001. La nouvelle méthode de calcul a fait apparaître des sommes cinquante fois plus importantes : en 2001, ce sont 6,4 milliards de dollars qui auraient été transférés vers les Philippines. Ces sommes pourraient même être sous-estimées, indique-t-il, car une grande partie de ces flux circule par des canaux informels et des officines de transferts de fonds qui ne sont pas enregistrées.

L'idée américaine, de "bancariser" le plus largement possible les travailleurs immigrés en leur offrant un accès abordable aux institutions financières a un double objectif, selon les spécialistes du développement : lutter contre les systèmes de transfert informels, comme les hawalas, soupçonnés par Washington d'être des canaux pour l'argent du terrorisme, et faire payer le développement par les pays en développement eux-mêmes.

Au G8, la France devrait avoir sa propre petite musique. La situation des Etats-Unis, où vivent 10 millions d'immigrés essentiellement du Mexique et d'Amérique centrale et latine, ne peut pas se comparer à celle de la France, dont la population immigrée vient essentiellement d'Afrique. Paris insiste, par ailleurs, sur le fait que faciliter les transferts de fonds ne doit pas se substituer à l'aide publique au développement.

Babette Stern
 
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